mars 2020 - Page 7 sur 36 - Journal du niger

En Libye, la guerre premier rempart contre le coronavirus ?

Faisant fi des appels des autorités sanitaires à éviter les rassemblements pour se prémunir contre le nouveau coronavirus, Moayed al-Missaoui suit dans un café bondé de la capitale libyenne un match du championnat italien de football retransmis à la télévision.

Comme lui, de nombreux Libyens estiment que le conflit qui déchire leur pays a au moins un aspect positif. Pour eux, la fermeture du seul aéroport international de Tripoli et les liens limités avec l’étranger à cause de la guerre les protège du Covid-19: si l’épidémie a touché les pays voisins, aucun cas n’a été rapporté à ce jour en Libye.

« Nous sommes à l’abri des virus en Libye, un pays dont la capitale est assiégée et dont les issues terrestres et aéroportuaires sont fermées », avance Moayed al-Missaoui.

Pour cet universitaire de Tripoli, les Libyens n’ont « rien à craindre », contrairement aux pays ayant des contacts permanents avec le reste du monde.

Lui et ses amis ont les yeux rivés sur l’écran pour suivre un match qui se joue en Italie dans un stade vide. On entend clairement à la télévision l’écho des coups de sifflet de l’arbitre et les cris des entraîneurs, tranchant avec la brouhaha dans le café.

Les matchs du championnat italien ont été chamboulés cette semaine par l’épidémie de nouveau coronavirus, qui a conduit les autorités italiennes à imposer un huis clos généralisé, dans un pays parmi les plus touchés au monde qui vit désormais sous cloche.

« Nos voisins italiens sont privés du plaisir d’assister au match dans les stades et même dans les cafés et les places publiques alors que c’est du pur plaisir pour nous », lance Moayed avec le sourire.

– Zéro cas –

Son voisin, Diya Abdel Karim, estime qu’il est plus « sensé » de gérer cette épidémie avec décontraction pour éviter la vague de panique qui règne dans les pays touchés.

« Il vaut mieux ne pas susciter la peur et la panique chez les gens pour que les autorités puissent appliquer des mesures sanitaires préventives sans pression », estime ce dentiste, soulignant toutefois qu' »il faut être vigilant ».

Jusqu’ici, les autorités libyennes affirment qu’aucun cas de contamination n’a été recensé, ce qui n’écarte pas l’existence de cas isolés non contrôlés, dans un pays en proie au chaos depuis des années.

« Grâce à Dieu, nous n’avons enregistré aucun cas », confirme à l’AFP Badreddine al-Najjar, président du Centre national de lutte contre les maladies (CNLM).

Le CNLM, une entité gouvernementale basée à Tripoli, prévoit toutefois des mesures préventives face à d’éventuelles contaminations provenant notamment des pays mitoyens de la Libye ayant enregistrés des cas de Covid-19.

« Le virus entoure la Libye de tous les côtés. (…) Il est nécessaire de surveiller ce danger transfrontalier », même si les déplacements vers et depuis la Libye sont limités, ajoute M. Najjar.

Tunisie, Algérie et Egypte ont annoncé cette semaine des cas de Covid-19, « mais on ne peut pas encore parler d’épidémie », souligne-t-il.

Quoi qu’il en soit, les autorités sanitaires se préparent, selon M. Najjar: « Dès la semaine prochaine, les cellules de quarantaine et d’isolement seront prêtes ».

– Rupture de stock –

Exemple de l’isolement de la Libye du reste du monde du fait des conflits armés et des violences qui secouent le pays depuis la chute en 2011 de Mouammar Kadhafi, aucun avion civil ne se pose actuellement dans la capitale.

Pour se rendre d’Europe à Tripoli, il faut aller à Tunis ou à Istanbul, puis prendre un vol pour Misrata et enchaîner sur un trajet de 200 km en voiture jusqu’à Tripoli, si les conditions de sécurité le permettent. Une autre option est une journée en voiture de Tunis jusqu’au poste-frontière Ras Jédir, avant d’enchaîner sur un trajet ardu de 150 km jusqu’à la capitale, durant lequel le coronavirus n’est pas la principale source d’insécurité.

Fin 2019, un journaliste de l’AFP a mis plus d’une semaine avant de pouvoir rejoindre Tripoli depuis une capitale européenne.

