Port-Louis, 24 octobre 2025 – Un séisme judiciaire ébranle l’océan Indien. L’homme d’affaires malgache Mamy Ravatomanga, figure centrale de l’économie de l’île rouge et proche des cercles du pouvoir, a été interpellé jeudi sur le territoire mauricien. Transféré manu militari d’une clinique privée à Phoenix par les enquêteurs de la Financial Crimes Commission (FCC), il est désormais visé par de lourds soupçons de blanchiment d’argent à grande échelle, impliquant des flux financiers massifs en roupies.
Ravatomanga : une arrestation sous haute tension
L’opération, menée avec une discrétion chirurgicale, a surpris l’octogénaire en pleine convalescence. À peine remis d’une intervention, Ravatomanga s’est vu notifier son placement en détention provisoire. Dans le même temps, les autorités mauriciennes ont gelé ses avoirs bancaires et lancé une perquisition musclée à son domicile. Si certains membres de sa famille ont pu quitter l’île en urgence, son épouse par contre reste interdite de voyage par décision judiciaire.
Cette arrestation est l’aboutissement d’une traque transnationale. Le 16 octobre, Antananarivo avait émis un mandat d’arrêt international à son encontre, l’accusant de corruption endémique, de détournement de fonds publics, d’évasion fiscale et de montage de circuits occultes pour légitimer des gains illicites. Dès le lendemain, Maurice, hub financier régional, avait gelé des comptes estimés à plusieurs centaines de millions de dollars.
De l’ascension fulgurante à la chute brutale
Surnommé « le tsar d’Antananarivo », Ravatomanga a longtemps régné sur l’économie malgache via son conglomérat Sodiat, actif dans les secteurs stratégiques : distribution de carburants, grands travaux, logistique, hôtellerie de luxe et médias. En effet , son ascension s’est construite sur une alliance étroite avec l’ex-président Andry Rajoelina, dont il fut à la fois le bailleur discret et le stratège de l’ombre. En échange de soutiens financiers, il aurait également bénéficié d’une série d’appels d’offres lucratifs, érigeant un empire sur des bases fragiles.
Mais la chute de Rajoelina a précipité la sienne. Dans la nuit du 11 au 12 octobre, Ravatomanga a quitté Antananarivo à bord de son jet privé, accompagné de l’ancien Premier ministre Christian Ntsay. Leur périple – refus d’escale à La Réunion, atterrissage forcé à Maurice – a des allures de thriller géopolitique. À l’arrivée, une garde policière l’attendait déjà, transformant ainsi son exil en détention surveillée.
Ravatomanga : enquêtes en cascade et empire fragilisé
L’homme qui dictait autrefois les flux de carburant, les chantiers et les gros titres se retrouve aujourd’hui déchu. En plus, les nouvelles autorités malgaches réclament le rapatriement des fonds présumés détournés. Plusieurs enquêtes refont surface : trafic de bois de rose, implication dans les Panama Papers, falsification de contrats publics. Des ramifications internationales se dessinent également , avec des demandes d’assistance judiciaire en cours.
Pour certains, cette chute incarne une purge nécessaire d’un système clientéliste qui a saigné les ressources nationales. « Il a bâti sur du sable, et la marée est montée », glisse un analyste économique. Pour d’autres, il s’agit d’une vendetta politique : les successeurs de Rajoelina utiliseraient ce dossier pour liquider les vestiges de l’ancien régime. Depuis sa cellule, Ravatomanga clame aussi son innocence et dénonce une persécution orchestrée.
Une onde de choc régionale
À Maurice, plaque tournante des flux financiers africains, cette affaire met à l’épreuve les mécanismes de coopération judiciaire dans l’espace indo-océanique. Tandis que les négociations d’extradition se poursuivent en coulisses, le sort de Ravatomanga pourrait redéfinir les équilibres politiques à Antananarivo. Son empire, déjà fragilisé, risque la saisie. Ses concurrents guettent, prêts à récupérer les actifs.
En somme, dans un Madagascar en quête de renouveau, cette arrestation résonne comme un signal fort : les puissants d’hier ne sont plus intouchables. L’île attend, entre espoir de justice et soupçons de règlement de comptes.
