Crise migratoire en Turquie : à Lesbos, en Grèce, "l'île n'en peut plus" - Journal du niger

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Crise migratoire en Turquie : à Lesbos, en Grèce, « l’île n’en peut plus »

Sur le port de Mytilène, du linge sèche à côté d'une baraque installée à la hâte pour des migrants fraîchement…

Sur le port de Mytilène, du linge sèche à côté d’une baraque installée à la hâte pour des migrants fraîchement débarqués sur l’île grecque de Lesbos depuis que la Turquie a ouvert les portes de l’Europe, provoquant la colère de la population locale.

« Les seules personnes qu’on voit ce sont des réfugiés », confie, las, Giannis Palassis, un retraité de 76 ans rencontré dans les rues escarpées de Mytilène, en ce lundi férié en Grèce.

Selon lui, Mytilène ne peut pas se convertir en « refuge » pour tous. « Ce sont des êtres humains eux aussi, mais l’île n’en peut plus. On souffre ».

Depuis la décision d’Ankara d’ouvrir ses frontières aux exilés en route pour l’Europe, quelque 1.300 migrants sont arrivés en 24 heures sur les cinq îles de la mer Egée, et en particulier à Lesbos, où la grande majorité des embarcations de fortune ont échoué.

Dans un contexte déjà particulièrement tendu ces dernières semaines, où les habitants de l’île s’opposent à la construction de nouveaux camps de rétention fermés sur leurs îles, ces nouvelles arrivées ont suscité une explosion de colère dimanche.

Des groupes d’habitants ont violemment repoussé un canot chargé de migrants, l’empêchant d’accoster au port de Thermi aux cris de « rentrez en Turquie ». Avant de s’en prendre à des membres d’ONG et à plusieurs journalistes.

Sur le macadam du port, 300 réfugiés campent lundi, faute d’avoir été conduits dans le camp de réfugiés de Moria, qui déborde avec ses 19.000 demandeurs d’asile pour 2.800 places.

« Nous cherchons un endroit pour dormir, pour le moment nous sommes dehors pendant la nuit et les enfants ont froid », a confié à l’AFP l’Afghan Ahlan Khali, 21 ans, venu avec la famille de sa soeur.

D’autres ont passé la nuit, sans couvertures, sur la plage de Skala Sykamineas, dans le nord-est de l’île, a constaté un photographe de l’AFP.

Barrages filtrants, routes coupées, voitures vandalisées: les habitants de l’île continuent de protester lundi contre cette nouvelle vague migratoire.

Principale « conséquence de la réaction de la population locale », selon le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR): les réfugiés ne peuvent plus être conduits vers les centres d’enregistrement et d’hébergement et sont livrés à eux même sur le port et au nord de l’île, où ils ne reçoivent qu’une aide humanitaire.

« Le processus (de prise en charge, ndlr) est retardé et nous ne connaissons pas les conséquences », a déploré auprès de l’AFP Boris Cheshirkov, porte-parole du HCR en Grèce.

Moria a été le théâtre d’affrontements entre policiers et demandeurs d’asile dont plusieurs centaines ont manifesté pour dénoncer leurs conditions de vie dans ce camp, l’un des plus surpeuplés d’Europe.

Entre les oliviers qui bordent les chaussées de la ville, des blocs de pierre et des morceaux de bois jonchent le sol, vestiges des affrontements entre migrants et forces de l’ordre.

« Le village de Moria a beaucoup souffert, personne ne partage le fardeau des îles grecques », estime le gouverneur de la région le gouverneur de l’Egée du Nord Kostas Moutzouris, sans excuser pour autant les violences.

– « Jamais vu ça » –

« Je n’ai jamais vu ça », confie Efi Latsoudi, qui travaille dans le camp d’accueil pour réfugiés PIKPA. « J’ai été menacée, on m’a forcé à partir sous les yeux de la police », s’indigne-t-elle, précisant que des groupes d’insulaires menacent quiconque entend s’approcher des plages pour venir en aide aux migrants débarquant sur les côtes.

Deux voitures appartenant au camp d’accueil ont été vandalisées, ajoute-t-elle, et un centre d’accueil inoccupé des migrants a été partiellement incendié dimanche par des groupes d’habitants furieux.

« La situation reste très confuse », estime Gianluca Rocco, chef de mission en Grèce pour l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). « Les traversées sont de plus en plus risquées et on ne peut pas augmenter les capacités d’accueil sur les îles », avertit-il.

Un petit garçon est mort lundi matin dans le naufrage d’une embarcation de migrants au large de Lesbos, selon la police portuaire.

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