Guinée : Doumbouya lance sa course à la présidence - Journal du Niger



Guinée : Doumbouya lance sa course à la présidence

Le général Mamadi Doumbouya, au pouvoir depuis le coup d’État de 2021, officialise sa candidature à la présidentielle du 28…

Mamadi Doumbouya se lance dans la présidentielle guinéenne du 28 décembre. Favori d’un scrutin verrouillé, il bénéficie d’un soutien discret de la France, malgré les critiques sur les atteintes aux droits humains. Google

Le général Mamadi Doumbouya, au pouvoir depuis le coup d’État de 2021, officialise sa candidature à la présidentielle du 28 décembre. Dans un paysage politique verrouillé, marqué par l’absence de l’opposition, son ascension électorale interroge autant qu’elle inquiète. Tandis que Paris maintient ses liens stratégiques avec Conakry, les voix dissidentes dénoncent une dérive autoritaire et une complaisance diplomatique.

 

Conakry, 4 novembre 2025 – Le général Mamadi Doumbouya, instigateur du coup d’État de 2021 et actuel chef de l’État guinéen, a franchi un cap décisif en déposant sa candidature à l’élection présidentielle du 28 décembre. Ancien officier de la Légion étrangère française, le leader de la transition militaire s’impose comme le favori incontesté d’un scrutin verrouillé, marqué par l’absence flagrante de l’opposition traditionnelle.

Au-delà des enjeux internes, c’est la posture de la France qui intrigue : Emmanuel Macron semble avoir trouvé en Doumbouya un partenaire stratégique pour maintenir l’influence française en Afrique de l’Ouest, quitte à ignorer les zones d’ombre du régime.

 

Doumbouya : une candidature sans surprise dans un paysage verrouillé

 

Âgé de 45 ans, Doumbouya a remis son dossier à la Cour suprême de Conakry, entouré de figures clés de son gouvernement, scellant ainsi des mois de spéculations. Ce dépôt, perçu comme une formalité dans un contexte politique verrouillé, intervient après le référendum constitutionnel de septembre qui a ouvert la voie à cette transition électorale.

Mais les observateurs pointent une liste provisoire de candidats, validée le 13 novembre, où les principaux rivaux – notamment du Rassemblement du peuple guinéen (RPG) – brillent par leur absence. Une configuration qui alimente les soupçons d’un scrutin taillé sur mesure pour le colonel-président, accusé par les Forces vives de la nation de violer la Charte de transition.

 

 Paris, entre pragmatisme et silence diplomatique

 

À Paris, les autorités observent avec une discrétion calculée. Contrairement à la doctrine qui suspend habituellement la coopération militaire après un putsch, la France a maintenu – voire renforcé – ses liens avec Conakry. Les missions de formation pour les forces armées guinéennes se poursuivent, et les échanges techniques en matière de sécurité ont repris dès 2022.

Formé à l’École de guerre française et passé par la Légion, Doumbouya incarne pour l’Élysée un allié fiable dans un Sahel en recomposition, où le Mali et le Burkina Faso ont rompu avec l’ancienne puissance coloniale. Au Quai d’Orsay, on mise sur cette proximité pour sécuriser les flux de bauxite – dont la Guinée détient 25 % des réserves mondiales – et préserver des contrats miniers juteux pour des géants comme Rio Tinto ou Alcoa, souvent associés à des intérêts français.

 

Doumbouya :  répression et dissidence muselée

 

Mais cette alliance diplomatique cache un revers plus sombre. Les opposants au régime, regroupés au sein de coalitions comme le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), dénoncent une répression systématique. Depuis 2021, des dizaines de militants ont disparu dans des circonstances troubles, les manifestations ont été interdites, et l’accès à Internet régulièrement restreint pour étouffer les voix critiques.

Des figures comme Ousmane Gaoual Diallo ou Foniké Menguè, proches du RPG, croupissent en détention sans procès équitable, tandis que la Haute Autorité de la communication (HAC) muselle les médias indépendants. À Paris, le silence sur les droits humains alimente les accusations de complaisance : « Macron ferme les yeux sur la dictature pour garder un pied en Guinée », dénonce un collectif d’ONG dans une pétition relayée sur les réseaux.

 

 Une population guinéenne entre colère et résignation

 

Sur les plateformes comme X (ex-Twitter), les réactions guinéennes fusent : appels au boycott, sarcasmes sur un « scrutin sans surprise », et colère contenue. L’opinion publique oscille entre résignation et indignation.

Des analystes y voient un pari risqué pour la France : en soutenant Doumbouya, Paris pourrait consolider son bastion ouest-africain face à l’influence russe ou chinoise, mais au prix d’une érosion de sa crédibilité morale. « C’est un choix pragmatique, dicté par les intérêts stratégiques, mais qui pourrait se retourner si le général consolide un pouvoir autoritaire », estime un expert en relations franco-africaines interrogé par RFI.

 

À huit semaines du scrutin, la tension monte

 

À huit semaines du vote, la Guinée retient son souffle. Doumbouya, passé de légionnaire à potentat, cherche une légitimité électorale pour asseoir son règne. L’Élysée, de son côté, parie sur un statu quo profitable, espérant que les intérêts miniers et sécuritaires l’emportent sur les murmures de la rue.

Mais dans un pays où la jeunesse bouillonne et l’opposition couve, ce flirt avec l’autoritarisme pourrait bien coûter cher – à la France, à la Guinée, et à l’Afrique tout entière.

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