mars 2020 - Page 13 sur 36 - Journal du Niger

Virus en Egypte: des dizaines de passagers en quarantaine sur un bateau de croisière

Des dizaines de passagers sont restés en quarantaine sur le bateau de croisière « A-Sara » à Louxor dans le sud de l’Egypte après l’évacuation de 45 personnes ayant contracté le nouveau coronavirus, a-t-on appris lundi auprès de deux passagers français.

« Il y a à peu près 80 personnes à bord, passagers et membres d’équipage, confinés en quarantaine pour 14 jours », a dit par téléphone à l’AFP Philippe Gruwé, 54 ans, membre d’un groupe de touristes qui faisaient une croisière sur le Nil.

Cet habitant de Tarbes (sud-ouest de la France) a précisé que son épouse de 53 ans, testée positive au coronavirus, a été transférée vers un hôpital à Marsa Matrouh dans le nord de l’Egypte.

Au total, 33 passagers et 12 membres d’équipage ont été évacués du bateau ce week-end, selon les autorités égyptiennes. Les cas négatifs ont été « transférés en quarantaine », selon les autorités, qui n’ont pas donné plus de détails.

Le bateau transportait initialement 101 touristes étrangers et 70 Egyptiens, selon les autorités égyptiennes.

Selon M. Gruwé, le bateau a été éloigné du quai vendredi alors que les touristes devaient visiter un temple à Louxor et des tests ont été pratiqués sur les passagers.

« Nous n’avons pas eu d’explication au départ sur pourquoi ils éloignaient le bateau », a-t-il dit.

« Nous sommes inquiets, les gens ici préfèreraient être en quarantaine à la maison », a-t-il ajouté, précisant qu’il n’avait par ailleurs pas pu joindre son épouse hospitalisée.

Selon lui, une trentaine de Français seraient à bord du bateau et une quinzaine auraient été hospitalisés.

Aucune source diplomatique française n’était joignable lundi matin pour confirmer l’information.

Un autre passager français présent à bord, Lucas Bonnamy, avait posté samedi un « SOS » sur Facebook en déplorant les conditions de la quarantaine et celles des personnes hospitalisées qui « craignent pour leur propre vie ».

Lundi, il a confirmé à l’AFP qu’il se trouvait toujours à bord mais qu’il ne recevait « aucun message ni appel ».

Des Américains et des Indiens sont également présents. « Nous sommes en contact avec les passagers américains », a déclaré à l’AFP le porte-parole de l’ambassade américaine Sam Werberg, sans donner de précisions sur le nombre de ressortissants américains présents sur le bateau.

L’ambassade d’Inde en Egypte a confirmé la présence de ressortissants indiens dans un tweet dès dimanche soir.

Dimanche l’Egypte a annoncé le premier décès lié au nouveau coronavirus sur le continent africain, un touriste allemand hospitalisé vendredi dans le sud-est du pays.

En Syrie, l’improbable cohabitation entre soldats russes et américains

Sur une autoroute du nord-est de la Syrie, Hussein Abdel-Hamid s’est retrouvé un jour coincé une heure dans sa voiture: des forces américaines faisaient face à des blindés russes et aucune des deux patrouilles ne voulait céder le passage à l’autre.

Ces incidents devenus routiniers illustrent la fragile cohabitation entre troupes américaines et russes, déployées dans la Syrie en guerre depuis 2011 où le conflit implique de multiples belligérants, soutenus par des puissances étrangères aux intérêts divergents.

« Les forces américaines et les forces russes, on les voit toujours dans la confrontation, elles se comportent comme des taxis » qui font la course, regrette M. Abdel Hamid, 55 ans.

Les soldats américains sont sur le sol syrien depuis 2014, dans le cadre d’une coalition internationale mise sur pied pour soutenir les forces kurdes dans leurs combats contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Quant à l’armée russe, elle est militairement engagée depuis 2015 au côté du régime de Bachar al-Assad. Elle s’est déployée fin 2019 dans le nord-est syrien, quand Damas est venue à la rescousse de forces kurdes, confrontées à une offensive de la Turquie voisine.

Depuis, soldats russes et américains se côtoient directement en Syrie, pour la première fois depuis des décennies.

Des correspondants de l’AFP ont pu voir des soldats surveiller à la jumelle les déplacements du camp adverse. Régulièrement, les blindés des deux armées se croisent lors de patrouilles, faisant craindre aux experts un dérapage entre les deux grandes puissances.

M. Abdel Hamid raconte avoir été récemment témoin de frictions, sur l’autoroute reliant la ville de Qamichli à Hassaké. « On ne sait plus quelles routes emprunter, c’est comme si on passait d’un pays à un autre », déplore-t-il.

– Confrontation « limitée » –

A l’origine de cette cohabitation, il y a aussi les coups d’éclat et les rétropédalages du président américain Donald Trump.

En octobre 2019, il avait annoncé le retrait des troupes américaines de zones frontalières dans le nord-est syrien, un feu vert pour l’offensive de la Turquie contre les combattants kurdes.

Ces derniers, s’estimant lâchés par leur allié américain, n’ont eu d’autres choix que de se tourner vers le régime, et surtout Moscou, pour stopper la progression d’Ankara.

Washington avait ensuite annoncé garder 500 soldats dans le secteur pour assurer la protection des puits pétroliers tenus par les Kurdes.

