Mali : La transition prolongée et redéfinie vers la souveraineté - Journal du Niger



Mali : La transition prolongée et redéfinie vers la souveraineté

Bamako, 4 juillet 2025 —Dans un Mali en quête de stabilité après des années de tumulte, le Conseil national de…

Le Conseil National de la Transition du Mali adopte une révision de la Charte de la Transition, prolongeant sa durée et conditionnant

Bamako, 4 juillet 2025 —Dans un Mali en quête de stabilité après des années de tumulte, le Conseil national de la Transition (CNT) a franchi une étape décisive le jeudi 3 juillet 2025. En effet, à l’unanimité, ses membres ont adopté un projet de révision de la Charte de la Transition, redessinant les contours d’une gouvernance provisoire qui pourrait durer jusqu’à cinq ans, voire davantage. Ce texte, qui conditionne tout scrutin à la pacification du territoire, marque un virage audacieux, mais aussi controversé, dans la trajectoire d’un pays à la croisée des chemins. Entre ambitions régionales et défis internes, le Mali s’engage sur une voie incertaine, portée par une volonté de souveraineté et de rupture avec le passé.

Une transition prolongée, des priorités redéfinies

La nouvelle Charte, adoptée sous les plafonds feutrés du CNT, prolonge la transition à une durée de cinq ans, renouvelable si nécessaire. Une condition sine qua non domine ce texte : aucune élection ne sera organisée tant que la paix ne sera pas restaurée sur l’ensemble du territoire. Cette exigence, bien que pragmatique face à l’insécurité persistante dans le nord et le centre du pays, soulève des interrogations sur le calendrier démocratique. Le Mali, sous la houlette des autorités de transition depuis le coup d’État de 2021, semble ainsi privilégier la stabilisation avant tout retour aux urnes.

Cependant, ce n’est pas tout. La révision opère un ménage symbolique en éliminant des références jugées désuètes, comme l’Accord pour la paix et la réconciliation, signé en 2015 à Alger, ou encore le Protocole de la CEDEAO, autrefois piliers de la feuille de route malienne. Ces suppressions traduisent une volonté de s’affranchir des cadres internationaux perçus comme inadaptés aux réalités actuelles. Au lieu de cela, le texte s’ancre dans les conclusions des consultations nationales, menées pour capter les aspirations populaires, et s’aligne sur les priorités du Plan d’Action gouvernemental, qui met l’accent sur la souveraineté et le développement endogène.

L’Alliance des États du Sahel comme boussole

Cette révision s’inscrit dans un contexte régional plus large : celui de la Confédération des États du Sahel (AES), formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ce bloc, créé en 2023, incarne une volonté d’émancipation des influences extérieures, notamment occidentales, et d’une coopération renforcée entre pays sahéliens confrontés à des défis communs : insécurité, sous-développement, et pressions climatiques. La Charte révisée reflète cette dynamique, cherchant à aligner la gouvernance malienne sur une vision régionale qui privilégie l’autonomie et la solidarité entre voisins.

Pour les autorités de transition, dirigées par le colonel Assimi Goïta, cette réforme est une réponse aux attentes des Maliens, lassés par des promesses non tenues et des cadres imposés de l’extérieur. Mais elle n’est pas sans risques. En effet, en repoussant les échéances électorales et en rompant avec des accords historiques, le Mali pourrait s’isoler davantage sur la scène internationale, tout en attisant les tensions internes parmi ceux qui aspirent à un retour rapide à un régime civil.

Le Conseil National de la Transition : Un pari risqué pour la stabilité

L’unanimité du vote au CNT témoigne d’un consensus apparent, mais elle masque des débats sous-jacents. La prolongation de la transition, bien que justifiée par l’urgence sécuritaire, pourrait frustrer une population en attente de changement. Les groupes armés continuent de défier l’État dans plusieurs régions, et la pacification promise reste un défi colossal. En outre, la suppression de références à l’Accord de paix pourrait compliquer les relations avec les groupes signataires, notamment dans le nord, où les tensions ethniques et territoriales demeurent vives.

Pourtant, les partisans de la réforme y voient une chance unique de rebâtir le Mali sur des bases plus solides. En s’appuyant sur les consultations nationales, le gouvernement affirme vouloir donner la parole au peuple, loin des diktats internationaux. La Charte révisée devient ainsi un symbole de cette quête d’autodétermination, un cri de ralliement pour un Mali qui veut écrire sa propre histoire.

Un avenir à construire, un équilibre à trouver

Le Mali se trouve aujourd’hui à un carrefour. La révision de la Charte de la Transition est un pari audacieux : celui de privilégier la stabilité avant la démocratie, la souveraineté avant les compromis internationaux. Mais ce choix, aussi courageux soit-il, n’est pas sans périls. La patience des Maliens, éprouvés par des années de crises, pourrait s’éroder si les promesses de paix et de prospérité tardent à se concrétiser.

En adoptant ce texte, le Mali ne se contente pas de réécrire sa transition : il redéfinit son identité face au monde. Reste à savoir si ce nouvel élan saura apaiser les fractures internes et répondre aux aspirations d’un peuple en quête de justice, de sécurité et de dignité. Dans le Sahel, où chaque pas compte, l’avenir du Mali se joue aujourd’hui, entre espoirs et incertitudes.

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