Niger : Ali Soumana emprisonné pour avoir dénoncé un scandale de trafic de cigarettes – Une atteinte scandaleuse à la liberté de la presse
Niamey, 9 septembre 2025— La liberté de la presse au Niger est une fois de plus bafouée. En fait, le lundi 8 septembre 2025, Ali Soumana, directeur de publication de l’hebdomadaire « Le Courrier », a été incarcéré à la prison de Say. Son crime est d’avoir osé publier un article explosif mettant en lumière un présumé scandale de trafic de cigarettes impliquant les Douanes nigériennes et citant le Premier ministre, Ali Mahamane Lamine Zeine. Cette arrestation brutale, orchestrée suite à une plainte des autorités, est un signal clair : au Niger, dénoncer la corruption peut coûter très cher.
Ali Soumana : un journaliste d’investigation, cible des autorités
Ali Soumana n’est pas un inconnu. Ce journaliste d’investigation, connu pour ses enquêtes courageuses, a déjà été la cible des autorités par le passé. Cette fois, son article, publié le 28 août 2025, a visiblement touché un nerf sensible. En effet, en pointant du doigt un réseau présumé de trafic de cigarettes impliquant de hauts responsables, il a mis en lumière ce que beaucoup soupçonnent depuis longtemps : une corruption endémique au sein des institutions.
Toutefois, au lieu d’enquêter sur ces allégations graves, les autorités ont choisi de s’attaquer au messager. Dimanche matin, à 6 heures, Ali Soumana a été arrêté à son domicile, interrogé par la police judiciaire (PJ), puis présenté au parquet. Quelques heures plus tard, un juge d’instruction l’a envoyé directement en détention, sous mandat de dépôt, à la prison de Say. Une décision aussi rapide que troublante.
Un lourd précédent et des questions sur la loi de 2010
Figurez-vous que le Niger n’en est pas à sa première utilisation de méthodes musclées pour faire taire les journalistes. En 2017, les autorités ont emprisonné Ali Soumana après qu’il a publié des documents judiciaires liés à une affaire opposant l’État à une entreprise libanaise. En 2020, elles l’ont de nouveau arrêté pour avoir dénoncé un scandale de corruption au ministère de la Défense, impliquant 76 milliards de francs CFA.
À l’époque, elles l’avaient accusé d' »obtention frauduleuse de documents », une charge dénoncée comme une violation flagrante de la loi nigérienne sur la presse qui interdit les peines de prison pour les délits de presse. Face à la situation, des organisations de défense des droits des journalistes ont fait pression pour sa libération.
Pourtant, huit ans plus tard, l’histoire se répète. Cette nouvelle arrestation s’appuie sur une plainte vague des autorités, qui semblent une fois encore contourner la loi de 2010 protégeant les journalistes. En invoquant des accusations floues, le pouvoir cherche-t-il à intimider ceux qui osent poser les questions qui dérangent ?

Un scandale qui pourrait coûter des milliards à l’État
Le scandale de trafic de cigarettes, au cœur de cette affaire, n’est pas anodin. Les agents des Douanes, censés réguler et contrôler les flux commerciaux, ferment les yeux sur un commerce illégal lucratif, potentiellement orchestré avec la complicité de figures politiques de haut rang. Dans ce contexte, en citant le Premier ministre Lamine Zeine, un ancien ministre des Finances, l’article de Le Courrier a jeté une lumière crue sur des pratiques qui pourraient coûter des milliards de francs CFA à l’État. Cependant, au lieu de répondre par la transparence ou une enquête indépendante, le gouvernement préfère museler la presse.
Le prix de la vérité : jusqu’où ira la répression ?
L’emprisonnement d’Ali Soumana est une insulte à la démocratie nigérienne. Dans un pays où la presse est déjà sous pression et où les journalistes risquent leur liberté pour révéler la vérité, les autorités envoient un message clair en l’incarcérant : taisez-vous, ou vous subirez le même sort. Pourtant, le rôle d’un journaliste est précisément de poser les questions difficiles, de révéler les abus de pouvoir et de défendre l’intérêt public. En emprisonnant Soumana, les autorités ne protègent pas l’État ; elles protègent leurs propres intérêts, au mépris des principes fondamentaux de la liberté d’expression.
L’avenir du journalisme d’investigation au Niger en jeu : un appel à la mobilisation pour Ali Soumana
La communauté internationale et les organisations de défense de la presse doivent se mobiliser, car leur silence serait complice. Les citoyens nigériens, eux aussi, doivent se lever pour défendre un journalisme libre, sans lequel la corruption continuera de gangréner le pays. Si le journalisme d’investigation est passible de prison, qui osera encore dénoncer les abus de pouvoir et les scandales financiers? Et à quel prix ?