Mais certains Libyens craignent néanmoins de ne pas être à l’abri d’une contamination dont les effets seraient alors catastrophiques dans un pays où la guerre a tué des centaines de personnes et déplacé plus de 150.000 autres.

Alors ils prennent des précautions.

Cela a déjà entraîné des ruptures de stocks dans les pharmacies et les supermarchés pour certains produits.

« Les importations de gel hydroalcoolique, de masques et de gants ont nettement augmenté », précise à l’AFP Mounir el-Hazel, directeur d’une société d’importation de matériel médical.

« Commerçants, pharmaciens et particuliers, (…) se préparent à d’éventuelles pénuries », explique-t-il.

Et certains en profitent. Selon cet homme d’affaires, les prix de certains produits ont été multipliés par trois, voire six, par rapport au mois de décembre.

Russie: Poutine « pour toujours »? Soutiens et opposition se mobilisent

Les fidèles du Kremlin comme les opposants se mobilisaient mercredi après un nouveau coup de théâtre de Vladimir Poutine, qui a ouvert avec une réforme constitutionnelle la voie à son maintien à la présidence jusqu’en 2036.

Cet amendement à la loi fondamentale, ajouté mardi à la surprise générale à une réforme plus vaste, permettra à l’homme fort de Russie de « réinitialiser » son compteur de mandats présidentiels, afin de lui donner le droit de se représenter en 2024 mais aussi en 2030. La Cour constitutionnelle doit valider la manoeuvre, à la demande de M. Poutine.

Adoptée en troisième lecture mercredi par les députés, l’ensemble de la révision constitutionnelle, qui inclut aussi un renforcement des prérogatives présidentielles, des mesures sociales et des principes sociétaux conservateurs, doit être validé encore par la chambre haute du Parlement et un « vote populaire » le 22 avril.

Les alliés politiques du président se sont réjouis de la possibilité du maintien au pouvoir de M. Poutine, 67 ans, aux commandes de la Russie depuis 20 ans.

– Faire face aux ennemis –

Le loyal maire de Moscou, Sergueï Sobianine, a estimé ainsi qu’interdire à M. Poutine de se représenter en 2024, du fait de l’actuel limite à deux mandats consécutifs, était « un facteur déstabilisateur » pour le pays.

Il a fait valoir la « stabilité » du pouvoir face aux ennemis « intérieurs et extérieurs » de la Russie, qui « tentent de saper notre indépendance et notre économie ».

Le président de la chambre basse du Parlement, Viatcheslav Volodine, a estimé que la réforme « renforcera le pays ». La présidente de la chambre haute, Valentina Matvienko, a assuré elle que les élections de 2024 n’étaient pas pour autant « jouées d’avance ».

Du côté des détracteurs du pouvoir, cette mesure surprise prouve que M. Poutine a l’intention de rester indéfiniment au pouvoir, même s’il avait assuré le contraire par le passé.

Certains ont aussi dénoncé la décision mardi de Sergueï Sobianine de bannir les rassemblements de plus de 5.000 personnes, officiellement pour cause d’épidémie de coronavirus.

Cette annonce est cependant intervenue juste après que l’opposition a annoncé son intention de manifester courant mars contre M. Poutine à Moscou, théâtre cet été de vastes manifestations qui avaient été réprimées.

« 1) Vous annoncez que vous allez rester au pouvoir pour toujours. 2) L’opposition veut organiser des protestations. 3) Sous prétexte de lutte contre le coronavirus, vous interdisez les rassemblement à Moscou », a ironisé le populaire blogueur StalinGulag.

– Un « putsch » –

La figure de proue des opposants, Alexeï Navalny, a lui dénoncé une réforme qui permet à Poutine de briguer un mandat « comme si c’était la première fois ».

« Techniquement, ce qui se passe aujourd’hui est un putsch », a lâché son bras doit, Leonid Volkov.

Dès le vote en deuxième lecture mardi par les députés, une centaine de personnes s’étaient rassemblées près des murs du Kremlin pour protester contre l' »impensable ».

Une nouvelle action de protestation a commencé mercredi devant le Parlement.

Justifiant les amendements à la Constitution, M. Poutine a jugé mardi qu’un « pouvoir présidentiel fort est absolument nécessaire à la Russie » et estimé que la « stabilité (…) devait être prioritaire ».