« La présence conjointe de la Russie et des Etats-Unis dans le nord-est syrien est une situation exceptionnelle », résume Samuel Ramani, doctorant à l’Université d’Oxford.

Toutefois « le risque d’une confrontation majeure est très limité », estime-t-il.

Même si les incidents sont fréquents ces derniers mois.

Début mars, deux blindés américains près de la localité de Tal Tamr ont stationné à une cinquantaine de mètres d’une position du régime, attendant de s’assurer qu’une patrouille russe allait quitter le secteur.

Sur les réseaux sociaux, des internautes ont partagé la vidéo d’un blindé russe roulant à toute allure pour dépasser un véhicule américain qui voulait lui bloquer le passage, les deux engins se frôlant quasiment.

En février, des échanges de tirs ont eu lieu au passage de véhicules américains près d’un barrage des forces prorégime. Un Syrien a été tué.

Le ministère de la Défense russe avait évoqué un « conflit entre la population locale et les troupes américaines », assurant que c’est l’intervention des soldats russes qui a permis d’empêcher une « escalade ».

– Faire pression sur Washington –

Ces incidents « montrent à quel point la situation est fragile sur le terrain », souligne Charles Thépaut, chercheur au Washington Institute for Near East Policy.

« La concentration de forces hostiles les unes aux autres dans un secteur limité où tout le monde doit utiliser les mêmes routes rend les choses dangereuses », explique-t-il.

Toutefois un mécanisme de « déconfliction » est en place depuis plusieurs années entre forces russes et américaines.

Il s’agit de canaux de communication dont l’objectif est d’empêcher les confrontations dans les zones où sont stationnées différentes forces et de gérer la présence des différentes aviations dans le ciel syrien.

Washington et Moscou ne veulent pas de « confrontation directe » estime M. Thépaut. « Le potentiel d’escalade des incidents pourrait être contenu, sauf si une des parties souhaite montrer sa force », dit-il.

Un risque avéré. En février 2018, une centaine de combattants prorégime, dont une poignée de Russes, ont été tués dans des frappes aériennes de la coalition internationale. Washington avait assuré que ces raids intervenaient après une offensive contre des forces kurdes.

Aujourd’hui, « l’objectif de la Russie » reste de pousser les troupes américaines à quitter la Syrie, rappelle M. Thépaut. Mais aussi « faire pression » sur les forces kurdes pour « négocier avec le régime ».

Avec les intérêts divergents de Moscou et de Washington, les Kurdes se livrent à un exercice d’équilibriste pour coopérer avec les deux, et tenter de préserver une semi-autonomie durement acquise.

Mais la désillusion est là.

« Nous ne faisons plus confiance ni aux Américains ni aux Russes », lâche le sexagénaire Yaacoub Kassar, rencontré près de Qamichli. « Les Etats ne cherchent que leurs propres intérêts ».

Nucléaire: l’Iran continue d’inquiéter la communauté internationale

L’Iran est de nouveau sur la sellette pour ses activités nucléaires: les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont constaté un accroissement important de son stock d’uranium enrichi et ils se sont vus refuser l’accès à deux sites qu’ils souhaitaient vérifier.

Ces nouveaux développements laissent augurer de débats tendus au Conseil des gouverneurs de l’agence onusienne qui se réunit toute la semaine à Vienne.

– Quelles limites a franchi Téhéran?

D’importantes bornes fixées par l’accord de 2015 entre l’Iran et les grandes puissances (JCPOA) ont sauté. Téhéran a lancé le processus d’enrichissement d’uranium dans ses centrifugeuses avancées récemment installées, repris le processus d’enrichissement dans l’usine souterraine de Fordo et dépassé le taux d’enrichissement autorisé, fixé à 3,67%.

La République islamique entend ainsi répliquer aux Etats-Unis de Donald Trump qui se sont unilatéralement retirés, en 2018, de cet accord historique visant à l’empêcher de se doter de l’arme atomique.

Conséquence de cette intensification du programme nucléaire iranien, le stock d’uranium faiblement enrichi de l’Iran, de 1.020,9 kilos, est désormais cinq fois supérieur au seuil autorisé, selon le rapport de l’AIEA daté du 3 mars.

En revanche, alors que Téhéran avait annoncé le 5 janvier la fin de toute restriction sur son programme nucléaire, et notamment la levée des limitations du nombre de centrifugeuses, aucun changement notable dans ses installations n’a été constaté depuis cette date, selon ce rapport et des diplomates interrogés par l’AFP.

– Pourquoi surveiller la quantité d’uranium?

La quantité autorisée n’a pas été fixée au hasard. C’est le résultat d’un calcul précis destiné à définir le « breakout time », c’est-à-dire le temps qu’il faudrait en théorie à l’Iran, avec une limite de 5.060 centrifugeuses, pour obtenir le matériau destiné à une bombe nucléaire.

Avec l’accord de Vienne, ce délai était d’environ un an.

L’accroissement du stock d’uranium faiblement enrichi dont dispose l’Iran constitue un « importante préoccupation », explique un diplomate. Il réduit le « breakout time » à quelques mois selon les experts.

Mais accumuler l’uranium ne suffit pas; il faut aussi l’enrichir à un taux de 90% pour qu’il soit utilisable à des fins militaires.

