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Sabun Binin : les villageois contre-attaquent et libèrent leurs otages

Katsina (Nigeria), 26 novembre 2025 – Dans l’État de Katsina, berceau historique du banditisme armé dans le nord-ouest du Nigeria, une communauté vient de renverser les règles d’un jeu macabre qui dure depuis plus de dix ans. À Sabun Binin, petit village de la zone de gouvernement local de Batsari, les habitants ont répondu à un enlèvement massif par un « contre-enlèvement » aussi spectaculaire qu’efficace.

Tout a commencé il y a une dizaine de jours. Un groupe de bandits lourdement armés, les « Yan Bindiga », a investi le village à moto, emmenant plusieurs dizaines de personnes dans la forêt de Rugu. La demande de rançon est tombée rapidement : 100 millions de nairas par tête.

 

La Terreur change de camp à Sabun Binin

 

Mais cette fois, la terreur a changé de camp. Aidés par la Civilian Joint Task Force (Force d’autodéfense communautaire) et par des jeunes du village, les habitants ont identifié les ravisseurs. Mieux encore : ils savaient exactement où vivaient leurs familles. En conséquence, en l’espace de 48 heures, les villageois ont organisé des patrouilles discrètes et capturé une quinzaine de proches des bandits – mères, frères, épouses – sans effusion de sang.

Quand les téléphones satellites des bandits ont sonné pour négocier, la réponse fut sans appel : « Vos gens contre les nôtres. Pas un Kobo tant que nos frères et sœurs ne sont pas libres. »

 

Un dénouement rapide

 

Moins de cinq jours plus tard, les bandits ont craqué. Selon plusieurs témoins, tous les otages ont été relâchés sains et saufs. De plus, chaque personne libérée aurait reçu 30 000 nairas « pour le transport », un geste qui, dans ce contexte, a valeur d’humiliation. Peu après, les familles des bandits ont été relâchées à leur tour.

Sur les réseaux sociaux nigérians, l’affaire fait l’effet d’une bombe. Le hashtag #SabunBininReverse a dépassé les 2 millions de vues en 24 heures.

« Pour la première fois, on a vu les bandits supplier », confie un membre du comité de vigilance local. « Ils pensaient que nous allions payer comme d’habitude. Ils n’avaient jamais imaginé qu’on puisse toucher à leurs propres familles. »

 

Un précédent aux conséquences imprévisibles

 

Dans les États voisins de Zamfara, Sokoto et Kaduna, où les enlèvements sont devenus une industrie (plus de 3 000 victimes recensées en 2025), l’information se répand rapidement.

Certains analystes sécuritaires y voient un tournant dangereux. « Si ce modèle se répète, nous risquons une escalade incontrôlable », prévient Kabiru Adamu, consultant en sécurité. « Toutefois, pour l’instant, les bandits sont déstabilisés. Ils savent désormais que plus personne n’est intouchable. »

À Sabun Binin, on ne parle plus de victoire, mais bien de survie. « On n’a pas le choix », résume un ancien. « L’État est absent, l’armée arrive toujours trop tard. Alors on a fait ce qu’il fallait pour que nos enfants dorment tranquilles. »

Ce précédent, né du chaos et du désespoir, pourrait marquer soit la fin d’une impunité de trop longue date, soit le début d’une guerre civile encore plus sale.