Vladimir Poutine avait déjà pris tout le monde de court en janvier en annonçant qu’il voulait lancer une révision constitutionnelle, la première depuis l’adoption de la Constitution russe en 1993. Cette initiative avait immédiatement été considérée comme une manière de préparer l’après-2024.

La révision concerne à la fois le système politique, renforçant notamment les pouvoir de l’exécutif, mais donne aussi des droits socio-économiques tels qu’un salaire minimum garanti et une indexation des retraites.

Elle entérine aussi le virage conservateur de la Russie, dotant la loi fondamentale de la mention de « foi en Dieu », de la nécessité de politiques publiques natalistes ainsi que du principe d’un mariage possible uniquement entre un homme et une femme.

Séoul, l’élève modèle de la lutte contre le coronavirus?

Après avoir enregistré une flambée de contaminations, la Corée du Sud est parvenue à réduire de façon significative le nombre de nouveaux cas de Covid-19 tout en gardant, apparemment, un taux de létalité relativement bas.

Mercredi, Séoul totalisait 7.755 cas confirmés, ce qui fait d’elle le quatrième pays le plus touché. Mais le nombre de nouveaux cas s’est considérablement réduit, et seules 60 personnes sont mortes.

Cela fait-il de la Corée du Sud un modèle à suivre dans la lutte contre l’épidémie?

Comment Séoul a géré l’épidémie?

Contrairement à la Chine qui a choisi de cloîtrer une partie de sa population, Séoul a adopté une stratégie mêlant information du public, participation de la population et une campagne massive de dépistage.

Les proches de toutes les personnes contaminées sont ainsi recherchées de façon systématique, avant de se voir proposer un test de dépistage.

Les déplacements des malades avant qu’ils ne soient testés positifs sont reconstitués au travers des images de vidéosurveillance, de l’utilisation de leur carte bancaire ou du bornage de leur smartphone, puis rendus publics. Des sms sont même envoyés aux gens quand un nouveau cas est détecté près de chez eux ou de leur travail.

Cette stratégie a suscité des interrogations évidentes quant à la protection de la vie privée. Mais elle en a aussi poussé certains à se faire tester.

La Corée du Sud a réalisé davantage de dépistages qu’aucun autre pays, à un rythme d’environ 10.000 par jours, ce qui a permis de s’attaquer très tôt aux nouveaux foyers d’infection.

Comment Séoul a fait autant de tests?

Mercredi, le nombre total de tests effectués s’élevait à 220.000. Le pays compte 500 cliniques habilitées pour les réaliser, dont une quarantaine de cliniques ambulantes, afin de minimiser les contacts entre malades potentiels et travailleurs de la santé.

La Corée du Sud a en fait appris de ses propres erreurs et notamment de la carence de tests disponibles lors de la crise en 2015 du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (Mers).

Alors elle a accéléré les procédures de mise sur le marché des tests, et quelques semaines après l’apparition du coronavirus en Chine, Séoul donnait son feu vert à la mise à disposition des cliniques d’un tout nouveau test diagnostiquant le Covid-19 en six heures.

Comment la population a réagi?

Les autorités ont lancé une campagne de « prise de distances sociales » en exhortant les gens à rester chez eux, à éviter les rassemblements et à minimiser les contacts. Conséquence: des quartiers d’ordinaires bondés se sont vidés, tandis que magasins et restaurants peinaient à attirer les clients.

Quantités d’événements sportifs ou culturels ont été annulés et le port du masque s’est généralisé, comme le préconisait le gouvernement, qui a pu compter sur une population particulièrement respectueuse des consignes.

Pourquoi la létalité est si basse?

Il est impossible de calculer aujourd’hui précisément le taux de létalité du Covid-19 qui ne pourra être affiné qu’après l’épidémie.

L’observation des chiffres transmis par les gouvernements donne cependant le sentiment d’une mortalité beaucoup plus faible en Corée du Sud qu’ailleurs.

Divers facteurs expliquent cette impression. La campagne de dépistage a permis une prise en charge précoce des malades. Son ampleur fait qu’il y a beaucoup plus de chances de repérer les malades ne présentant pas ou très peu de symptômes et qui ne seraient pas testés dans les autres pays. Repérer davantage de malades réduit mathématiquement la proportion de décès.