A ce stade, Téhéran n’a pas dépassé le taux d’enrichissement de 4,5%. « On n’est pas encore dans une zone d’alerte rouge », note l’ancien ambassadeur de France en Iran, François Nicoullaud.

Le régime iranien a toujours nié vouloir se doter de la bombe. Le stock actuel d’uranium est bien inférieur à ce qu’il était avant le JCPOA.

– Pourquoi le refus de deux inspections?

Démarche singulière depuis la signature de l’accord, l’Iran a refusé en janvier des inspections sur deux sites que souhaitait vérifier l’AIEA.

Le nouveau patron de l’agence, Rafaël Mariano Grossi, a « tiré la sonnette d’alarme » et demandé plus de transparence à l’Iran.

Ces deux sites n’ont cependant pas de lien avec les activités actuelles de l’Iran. Selon plusieurs sources diplomatiques, ils ont trait aux projets nucléaires militaires du pays dans les années 2000.

Les deux sites inaccessibles comptent parmi un total de trois positions liées à l’hypothèse de « matériel nucléaire et d’activités nucléaires non déclarés », selon l’agence.

« L’AIEA est une agence technique et elle a l’obligation de tirer au clair ces présomptions » car, en tant qu’Etat signataire du Traité de non prolifération (TNP), l’Iran doit signaler tous les sites contenant du matériel nucléaire, remarque François Nicoullaud.

Téhéran a cependant vertement répliqué en jugeant ces réclamations illégitimes et téléguidées par Israël et les Etats-Unis.

Israël affirme disposer d’archives iraniennes prouvant que la République islamique a dissimulé, dans les années 2000, des sites de fabrication d’armes nucléaires.

Sur le volet de ses activités nucléaires actuelles, l’Iran collabore en revanche sans difficulté avec les inspecteur de l’AIEA qui ont accès à tous les sites nécessaires.

– Qu’en pensent les grandes puissances?

Indépendamment de cette affaire, Paris, Londres et Berlin ont déclenché le 14 janvier le mécanisme de règlement des différends (MRD) prévu dans l’accord de 2015 afin de contraindre Téhéran à revenir au respect de ses engagements.

Les trois Etats de l’Union européenne sont, avec la Chine et la Russie, parties à l’accord de Vienne.

A terme, l’absence de conciliation peut mener au rétablissement par le Conseil de sécurité de l’ONU de toutes les sanctions qui avaient été levées après la signature du JCPOA, mais les Européens assurent que tel n’est pas leur objectif.

Une première réunion s’est tenue fin février pour lancer cette conciliation. Plusieurs source diplomatiques assurent qu’il n’y a pas de date butoir et que les négociateurs prendront le temps nécessaire.

Au Gabon, la grotte d’Iroungou, précieux vestige d’une Histoire méconnue

Au fond d’une grotte cachée dans la dense forêt gabonaise, la découverte d’une multitude d’ossements humains datant du XIVe siècle pourrait lever un coin du voile sur l’histoire de l’Afrique centrale, encore largement méconnue.

C’est fin 2018 que Richard Oslisly, géo-archéologue passionné, a mis au jour dans le sud du Gabon cette cavité recelant de nombreux squelettes et objets datant de l’époque médiévale.

Au bout des 25 mètres de corde nécessaires pour en toucher le fond, pas de diamants ni de soucoupes en or mais une véritable caverne d’Ali Baba pour les chercheurs.

Dans la grotte baptisée Iroungou, près de 30 squelettes, plus de 500 objets métalliques majoritairement en fer – couteaux, haches, pointes de sagaies, bracelets, colliers – et 39 dents percées de panthères et de hyènes ont été retrouvés, dispersés sur trois niveaux.

Un an après cette découverte, le chercheur français commence seulement à faire parler ces vestiges: une équipe d’anthropobiologistes est partie récemment à la découverte de ces ossements qui suscitent l’excitation et l’espoir de la communauté scientifique de cette partie du continent.

« C’est une découverte unique en Afrique, car les restes humains y sont quasi inexistants », s’émerveille M. Oslisly, 69 ans, à la tête de cette expédition financée par l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) et la direction Environnement et Développement durable du groupe singapourien Olam, très présent au Gabon pour ses palmiers à huile.

« Cette grotte va nous permettre d’en connaître un peu plus sur ces peuples d’Afrique centrale, largement méconnus de l’histoire », s’enthousiasme-t-il dans son bureau de Libreville rempli d’antiquités locales.

– Des sources rares –

En Afrique subsaharienne, « les sols sont très acides et tout ce qui est d’origine animale et humaine se décompose très rapidement », fait remarquer Geoffroy de Saulieu, archéologue pour l’Institut de Recherche pour le développement (IRD). « C’est exceptionnel d’avoir ce type de vestiges », renchérit-il.

Des datations au carbone 14 sur une dizaine de fémurs ont permis de fixer l’âge de ces restes humains au 14ème siècle.

Une découverte d’une grande valeur car ici, les traces du passé sont rares aussi parce que la recherche archéologique a été tardive et demeure largement sous-financée.

Les premières sources écrites au Gabon datent de l’arrivée des Européens, qui débarquent sur les côtes à la fin du 15ème siècle. Mais il faut attendre le 19ème siècle pour que les explorateurs s’enfoncent dans ses terres recouvertes en quasi-totalité par une forêt aussi majestueuse que menaçante.

