Allemagne : Friedrich Merz élu chancelier dans la douleur, un second vote qui annonce un mandat sous haute tension
Ce 6 mai, Berlin a vibré d’un nouveau souffle. Friedrich Merz, avocat chevronné de 69 ans, a été élu chancelier de l’Allemagne au terme d’un second vote au Bundestag, succédant au social-démocrate Olaf Scholz. En effet, ce couronnement, arraché après une première défaite historique – une première dans l’après-guerre dans laquelle un candidat désigné a trébuché au premier tour –, marque l’avènement du 10ᵉ chancelier de l’Allemagne moderne. À la tête d’une coalition fragile entre son bloc conservateur CDU/CSU et les sociaux-démocrates (SPD), Merz incarne l’espoir d’un redressement pour une nation aux prises avec une économie vacillante et des tensions sociales. Mais ce triomphe, teinté d’amertume, annonce un mandat sous haute tension, où chaque pas sera scruté.
Le Camouflet du premier vote : un revers historique qui révèle les fractures
Le chemin vers la chancellerie n’a pas été un long fleuve tranquille pour Friedrich Merz. Lors du premier vote, ce mardi matin, l’homme fort de la CDU, qui avait conduit son parti à la victoire aux élections fédérales de février 2025, a essuyé un camouflet retentissant. Avec seulement 310 voix, il a manqué de six suffrages l’absolue majorité requise de 316, malgré les 328 sièges de sa coalition. Ce revers, qualifié de « catastrophe complète », a révélé des dissensions internes, certains élus SPD ou CDU ayant, dans le secret de l’isoloir, retenu leur soutien. « Un échec sans précédent », a tonné Bernd Baumann, porte-parole de l’AfD, exploitant la brèche pour dénoncer une coalition « instable ».
Convoqué à 15h15, le second vote a toutefois rectifié le tir. Merz, galvanisé par l’urgence, a rallié les suffrages nécessaires, scellant son investiture. Cet épisode, bien que clos, laisse une ombre : dans une Allemagne habituée à la rigueur démocratique, ce faux pas inaugural fragilise un chancelier déjà contesté par 56 % des citoyens, selon un sondage ZDF. Angela Merkel, présente dans les travées du Bundestag, a observé en silence, son ombre tutélaire rappelant l’exigence d’unité que Merz peine encore à incarner.
Friedrich Merz : un profil de droitier et une vision contestée par ses flirts politiques
À 69 ans, Friedrich Merz n’est pas un novice. Avocat prospère, ancien député européen et figure de l’aile droitière de la CDU, il a longtemps incarné une alternative à la modération merkelienne. Sa campagne, bâtie sur des promesses de rigueur budgétaire et de leadership européen, a séduit un électorat lassé par les crises en cascade : récession persistante, tensions commerciales avec les États-Unis et montée de l’Alternative für Deutschland, désormais seconde force au Bundestag. Pourtant, son positionnement controversé vis-à-vis de l’AfD, dénoncé par Merkel, a fracturé les centristes et alimenté les doutes sur sa capacité à unifier.
L’Allemagne à la croisée des chemins : les colossaux défis économiques et politiques qui attendent Merz
Merz hérite d’un pays à la croisée des chemins. Avec une croissance timide au premier trimestre 2025, l’Allemagne, première économie européenne, redoute l’impact des tarifs douaniers américains. Sur le plan diplomatique, Merz ambitionne de renforcer les liens avec Paris et Varsovie, bien que ses voyages prévus mercredi aient été reportés. À l’intérieur, la percée de l’AfD, qualifiée d’extrémiste par les services de renseignement, complique l’équation. « Merz doit être un unificateur, pas un diviseur », avertissent Chris Reiter et Will Wilkes, pointant ses instincts clivants.
Une coalition sur un fil : majorité étroite et tensions latentes menacent le mandat
La coalition CDU/CSU-SPD, avec une majorité étroite de 52 % des sièges, est un édifice fragile. Les frictions internes, exacerbées par le vote raté, laissent présager des négociations ardues. Un cadre éminent de la CDU/CSU a minimisé l’incident, promettant une victoire au second tour, tandis que Lars Klingbeil, leader SPD, a plaidé pour une discipline collective. Mais l’AfD, par la voix d’Alice Weidel, appelle à la dissolution du Bundestag, surfant sur l’humiliation de Merz pour exiger de nouvelles élections. Si les 14 prochains jours échouent à produire un chancelier, le président Frank-Walter Steinmeier pourrait nommer un candidat ou convoquer des élections anticipées.
Sous pression immédiate : défis colossaux et attente impatiente, les premiers tests du nouveau chancelier
À peine investi, Merz doit relever des défis colossaux. La guerre en Ukraine, les tensions transatlantiques et la lutte contre l’extrémisme exigent un leadership ferme. Sa proposition d’un programme d’emprunt massif pour la défense et les infrastructures illustre son ambition, mais suscite des critiques sur l’abandon du conservatisme fiscal. En somme, dans les rues de Berlin, où les manifestations contre l’AfD ont marqué l’hiver, l’attente est palpable : les Allemands, éreintés par six mois de vide politique, veulent des résultats. Merz, avec son verbe acéré et son passé d’avocat, a désormais la barre. Sa victoire, arrachée au forceps, est un prélude à une chancellerie sous haute surveillance. Comme le dit un proverbe allemand : « Le chêne le plus fort ploie sous la tempête. » À Merz de prouver qu’il peut tenir et fédérer, face aux bourrasques d’une Allemagne en quête de renouveau.