En outre, la population infectée au Sud a un profil unique, puisque la plupart des personnes contaminées sont des femmes, et près de la moitié ont moins de 40 ans.

Les autorités l’expliquent par le fait que plus de 60% des cas de contamination sont liés à l’Eglise Shincheonji de Jésus, une organisation religieuse souvent accusée d’être une secte. La plupart de ses membres sont des femmes, pour beaucoup âgées d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années.

Or on sait que le taux de létalité du coronavirus augmente avec l’âge et les plus de 80 ans -et en particulier les hommes- sont les plus à risque.

La Corée du Sud, un exemple à suivre?

« Les tests sont une mesure initiale cruciale pour contrôler un virus », estime Masahiro Kami, de l’Institut pour la recherche sur les politiques médicales, basé à Tokyo. « C’est donc un bon modèle, pour tous les pays. »

La Corée du Sud a « agi vite et bien », abonde Marylouise McLaws, de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud.

« C’est très dur pour les autorités de se résoudre à des mesures aussi fortes. Ce qui fait que c’est souvent fait de façon tardive. »

En Libye, la guerre premier rempart contre le coronavirus ?

Faisant fi des appels des autorités sanitaires à éviter les rassemblements pour se prémunir contre le nouveau coronavirus, Moayed al-Missaoui suit dans un café bondé de la capitale libyenne un match du championnat italien de football retransmis à la télévision.

Comme lui, de nombreux Libyens estiment que le conflit qui déchire leur pays a au moins un aspect positif. Pour eux, la fermeture du seul aéroport international de Tripoli et les liens limités avec l’étranger à cause de la guerre les protège du Covid-19: si l’épidémie a touché les pays voisins, aucun cas n’a été rapporté à ce jour en Libye.

« Nous sommes à l’abri des virus en Libye, un pays dont la capitale est assiégée et dont les issues terrestres et aéroportuaires sont fermées », avance Moayed al-Missaoui.

Pour cet universitaire de Tripoli, les Libyens n’ont « rien à craindre », contrairement aux pays ayant des contacts permanents avec le reste du monde.

Lui et ses amis ont les yeux rivés sur l’écran pour suivre un match qui se joue en Italie dans un stade vide. On entend clairement à la télévision l’écho des coups de sifflet de l’arbitre et les cris des entraîneurs, tranchant avec la brouhaha dans le café.

Les matchs du championnat italien ont été chamboulés cette semaine par l’épidémie de nouveau coronavirus, qui a conduit les autorités italiennes à imposer un huis clos généralisé, dans un pays parmi les plus touchés au monde qui vit désormais sous cloche.

« Nos voisins italiens sont privés du plaisir d’assister au match dans les stades et même dans les cafés et les places publiques alors que c’est du pur plaisir pour nous », lance Moayed avec le sourire.

– Zéro cas –

Son voisin, Diya Abdel Karim, estime qu’il est plus « sensé » de gérer cette épidémie avec décontraction pour éviter la vague de panique qui règne dans les pays touchés.

« Il vaut mieux ne pas susciter la peur et la panique chez les gens pour que les autorités puissent appliquer des mesures sanitaires préventives sans pression », estime ce dentiste, soulignant toutefois qu' »il faut être vigilant ».

Jusqu’ici, les autorités libyennes affirment qu’aucun cas de contamination n’a été recensé, ce qui n’écarte pas l’existence de cas isolés non contrôlés, dans un pays en proie au chaos depuis des années.

« Grâce à Dieu, nous n’avons enregistré aucun cas », confirme à l’AFP Badreddine al-Najjar, président du Centre national de lutte contre les maladies (CNLM).

Le CNLM, une entité gouvernementale basée à Tripoli, prévoit toutefois des mesures préventives face à d’éventuelles contaminations provenant notamment des pays mitoyens de la Libye ayant enregistrés des cas de Covid-19.

« Le virus entoure la Libye de tous les côtés. (…) Il est nécessaire de surveiller ce danger transfrontalier », même si les déplacements vers et depuis la Libye sont limités, ajoute M. Najjar.

Tunisie, Algérie et Egypte ont annoncé cette semaine des cas de Covid-19, « mais on ne peut pas encore parler d’épidémie », souligne-t-il.