Quant aux sources orales – l’histoire des clans, des familles transmise de génération en génération dans les villages -, « elles ne permettent de remonter qu’à un ou deux siècles », fait remarquer Louis Perrois, un anthropologue français qui a retranscrit les traditions orales d’une bonne partie du pays à la fin des années 1960.

Dans les villages autour d’Iroungou, les chercheurs ont bien interrogé les Anciens. En vain, personne ne connaissait l’existence de cette grotte et les villageois n’ont aucune idée de qui pouvaient être ces hommes et ces femmes.

Des molaires ont été envoyées dans un laboratoire en France pour des analyses ADN. Les chercheurs pourront ainsi compter sur une solide base ADN de données salivaires des populations compilée dans toute l’Afrique centrale par des linguistes pour « croiser les données et, peut-être, trouver les héritiers de ces squelettes », espère M. Oslisly, toujours aussi mordu après plus de 35 années de recherches au Gabon et au Cameroun.

– Et si c’était la peste ? –

Deux anthropobiologistes, spécialistes de pathologie osseuse, s’activent au fond de la grotte pour faire parler ces ossements. « Nous allons en savoir plus sur le régime alimentaire des personnes inhumées, les maladies qu’ils ont pu contracter au cours de leur vie », espère M. Oslisly. « Mais aussi et surtout savoir de quoi ils sont morts ».

Iroungou a révélé un héritage quasi unique: hormis une accumulation d’ossements humains mise au jour dans les années 1960 à Benin City, dans le sud du Nigeria, c’est la seule grotte sépulcrale découverte à ce jour dans cette région du monde.

Or, les ossements de Benin City et d’Iroungou datent tous deux du 14ème siècle. Une époque où de nombreuses civilisations africaines se seraient effondrées, selon plusieurs historiens. Au même moment, la grande peste ravage l’Europe et l’Asie. Et si cette maladie avait frappé sur le continent africain ? s’interrogent les chercheurs.

Une hypothèse à laquelle la découverte de Richard Oslisly pourra peut-être répondre. « A Benin City, les ADN n’ont pas été conservés, alors qu’à Iroungou les ossements sont en très bon état », explique M. de Saulieu.

En Côte d’Ivoire, grâce aux femmes, des enfants désertent les plantations de cacao pour l’école

« Nous avons notre banque! » Malgré leurs conditions de vie précaires, les femmes du village agricole de Kôkôti-Kouamékro, en Côte d’Ivoire, exultent, car en finançant la scolarisation de leurs enfants, elles les détournent du travail dans les plantations de cacao.

Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, premier producteur mondial de cacao, de nombreuses familles agricoles vivent dans le dénuement, avec moins d’un dollar par jour. Une pauvreté qui contribue au travail des enfants.

L’Initiative internationale pour le cacao (ICI), une fondation suisse créée par l’industrie du chocolat pour lutter contre le travail des enfants dans la filière, avait identifié « 200 enfants travailleurs » sur 900 dans les plantations de Kôkôti-Kouamékro, un village de 2.000 habitants de la localité de Taabo, à 200 km d’Abidjan, célèbre pour son barrage hydraulique.

L’ICI a donc décidé de soutenir une trentaine de femmes, regroupées dans l’association « Bakpa-élai » (faire du bien à l’enfant, en baoulé) pour créer une cellule féminine de renforcement économique (Cefrec), une « banque », spécialisée dans l’épargne et le crédit et visant à la promotion de l’enfant.

Equipée par l’ICI en machettes, bottes et semences, les 30 femmes ont choisi d’épargner près d’un euro par personne, après la vente de la récolte des ignames, maniocs, maïs, et vivriers.

– Payer des ouvriers –

Cet argent a été regroupé dans la « banque » qui fonctionne avec trois « gardeuses de clé » (qui ont en leur possession la clé du coffre) pour réduire tout risque de malversations mais aussi des « compteuses » de billet. Les retardataires aux réunions hebdomadaires payent des amendes.

« Nous avons mobilisé en une année 3,8 millions de francs CFA (environs 6.000 euros), dépensé deux millions, avec un solde créditeur de 1,8 millions dans la caisse » se félicite Patricia Kouadio Amami, la présidente de l’Association, sanglée dans une robe multicolore, un foulard sur la tête.

« Grâce à notre banque, nous payons des ouvriers pour les travaux champêtres en lieu et place de nos enfants que nous utilisions auparavant. Une des nôtres a même pu acheter un ordinateur pour son fils étudiant », explique Mme Amani.

Malgré des pesanteurs socio-culturelles qui font du mari le chef de la famille, l’autonomisation des femmes de Kôkôti-Kouamékro, a connu un franc succès et le nombre d’adhérentes a doublé en un an.

« Je trouve les femmes formidables. Dans un passé récent on envoyait les enfants au champ. Depuis que les femmes ont créé cette association, tout s’est arrêté », confie Marcel Amani, planteur et notable de Kôkôti-Kouamékro. « Elles méritent notre respect ».

Les femmes ont aussi lancé des cours d’alphabétisation, mais surtout mis en place une cantine scolaire qui s’avère stratégique pour attirer les enfants.

– L’école comme alternative –

« Le taux d’assiduité a augmenté. La cantine contribue largement au maintien de l’enfant à l’école », se félicite Lou Horyphine Koffi, la directrice de l’école.

