Mali : La mine d’or de Loulo-Gounkoto redémarre dans un bras de fer avec Barrick Gold
Bamako, 9 juillet 2025 – Dans les profondeurs poussiéreuses de l’ouest malien, la mine d’or de Loulo-Gounkoto, joyau de l’économie nationale, a rugi à nouveau ce lundi, après six mois d’un silence oppressant. Mais ce réveil, orchestré par Bamako, se fait dans un climat de défiance et de drame. L’administrateur provisoire, Soumana Makadji, nommé par un tribunal malien, envisage de vendre une tonne d’or, d’une valeur de 107 millions de dollars, pour financer la reprise des opérations, défiant ainsi Barrick Gold, le géant canadien qui crie à l’injustice. Alors que les pelleteuses reprennent leur ballet, ce bras de fer entre l’État malien et l’un des plus grands producteurs d’or au monde soulève une question lancinante : cette prise de contrôle audacieuse sauvera-t-elle l’économie malienne, ou précipitera-t-elle un conflit aux conséquences irréversibles ?
Loulo-Gounkoto : Une reprise sous haute tension après six mois d’arrêt
Le 7 juillet 2025 dernier, les machines de Loulo-Gounkoto, situées près de la frontière sénégalaise, ont redémarré, marquant la fin d’une suspension entamée en janvier. Cette suspension était intervenue après que le gouvernement malien, actionnaire à 20 %, a saisi trois tonnes d’or et bloqué les exportations. Bamako accuse Barrick Gold de ne pas avoir honoré ses obligations fiscales, réclamant des arriérés qui s’élèveraient à des centaines de millions de dollars. En réponse, Barrick, qui gérait ce complexe représentant 15 % de sa production mondiale (578 000 onces en 2024), a suspendu ses activités, plongeant le Mali dans une crise économique aggravée par la chute de sa production aurifère nationale.
Soumana Makadji, ancien ministre de la Santé nommé administrateur provisoire en juin par le Tribunal de Commerce de Bamako, a pris les rênes avec une mission claire : relancer la mine, troisième plus grande d’Afrique. Épaulé par Samba Touré, président de la société minière d’État et ancien cadre de Loulo-Gounkoto, Makadji a annoncé la vente d’une tonne d’or stockée sur place – distincte des trois tonnes saisies en janvier – pour couvrir les coûts opérationnels, estimés à 100 millions de dollars par trimestre. « Nous devons redonner vie à cette mine pour le peuple malien », a-t-il déclaré lors d’une réunion avec les syndicats, promettant de maintenir les salaires des employés, dont beaucoup n’ont pas été payés depuis juin.
Souveraineté minière : Quand le Mali défie le géant Barrick Gold
Ce drame s’inscrit dans un conflit de deux ans entre Barrick et l’État malien, qui cherche à maximiser les revenus de l’or face à des prix mondiaux record. En 2023, le Mali a adopté un nouveau code minier augmentant les royalties et la participation de l’État dans les mines, des mesures que Barrick conteste, arguant qu’elles violent les conventions existantes. La tension a culminé en janvier 2025 avec la saisie d’or et la détention temporaire de quatre cadres de Barrick, poussant l’entreprise à geler ses opérations et à retirer Loulo-Gounkoto de ses prévisions 2025.
Barrick, dirigé par un Mark Bristow inflexible, a porté l’affaire devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), qualifiant la vente d’or d’« illégitime » et avertissant que la prise de contrôle par l’État risque de « causer des dommages irréparables » à long terme. « Le Mali agit de mauvaise foi », a tonné Bristow, promettant de défendre les droits de l’entreprise par tous les moyens légaux. Néanmoins, à Bamako, le gouvernement voit dans cette reprise un acte de souveraineté économique.
Loulo-Gounkoto : Un pari risqué pour l’économie malienne
La relance de Loulo-Gounkoto, qui a produit 723 000 onces d’or en 2024, est cruciale pour le Mali, où l’or représente 80 % des exportations. Cependant, les défis sont immenses. Six sources interrogées estiment qu’il faudra au moins quatre mois pour retrouver un rythme normal, en raison de la complexité technique du site et de l’absence de coopération de Barrick, qui a coupé l’accès à son intranet et à ses systèmes internes. Les employés sur place, non payés depuis des mois, expriment un mélange d’espoir et d’inquiétude. « On veut travailler, mais sans Barrick, c’est comme naviguer sans boussole », confie un ingénieur sous couvert d’anonymat.
Ce précédent pourrait redessiner les relations entre les États ouest-africains et les multinationales minières. Au Mali, d’autres compagnies comme Allied Gold et B2Gold ont négocié des accords avec le gouvernement, mais le conflit avec Barrick, le plus grand opérateur du pays, envoie un signal ambivalent aux investisseurs étrangers. Ainsi, le Mali veut contrôler ses richesses, mais à quel prix ?
Bamako : Entre audace et incertitude, l’avenir de l’or malien en jeu
En somme, alors que les premières pépites d’or de la reprise quitteront Loulo-Gounkoto, Bamako se tiendra à la croisée des chemins. La capitale malienne bruisse d’un mélange de fierté nationaliste et d’appréhension face à l’avenir. La vente d’une tonne d’or pourrait relancer la mine, mais elle attise aussi un conflit juridique qui pourrait durer des années. Dans ce duel entre un État en quête de souveraineté et un géant minier, c’est l’avenir du Mali – et de son or – qui se joue. Loulo-Gounkoto, jadis symbole de prospérité, est désormais un champ de bataille où chaque once d’or pèse le poids d’une nation en lutte pour son destin.