Quoi qu’il en soit, les autorités sanitaires se préparent, selon M. Najjar: « Dès la semaine prochaine, les cellules de quarantaine et d’isolement seront prêtes ».

– Rupture de stock –

Exemple de l’isolement de la Libye du reste du monde du fait des conflits armés et des violences qui secouent le pays depuis la chute en 2011 de Mouammar Kadhafi, aucun avion civil ne se pose actuellement dans la capitale.

Pour se rendre d’Europe à Tripoli, il faut aller à Tunis ou à Istanbul, puis prendre un vol pour Misrata et enchaîner sur un trajet de 200 km en voiture jusqu’à Tripoli, si les conditions de sécurité le permettent. Une autre option est une journée en voiture de Tunis jusqu’au poste-frontière Ras Jédir, avant d’enchaîner sur un trajet ardu de 150 km jusqu’à la capitale, durant lequel le coronavirus n’est pas la principale source d’insécurité.

Fin 2019, un journaliste de l’AFP a mis plus d’une semaine avant de pouvoir rejoindre Tripoli depuis une capitale européenne.

Mais certains Libyens craignent néanmoins de ne pas être à l’abri d’une contamination dont les effets seraient alors catastrophiques dans un pays où la guerre a tué des centaines de personnes et déplacé plus de 150.000 autres.

Alors ils prennent des précautions.

Cela a déjà entraîné des ruptures de stocks dans les pharmacies et les supermarchés pour certains produits.

« Les importations de gel hydroalcoolique, de masques et de gants ont nettement augmenté », précise à l’AFP Mounir el-Hazel, directeur d’une société d’importation de matériel médical.

« Commerçants, pharmaciens et particuliers, (…) se préparent à d’éventuelles pénuries », explique-t-il.

Et certains en profitent. Selon cet homme d’affaires, les prix de certains produits ont été multipliés par trois, voire six, par rapport au mois de décembre.

Pour les Angolaises, la double peine du changement climatique

C’était la corvée qu’elle redoutait le plus. Chaque fois que sa mère lui ordonnait de chercher de l’eau pour arroser les récoltes familiales, là-haut dans les montagnes du sud de l’Angola, Tehandjila Quessale se raidissait imperceptiblement.

Quitter l’école. Trois heures de marche. Se glisser dans la file d’attente au point d’eau. Et puis attendre pour remplir son seau, souvent jusqu’à la nuit. Une épreuve.

Et pour Tehandjila, 16 ans, le plus dur restait encore à faire. Regagner son hameau des alentours de Lubango, la capitale de la province de Huila. « J’avais peur des attaques de garçons », se souvient l’adolescente. Au moins deux filles qu’elle connaît ont été violées au retour du puits.

Comme si la sécheresse qui fissure la terre et la faim qui serre les estomacs ne suffisaient pas, les femmes de la province de Huila vivent aussi dans la peur de l’agression.

Ces dernières semaines, les pluies torrentielles qui ont lessivé la campagne des alentours lui ont apporté un peu de répit. Tehandjila peut désormais trouver de l’eau à une source toute proche de la petite maison de pierres qu’elle partage avec sa mère et ses six frères et sœurs.

Mais la pluie a aussi détruit la récolte de la famille et fait ressurgir le spectre de la famine.

Elle menace aujourd’hui 45 millions de personnes dans toute l’Afrique australe, selon les dernières évaluations de l’ONU.

Dans la province de Huila, les égarements de la météo ont poussé la plupart des hommes hors de leurs villages pour aller chercher du travail à Lubango. Et laissé aux femmes la lourde responsabilité de nourrir les enfants.

« Le changement climatique a un impact considérable sur la vie des femmes », résume Florbela Fernandes, du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).

– Hommes absents –

L’ONU estime qu’elles constituent jusqu’à 80% des bataillons des déplacés par le réchauffement de la planète.

« A chaque crise, on constate que les groupes déjà les plus vulnérables sont ceux qui souffrent le plus », poursuit la représentante du FNUAP en Angola, « ces situations les exposent encore plus à la violence et aux abus ».

Les ONG opérant dans la province de Huila ont recensé plusieurs cas de femmes ou jeunes filles contraintes à des relations sexuelles en échange d’argent ou de nourriture.