« Les femmes de Kôkôti-Kouamékro ont démontré qu’elles sont capables à travers des solutions endogènes de trouver des réponses à leurs problèmes » se félicite Euphrasie Aka, coordinatrice régionale Afrique de l’ouest et du centre pour l’ICI. « L’école est l’alternative au travail des enfants » martèle-t-elle.

Toutefois, la Côte d’Ivoire reste une importante destination régionale du trafic d’enfants en provenance des pays frontaliers. Les enfants y viennent pour travailler dans l’agriculture.

Quelque 1,2 million d’enfants ont été engagés dans la cacao culture en Côte d’Ivoire en 2013/2014, selon l’ICI.

« On va noter une augmentation de la problématique de façon absolue », explique Euphrasie Aka, qui annonce la publication en avril d’un nouveau rapport.

« Un nombre élevé de producteurs s’est accru sur la base de la hausse des cours du cacao (…), ce qui entraîne implicitement un nombre élevés d’enfants travailleurs », selon l’ICI.

Soudan: le Premier ministre échappe à un attentat à Khartoum

Le Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok a échappé lundi à un attentat à la bombe dans la capitale soudanaise Khartoum, ont annoncé son chef de cabinet et des médias d’Etat.

« Une explosion s’est produite au passage de la voiture du Premier ministre Abdallah Hamdok mais grâce à dieu personne n’a été touché », a écrit son chef de cabinet, Ali Bakhit, sur son compte Facebook.

Un responsable du Conseil des ministres a confirmé à l’AFP que « M. Hamdok a échappé à un attentat ».

« Le Premier ministre a été visé par une tentative d’assassinat mais il se porte bien et a été transporté dans un lieu sûr », a ensuite annoncé la télévision d’Etat.

Radio Om Dormane, une station d’Etat, a indiqué que le convoi du Premier ministre avait été visé par des tirs d’armes automatiques au moment de l’explosion, ajoutant que M. « Hamdok a été transporté dans un hôpital ».

Le lieu de l’explosion survenue à Kober, un quartier du nord-est de Khartoum, a été bouclé par les forces de l’ordre.

Les images de deux véhicules endommagés par l’explosion ont été diffusées par la télévision d’Etat.

Soudan du Sud: la paix n’a pas encore apaisé la faim

Le vrombissement des moteurs se fait entendre au loin, puis dans un bruit assourdissant l’avion cargo passe au-dessus de Mogok, larguant des sacs de céréales sur ce village du Sud-Soudan désolé et poussiéreux.

Il n’existe pas d’autre voie que les airs pour amener de la nourriture à ce hameau dont les habitants meurent de faim. Il n’y a pas de route et le Nil onduleux est à des kilomètres.

Sans nourriture et au bord de la famine, les villageoises se précipitent vers les rations tombées du ciel qui leur permettront de subvenir aux besoins de leur famille pour des mois.

« Les enfants mangeaient des feuilles », raconte à l’AFP Nyawal Puot, 36 ans, une mère de cinq enfants, à Mogok, petit amas de huttes au toit de chaume déposées sur une plaine aride, à des lieues de tout, dans le nord-est du Soudan du Sud.

Mogok vient d’être au moins temporairement sauvé. Mais six millions de Sud-Soudanais, soit plus de la moitié de la population, sont en situation de crise alimentaire, quelque 20.000 étant même au bord de la famine.

Et ce au moment où le président Salva Kiir et le chef rebelle redevenu vice-président Riek Machar ont réussi à s’accorder sur la formation d’un gouvernement d’union nationale, dont la tâche principale sera de mettre fin à six ans de guerre civile.

En février, juste avant que ces deux anciens rivaux ne concluent cet accord, les Nations unies ont mis en garde contre l’aggravation de la crise alimentaire attendue pour juillet.

Ceux qui appellent à une réponse humanitaire d’urgence considèrent que la paix et la stabilité sont les meilleures chances d’éviter la répétition de la famine de 2017.

Mais nourrir des millions de personnes est coûteux, difficile et dangereux dans un pays où l’accès est aussi malaisé, où les conflits armés persistent, et où gouvernement et rebelles sont accusés par l’ONU d’avoir « délibérément affamé » les habitants.

– « Plus rien à cultiver » –

A Mogok, les inondations au plus fort de la saison des semences fin 2019 ont transformé les champs en marécages, dévastant des cultures qui auraient permis de se nourrir pendant six mois.

« Les gens ne pouvaient plus rien cultiver. Il n’y avait aucun moyen d’avoir de la nourriture », poursuit Nyawal. Elle passait des journées à chercher de la nourriture, mais ne trouvait guère que des arbrisseaux ou des fruits sauvages qui rendaient certains enfants malades.

Les pluies ont aussi détruit les rares routes existantes, coupant tout lien avec le reste du pays. Le Soudan du Sud, un pays de la taille de la France, ne compte pas plus de 250 km de routes bitumées.

« Le Soudan du Sud est un des pays les plus isolés, ruraux et où il est difficile de se déplacer au monde. Vous pouvez voler pendant des heures sans voir une route », souligne Matthew Hollingworth, directeur pour ce pays du Programme alimentaire mondial (PAM).

Le Soudan du Sud est le dernier pays au monde où de la nourriture est larguée depuis les airs. A Mogok, il n’y avait pas d’autre solution: sans ces tonnes de céréales et de graines, les habitants seraient simplement morts.

