Kigali/Goma, 2 février 2025 – Alors que la région des Grands Lacs semble plongée dans un cycle infernal de défiances réciproques, un communiqué du gouvernement rwandais, publié ce dimanche 2 février, vient jeter un pavé dans la mare des équilibres fragiles. Le Rwanda rejette avec véhémence les accusations portées contre ses Forces de défense (RDF) lors du sommet extraordinaire de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), tenu le 31 janvier. Un texte qui, loin de calmer les esprits, attise les braises d’une crise aux ramifications aussi complexes qu’explosives.
Une guerre des mots à ciel ouvert
Le ton est sans équivoque : Kigali qualifie les allégations de la SADC, l’accusant de soutenir le mouvement rebelle M23 dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) de « calomnies infondées ». Mais le document va plus loin, pointant un doigt accusateur vers Kinshasa. Selon les autorités rwandaises, le président congolais Félix Tshisekedi aurait publiquement affiché sa « détermination à attaquer le Rwanda et à renverser son gouvernement ». Une rhétorique jugée « belliqueuse » par Kigali, qui y voit une tentative de détourner l’attention des défaillances internes congolaises.
SAMIDRC, FDLR et mercenaires : l’écheveau d’une crise multidimensionnelle
Le communiqué rwandais dépeint un tableau sombre des acteurs impliqués dans la tourmente congolaise. Il dénonce la présence de la mission régionale de stabilisation de la SADC (SAMIDRC), des forces burundaises, des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), groupe armé hutu accusé de crimes contre les Tutsis lors du génocide de 1994, et de mercenaires européens, qualifiés de « partenaires de coalition » contre-productifs. « Leurs agendas opaques ne font qu’attiser un conflit dont les civils paient le tribut sanglant », assène le texte.
Goma, épicentre de menaces transfrontalières
Les révélations les plus incendiaires concernent des « preuves documentaires » évoquées par Kigali, découvertes récemment à Goma. Selon le Rwanda, ces documents détailleraient des préparatifs d’attaques coordonnées contre son territoire, planifiées avec des « forces étrangères » opérant dans l’est congolais, dont les FDLR. « L’objectif inavoué n’est pas seulement de vaincre le M23, mais de porter la guerre au Rwanda », affirme le communiqué, insistant sur une « stratégie de déstabilisation » soigneusement orchestrée.
Entre paranoïa géopolitique et réalités de terrain
Si les accusations rwandaises frisent parfois le récit conspirationniste, elles s’ancrent dans un contexte régional inflammable. Le M23, réapparu en 2021, continue de semer la terreur au Nord-Kivu, tandis que les FDLR, malgré des dénégations répétées de Kinshasa, restent perçus comme une épine dans le pied de Kigali. La présence supposée de mercenaires européens, bien que non corroborée indépendamment, ajoute une couche de complexité à cet imbroglio.
La SADC dans l’œil du cyclone
Le sommet extraordinaire de la SADC, initialement conçu pour apaiser les tensions, semble avoir produit l’effet inverse. Les pays membres, dont l’Angola et l’Afrique du Sud, peinent à imposer une médiation crédible, tandis que le Rwanda conteste la légitimité même de l’organisation dans ce dossier. « La partialité de la SADC sape toute perspective de dialogue », déplore un analyste sous couvert d’anonymat.
L’ombre d’un conflit régional
En filigrane, c’est toute la stabilité de l’Afrique centrale qui vacille. Le Burundi, cité dans le communiqué, voit son rôle ambigu interrogé, tandis que les puissances extra-africaines, attirées par les richesses minières de la RDC, pourraient tirer profit de cette instabilité. Les craintes d’une internationalisation du conflit grandissent, alors que les populations locales, prises en étau, fuient par milliers.
Un dialogue au bord du gouffre
En somme, alors que Kigali et Kinshasa s’enlisent dans un duel rhétorique aux relents de guerre froide, la communauté internationale observe, impuissante ou complice. Les appels à la retenue se heurtent aux logiques de pouvoir et aux traumatismes historiques. Dans cette partie d’échecs où chaque coup nourrit le chaos, l’espoir d’une désescalade repose sur un fil ténu : celui de la raison face aux démons du passé.
