Ouattara réélu : qu’attendre de ce quatrième mandat dans une Côte d’Ivoire fracturée ? - Journal du niger



Ouattara réélu : qu’attendre de ce quatrième mandat dans une Côte d’Ivoire fracturée ?

Alassane Ouattara remporte un quatrième mandat présidentiel avec près de 90 % des voix, selon les résultats provisoires annoncés par…

Alassane Ouattara réélu avec 89,77 % à la présidentielle ivoirienne. Une victoire contestée, entre exclusions politiques, faible participation et enjeux de réconciliation nationale. X(ancien twitter )

Alassane Ouattara remporte un quatrième mandat présidentiel avec près de 90 % des voix, selon les résultats provisoires annoncés par la CEI. Si la victoire du chef de l’État suscite des scènes de liesse dans les bastions du pouvoir, elle ravive aussi les tensions politiques, entre candidatures invalidées, abstention marquée et accusations de verrouillage institutionnel.

Abidjan, 28 octobre 2025 – Le verdict est tombé, implacable : Alassane Ouattara, à la tête de la Côte d’Ivoire depuis quatorze ans, décroche un quatrième mandat présidentiel avec un score écrasant de 89,77 % des suffrages exprimés. Les résultats provisoires, annoncés par la Commission électorale indépendante (CEI), confirment une domination sans partage lors du scrutin du 25 octobre. À 83 ans, le chef de l’État s’impose face à une opposition morcelée. Mais, derrière cette victoire écrasante, des voix s’élèvent, questionnant la légitimité d’un scrutin marqué par l’abstention, les exclusions et les tensions latentes.

 

Ouattara réélu : une victoire célébrée dans les bastions du pouvoir

 

Dans les rues d’Abidjan et de Yamoussoukro, les partisans du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) ont laissé éclater leur joie. Pour eux, ce « mandat de la maturité » est la promesse d’une « énergie renouvelée » pour la période 2025-2030. Le président sortant peut s’appuyer sur une croissance économique robuste – plus de 6 % de hausse du PIB ces dernières années – et des avancées notables en matière d’infrastructures, notamment les autoroutes reliant les grandes villes.

 

Une opposition affaiblie et fragmentée

 

Mais ce raz-de-marée électoral s’inscrit dans un contexte politique trouble. Le taux de participation, estimé à 54 %, est en net recul par rapport à 2020. Surtout, les figures majeures de l’opposition, Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, ont été écartées de la course pour des raisons administratives et judiciaires. Le premier, Thiam, ex-PDG de Credit Suisse, est accusé d’avoir perdu sa nationalité ivoirienne. Le second, Gbagbo, malgré son acquittement par la CPI, reste condamné pour des faits liés à la crise post-électorale de 2011.

La Coalition pour l’Alternance Pacifique en Côte d’Ivoire (CAP-CI), créée en mars dernier et regroupant 25 partis, n’a pas su s’unir autour d’un candidat unique. Résultat : seuls quatre challengers mineurs, dont Simone Ehivet Gbagbo, ont affronté Ouattara, dispersant ainsi les voix contestataires. Si Tidjane Thiam a dénoncé une « parodie d’élection », Simone Gbagbo a surpris en appelant personnellement le président réélu pour le féliciter, un geste interprété comme un appel à l’apaisement.

 

Ouattara réélu : une démocratie sous tension

 

Les fractures politiques ivoiriennes ne datent pas d’hier. Elles plongent leurs racines dans les conflits de 2002 à 2011 et les violences post-électorales de 2010, qui ont fait près de 3 000 morts. L’invalidation des candidatures d’opposition a ravivé les accusations de « verrouillage institutionnel », avec des manifestations réprimées et des critiques croissantes sur l’indépendance de la CEI. À Yamoussoukro, certains bureaux de vote sont restés vides, transformant ainsi le scrutin en « élection fantôme » pour une partie de la population.

Des ONG comme Amnesty International ont dénoncé des restrictions aux libertés d’expression et d’association, évoquant des « violations des normes démocratiques ».

 

Un mandat à haut risque

 

Ce nouveau quinquennat s’ouvre sur fond de paradoxes. Si la Côte d’Ivoire reste un poids lourd économique en Afrique de l’Ouest – premier producteur mondial de cacao, avec 40 % du marché – les inégalités régionales persistent : seules 25 % des routes secondaires sont bitumées, isolant les zones rurales. Le chômage des jeunes, qui frôle les 20 % dans les grandes villes, alimente un malaise social latent.

Politiquement, la question de la succession devient pressante. À 83 ans, Ouattara devra désigner un héritier crédible pour éviter un vide institutionnel. Sur le plan diplomatique, il devra aussi jongler entre fermeté vis-à-vis des juntes sahéliennes et appels à diversifier les alliances, notamment vers la Russie ou la Chine.

 

Ouattara réélu : une alternance en suspens

 

Au-delà des chiffres, ce scrutin interroge la vitalité démocratique du pays. Si Ouattara reste, pour beaucoup, le garant de la stabilité, son maintien prolongé au pouvoir pourrait cristalliser les frustrations et retarder l’alternance politique. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, chargé de valider les résultats définitifs dans les prochains jours, sera scruté de près.

En attendant, la Côte d’Ivoire, locomotive régionale, se trouve à la croisée des chemins. Ce « coup KO » électoral devra se transformer en tremplin pour une réconciliation inclusive, sous peine de raviver les blessures du passé. Un équilibre fragile, pour un avenir encore incertain.

 

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