L’année dernière, le nombre de Sud-Soudanais affamés était encore supérieur. Pendant la période de soudure, qui sépare la saison sèche et la saison des pluies, ils étaient près de 7 millions dans cette situation.

Une accalmie dans les combats après la signature en septembre 2018 d’un accord de paix a permis à certains paysans de rentrer chez eux cultiver leurs champs pour la première fois depuis des années.

La production de céréales a augmenté de 10%, selon le PAM, bien en deçà toutefois des besoins du pays.

Le largage aérien est le moyen le plus coûteux de fournir de la nourriture: huit fois plus cher que le transport routier. Aussi est-il moins utilisé depuis que le cessez-le-feu est en place.

– Amélioration de la sécurité –

Trois ans auparavant, le PAM utilisait huit avions qui délivraient de la nourriture « chaque jour, toute la journée » à environ 1,3 million de personnes, explique M. Hollingworth.

« Aujourd’hui, parce qu’il y a le cessez-le-feu et que la paix tient, ces chiffres ont baissé » à trois avions pour 400.000 personnes.

L’amélioration de la sécurité a permis d’accéder à des endroits jusqu’alors considérés comme trop isolés ou risqués, dans un des pays les plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires.

Les parties navigables du Sud, une des plus grandes zones humides au monde, ont été cartographiées pour la première fois, ce qui a permis de transporter de la nourriture par la rivière et de l’entreposer sur des barges en prévision de la soudure.

Pour la première fois, des véhicules amphibies ont atteint des villages cachés dans les affluents du Nil. Des camions ont aussi réussi à se frayer un chemin vers des recoins perdus en forêt dans le Nord-Est.

« Nous ne pouvions pas faire ça les années précédentes, car il y avait beaucoup de combats là-bas », remarque Fiona Lithgow, une responsable du PAM.

Malgré les déclarations de paix en grande pompe à Juba, les violences pourraient encore entraver les efforts herculéens nécessaires pour nourrir des millions de personnes dans les mois à venir.

Mais si la stabilité prévaut, le largage sur Mogok pourrait y être le dernier, la construction d’une route étant prévue. « La paix va apporter ce changement », ose espérer M. Hollingworth.

Coronavirus: la Chine entrevoit un retour à la normale

Réouverture partielle de Disneyland ou des magasins Ikea, fermeture d’hôpitaux de campagne: la Chine s’orientait lundi vers un retour à la normale très progressif après un mois et demi d’hyper restrictions pour cause de coronavirus.

Le pays où le Covid-19 a fait son apparition fin 2019 voit la maladie reculer depuis plusieurs semaines sur son sol, alors même qu’elle se propage dans le reste du monde.

Même si les mesures de restriction restent draconiennes et que beaucoup d’habitants préfèrent rester confinés chez eux, chaque jour qui passe voit un peu plus de piétons et d’automobiles dans les rues de Pékin.

La capitale reste encore très loin de son affluence habituelle et les transports publics sont encore largement vides. Très peu de gens s’aventurent à l’extérieur sans un masque.

Mais à Wuhan (centre), la ville de 11 millions d’habitants au coeur de l’épidémie, plusieurs signes laissent espérer une fin progressive des mesures de quarantaine imposées le 23 janvier.

Signe du recul de la maladie dans la ville qui concentre de loin le plus grand nombre de cas de contamination du pays, 11 des 16 hôpitaux de campagne ouverts pour les patients contaminés ont déjà été fermés, a rapporté l’agence Chine nouvelle.

Deux hôpitaux, installés l’un dans une usine et l’autre dans un stade, ont fermé leurs portes dimanche après avoir renvoyé 61 ex-malades chez eux. Ces installations avaient une capacité d’accueil totale de 2.000 malades, a précisé l’agence de presse officielle.

– ‘Plus si loin’ –

Un haut responsable du pays a laissé entendre vendredi que le bouclage de la province du Hubei, où se trouve Wuhan, pourrait bientôt prendre fin.

« Le jour que tout le monde attend ne devrait plus être si loin que ça », a déclaré devant la presse Ding Xiangyang, secrétaire général adjoint du gouvernement.

Des habitants contactés par l’AFP ont fait part de leur impatience de pouvoir sortir de chez eux, notamment dans les secteurs du Hubei où plus aucun cas de contamination n’a été annoncé depuis plusieurs semaines.

La visite la semaine dernière d’une haute responsable du régime communiste à Wuhan a été perturbée par les cris d’habitants confinés, dénonçant apparemment des problèmes d’approvisionnement.

La province a ordonné le 20 février aux entreprises de ne pas reprendre le travail avant le 10 mars. Des entreprises indispensables, comme supermarchés et pharmacies, sont toutefois restées ouvertes.

Aux portes du Hubei, la province de l’Anhui (est) a annoncé que ses trois derniers patients avaient pu quitter l’hôpital, a annoncé lundi Chine nouvelle.

Dans le nord-ouest, la province montagneuse du Qinghai se prépare à rouvrir certaines écoles dans le courant de la semaine.

– Ikea rouvre des magasins –

A Shanghai, le complexe Disneyland a partiellement rouvert lundi. Le parc d’attraction proprement dit reste fermé, mais « un nombre limité » de boutiques, de restaurants et un hôtel reprennent leurs activités à l’entour, a expliqué le groupe américain.

