Bamako, le 23 décembre 2025 – Les annonces faites lors du sommet de Bamako pourraient bien redessiner la carte de l’Afrique de l’Ouest. Si la réalisation de l’autoroute transsahélienne et du chemin de fer interconfédéral parvient à son terme, elle marquera une rupture historique irréversible avec le modèle colonial. En effet, en brisant la dépendance vis-à-vis des ports côtiers traditionnels pour privilégier une intégration horizontale entre Bamako, Ouagadougou et Niamey, l’AES ne construira pas seulement des routes : elle fondera un nouveau paradigme économique souverain.
Une rupture avec l’enclavement historique
Depuis des décennies, l’économie des pays du Sahel est restée « extravertie », quasi exclusivement tournée vers l’exportation via les côtes maritimes. Actuellement, le commerce entre les trois capitales souffre de routes souvent dégradées et de tracés sinueux qui freinent les échanges.
- Le changement de cap : l’aboutissement de ces projets permettra aux trois pays de devenir leur propre centre de gravité. Au lieu d’être des nations « enclavées », elles deviendront ainsi des nations « carrefours ».
- L’impact du Rail : le chemin de fer demeure le mode de transport le plus rentable pour les marchandises lourdes (céréales, bétail, matériaux de construction). Une ligne interconfédérale permettra de transporter des volumes massifs à un coût énergétique et financier bien inférieur au camionnage.
- L’atout de l’Autoroute : une infrastructure moderne réduit l’usure des véhicules et les délais de livraison. Pour un commerçant de Niamey, acheminer des produits vers Bamako ne sera plus une épopée de plusieurs jours, mais une question d’heures. En fluidifiant la circulation des biens et des personnes, l’autoroute transformera la zone des « trois frontières » — autrefois synonyme de conflit — en un espace d’échanges intenses.
La naissance d’un marché intérieur intégré
L’infrastructure physique est le support indispensable de la souveraineté économique prônée par les dirigeants de l’AES. Elle est le socle de l’intégration douanière.
- Fluidification des échanges : ces chantiers s’accompagnent de zones logistiques et de ports secs aux frontières. Cette organisation favorisera la création d’une Centrale d’achat confédérale, capable de négocier des prix de gros pour l’ensemble du bloc.
- Spécialisation régionale : le Mali et le Burkina Faso pourront intensifier leurs échanges agro-pastoraux (bétail, céréales), tandis que le Niger acheminera ses produits pétroliers et ses ressources minières avec une efficacité accrue vers ses partenaires.
AES : un défi de crédibilité face à l’histoire
La rupture évoquée ne sera réelle que si le passage de la parole à l’acte est effectif. Le Sahel est connu, par le passé, pour de nombreux projets transnationaux restés au stade de maquettes.
Cependant, la capacité des trois États à sécuriser leurs chantiers et à les financer via leurs propres ressources démontre une volonté réelle de s’affranchir des modèles de développement imposés. Le lancement simultané de la Télévision de l’AES et de la Banque Confédérale témoigne de cette accélération concrète. Au-delà du bitume et de l’acier, c’est la gestion commune de ces infrastructures qui validera aussi la viabilité de la Confédération sur le long terme.
En conclusion, si ces projets aboutissent, ils constitueront le socle matériel d’une indépendance qui ne sera plus seulement politique, mais structurelle. Le rail et la route deviendront alors les fils d’acier et de goudron liant définitivement le destin des peuples du Mali, du Burkina et du Niger.