Le géant suédois de l’ameublement Ikea a pour sa part annoncé pendant le week-end avoir désormais rouvert plus de la moitié de la trentaine de magasins qu’il compte en Chine.

Le coronavirus a encore tué 22 personnes dans le pays, selon le bilan journalier fourni lundi par les autorités. C’est le chiffre le plus bas communiqué depuis le 27 janvier.

Le nombre quotidien de nouvelles contaminations est tombé de son côté à 40, soit le niveau le plus bas depuis le début officiel du comptage des données en janvier.

Toutes sauf quatre ont été enregistrées à Wuhan, de même que la totalité des nouveaux décès.

Le bilan cumulé des morts dans le pays s’inscrit désormais à 3.119. Plus de 80.700 personnes ont été contaminées.

Soudan du Sud: la paix n’a pas encore apaisé la faim

Le vrombissement des moteurs se fait entendre au loin, puis dans un bruit assourdissant l’avion cargo passe au-dessus de Mogok, larguant des sacs de céréales sur ce village du Sud-Soudan désolé et poussiéreux.

Il n’existe pas d’autre voie que les airs pour amener de la nourriture à ce hameau dont les habitants meurent de faim. Il n’y a pas de route et le Nil onduleux est à des kilomètres.

Sans nourriture et au bord de la famine, les villageoises se précipitent vers les rations tombées du ciel qui leur permettront de subvenir aux besoins de leur famille pour des mois.

« Les enfants mangeaient des feuilles », raconte à l’AFP Nyawal Puot, 36 ans, une mère de cinq enfants, à Mogok, petit amas de huttes au toit de chaume déposées sur une plaine aride, à des lieues de tout, dans le nord-est du Soudan du Sud.

Mogok vient d’être au moins temporairement sauvé. Mais six millions de Sud-Soudanais, soit plus de la moitié de la population, sont en situation de crise alimentaire, quelque 20.000 étant même au bord de la famine.

Et ce au moment où le président Salva Kiir et le chef rebelle redevenu vice-président Riek Machar ont réussi à s’accorder sur la formation d’un gouvernement d’union nationale, dont la tâche principale sera de mettre fin à six ans de guerre civile.

En février, juste avant que ces deux anciens rivaux ne concluent cet accord, les Nations unies ont mis en garde contre l’aggravation de la crise alimentaire attendue pour juillet.

Ceux qui appellent à une réponse humanitaire d’urgence considèrent que la paix et la stabilité sont les meilleures chances d’éviter la répétition de la famine de 2017.

Mais nourrir des millions de personnes est coûteux, difficile et dangereux dans un pays où l’accès est aussi malaisé, où les conflits armés persistent, et où gouvernement et rebelles sont accusés par l’ONU d’avoir « délibérément affamé » les habitants.

– « Plus rien à cultiver » –

A Mogok, les inondations au plus fort de la saison des semences fin 2019 ont transformé les champs en marécages, dévastant des cultures qui auraient permis de se nourrir pendant six mois.

« Les gens ne pouvaient plus rien cultiver. Il n’y avait aucun moyen d’avoir de la nourriture », poursuit Nyawal. Elle passait des journées à chercher de la nourriture, mais ne trouvait guère que des arbrisseaux ou des fruits sauvages qui rendaient certains enfants malades.

Les pluies ont aussi détruit les rares routes existantes, coupant tout lien avec le reste du pays. Le Soudan du Sud, un pays de la taille de la France, ne compte pas plus de 250 km de routes bitumées.

« Le Soudan du Sud est un des pays les plus isolés, ruraux et où il est difficile de se déplacer au monde. Vous pouvez voler pendant des heures sans voir une route », souligne Matthew Hollingworth, directeur pour ce pays du Programme alimentaire mondial (PAM).

Le Soudan du Sud est le dernier pays au monde où de la nourriture est larguée depuis les airs. A Mogok, il n’y avait pas d’autre solution: sans ces tonnes de céréales et de graines, les habitants seraient simplement morts.

L’année dernière, le nombre de Sud-Soudanais affamés était encore supérieur. Pendant la période de soudure, qui sépare la saison sèche et la saison des pluies, ils étaient près de 7 millions dans cette situation.

Une accalmie dans les combats après la signature en septembre 2018 d’un accord de paix a permis à certains paysans de rentrer chez eux cultiver leurs champs pour la première fois depuis des années.

La production de céréales a augmenté de 10%, selon le PAM, bien en deçà toutefois des besoins du pays.

Le largage aérien est le moyen le plus coûteux de fournir de la nourriture: huit fois plus cher que le transport routier. Aussi est-il moins utilisé depuis que le cessez-le-feu est en place.

– Amélioration de la sécurité –

Trois ans auparavant, le PAM utilisait huit avions qui délivraient de la nourriture « chaque jour, toute la journée » à environ 1,3 million de personnes, explique M. Hollingworth.

« Aujourd’hui, parce qu’il y a le cessez-le-feu et que la paix tient, ces chiffres ont baissé » à trois avions pour 400.000 personnes.

L’amélioration de la sécurité a permis d’accéder à des endroits jusqu’alors considérés comme trop isolés ou risqués, dans un des pays les plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires.

Les parties navigables du Sud, une des plus grandes zones humides au monde, ont été cartographiées pour la première fois, ce qui a permis de transporter de la nourriture par la rivière et de l’entreposer sur des barges en prévision de la soudure.

Pour la première fois, des véhicules amphibies ont atteint des villages cachés dans les affluents du Nil. Des camions ont aussi réussi à se frayer un chemin vers des recoins perdus en forêt dans le Nord-Est.

« Nous ne pouvions pas faire ça les années précédentes, car il y avait beaucoup de combats là-bas », remarque Fiona Lithgow, une responsable du PAM.

Malgré les déclarations de paix en grande pompe à Juba, les violences pourraient encore entraver les efforts herculéens nécessaires pour nourrir des millions de personnes dans les mois à venir.

Mais si la stabilité prévaut, le largage sur Mogok pourrait y être le dernier, la construction d’une route étant prévue. « La paix va apporter ce changement », ose espérer M. Hollingworth.

A Fukushima, la flamme olympique ne réchauffe pas tous les coeurs

Pour eux, c’est une « humiliation »: des évacués de la région de Fukushima encaissent mal la volonté du gouvernement de faire d’un site emblématique de l’accident nucléaire de 2011 le point de départ ultra-médiatisé de la flamme olympique.

« Fukushima a d’autres préoccupations que Tokyo », résume un slogan lors d’une manifestation de ces « anti » près du J-Village.

C’est précisément de là que la flamme des Jeux de Tokyo doit s’élancer le 26 mars. Le J-Village est un luxueux centre d’entraînement de football financé par Tokyo Electric Power (Tepco), et inauguré en 1997 à une vingtaine de kilomètres de la centrale atomique Fukushima Daiichi.

C’était du temps où l’énergie nucléaire promettait « un avenir radieux », comme affiché autrefois sur un portique à l’entrée de la ville de Futaba, voisine de la centrale.

La flamme passera aussi par cette commune désertée, les autorités ayant récemment levé l’ordre d’évacuation pour une portion de l’agglomération.

– « Symbole de la reconstruction » –

« Pour nous, habitants de Fukushima, faire partir la torche d’ici apparaît comme la volonté du gouvernement de fermer le couvercle sur l’accident nucléaire: nous le vivons comme une humiliation », déclare à l’AFP Ruiko Muto, militante antinucléaire résidente de la région de Fukushima.

« En temps normal, cela nous aurait fait très plaisir que la région de Fukushima soit sous le feu des projecteurs internationaux grâce à la flamme olympique, mais nous souffrons encore. Et à cause de qui? De Tepco », la compagnie qui exploitait la centrale, poursuit Hiromu Murata, président de l’association d’aide aux évacués, Hidanren.

« Fukushima n’est pas dans une situation propice à se réjouir des JO », abonde Miyako Kumamoto, elle aussi membre active d’un groupe de soutien aux évacués peinant à se reloger.

Après le désastre du 11 mars 2011 provoqué par un gigantesque tsunami, le J-Village a été transformé en véritable quartier général des travailleurs chargés de sécuriser puis assainir le site: ils s’y changeaient, s’y reposaient, se restauraient par milliers chaque jour, avant et après avoir trimé dans l’enfer du site nucléaire.

Le site a repris en fanfare ses activités de centre sportif en avril 2019.

« J-Village est redevenu ce qu’il était, c’est pour nous un symbole, c’est le point de départ de la reconstruction, un processus en cours. Nous espérons recevoir un grand soutien et une grande énergie grâce aux JO », a justifié Masao Uchibori, le gouverneur de la région.

Quelque 41.000 personnes n’ont pas encore regagné leurs foyers, selon les derniers chiffres officiels, que les associations estiment bien en-deçà de la réalité.

– Peur d’être oubliés –

La levée progressive des interdictions d’habiter des zones de la région n’est pas bien vue non plus par une partie des évacués, qui craignent toujours la radioactivité.

« Une partie des personnes qui habitaient dans une localité de nouveau décrétée habitable sont réticentes à revenir, mais l’Etat et la préfecture leur coupent les aides pour se loger ailleurs. Et celles qui sont parties par peur des radiations sans avoir été évacuées sur ordre sont parfois dans une situation pire », déplore Mme Kumamoto.

Et de citer le cas de quelques foyers pauvres à qui l’Etat a fourni un logement public gratuitement pendant plusieurs années, puis a exigé un loyer, dont il ensuite doublé le montant, et veut désormais les expulser s’ils continuent de ne pas le payer.

« Il ne reste que cinq ménages dans cette situation: nous les aidons à retrouver un logement, mais on a du mal à entrer en contact avec eux », rétorque un fonctionnaire de la préfecture chargé de l’habitat.

« On leur propose des taudis en confiant cette mission à des agences sans scrupules », conteste Mme Kumamoto.

« Cessez de leur facturer un loyer qu’ils ne peuvent pas payer », supplie-t-elle. « On le fera si le ministère des Finances nous dit qu’il veut bien », répond le fonctionnaire.

Dans ce dialogue de sourds, Mme Kumamoto s’interroge: est-ce que l’Etat, qui a déboursé plus de 1.000 milliards de yens (près de 9 milliards d’euros) pour les JO et qui promet un plan de relance de 13.200 milliards de yens (environ 108 milliards d’euros) pour dynamiser l’économie et aider la reconstruction a bien besoin des 20.000 yens (160 euros) de loyer mensuel des quelques foyers concernés?

Nombre d’habitants de la région redoutent surtout qu’on les oublie après le coup de projecteur des JO.