Les pressions de l’environnement ne sont pas seules en cause. « C’est aussi une question de culture », estime Florbela Fernandes, « dans la plupart des pays africains, ce sont les filles et les femmes qui assument l’essentiel du travail à la maison ».

Le père de Tehandjila a trouvé un emploi de gardien à Lubango, mais il n’en fait guère profiter sa famille.

« Quand il revient à la maison, il est confronté à la faim. Alors il fait ce qu’il veut et moi, je me débrouille », lâche son épouse Mousaka Fernanda, 47 ans, en désherbant, les pieds dans la boue, son petit lopin de maïs.

« Les enfants ne demandent rien à leur père », ajoute-t-elle, « c’est à leur mère qu’ils réclament de quoi manger ».

Et ce n’est pas une mince affaire. Depuis des années que la sécheresse frappe la région, Mousaka Fernanda s’en sort en troquant son « macau », une liqueur locale qu’elle fabrique avec du sorgho, contre un peu de nourriture. Un gros kilo de maïs pour deux coupes de « macau ».

De quoi calmer la faim de la famille quelques jours seulement.

– Bouches à nourrir –

Alors quand sa fille aînée, Domingas, a appris qu’elle était enceinte, sa mère l’a pressée d’épouser le père de son enfant pour aller vivre avec lui.

« Ma mère ne voulait pas d’une bouche en plus à nourrir », explique la jeune femme de 19 ans, « moi j’étais contre ».

Le compagnon de Domingas Quessala a depuis quitté le foyer pour prendre un emploi dans la fabrique de jus de fruits de la ville voisine de Humpata. Désormais seule, la jeune maman confie elle aussi subir le harcèlement et les « agressions » des garçons pendant ses corvées d’eau.

« Les filles sont les premières victimes des séparations familiales », constate Anaina Lourenço, de l’ONG World Vision International. « Elles finissent par être obligées d’aider leurs mères et, très souvent, arrêtent leurs études ».

Dans un petit village de l’autre côté de la vallée, Cristina Canaino, 14 ans, a ainsi déserté les bancs de son école en 2018, lorsque son père a quitté sa famille de cinq enfants.

« Il est parti à la ville chercher du travail à cause de la sécheresse », raconte son épouse Ceu Jacinta, 32 ans, « on ne l’a pas revu depuis ». Elle n’a eu d’autre choix que de faire travailler sa fille Cristina dans un champ pour une poignée de kwanzas.

Ici aussi, les pluies ont récemment détruit une partie des récoltes de la famille et le ciel ne semble pas vouloir s’éclaircir. « S’il continue à pleuvoir, on ne pourra même pas ramasser un peu de maïs », redoute Ceu Jacinta.

Comble d’infortune, l’humidité a fait s’écrouler le toit de chaume de leur hutte. « Si mon mari était resté là », se lamente la cheffe de famille, « je ne pense pas que tout ça serait arrivé ».

Israël: Gantz va être placé sous protection rapprochée après des menaces

Benny Gantz, le principal rival du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, va être placé sous protection rapprochée de l’Etat à la suite de menaces sur internet, a annoncé le Shin Beth, le service de sécurité intérieure.

« Le Premier ministre a approuvé la recommandation du Shin Beth d’assurer une protection rapprochée de M. Gantz », a indiqué mardi le service de sécurité.

Cette décision doit encore être entérinée par une commission sécuritaire indépendante.

La protection de M. Gantz, chef du parti centriste « Bleu-Blanc », est jusque-là assurée par le service de sécurité du Parlement et avait déjà été renforcée après qu’il eut été insulté et menacé pour avoir dit vouloir former un gouvernement avec le soutien des partis arabes israéliens.

M. Gantz a relayé samedi sur Twitter un message disant qu’il devait « être assassiné comme Rabin », en référence à l’assassinat du Premier ministre travailliste Yitzhak Rabin en 1995 par un extrémiste juif, après une campagne haineuse contre lui d’une partie de la droite israélienne, alors menée par M. Netanyahu.

Benjamin « Netanyahu, arrête cette incitation à la violence, ne dis pas que tu n’étais pas au courant » des menaces en ligne, a commenté M. Gantz sur Twitter.

En Israël, seules sept personnes, dont le chef de l’opposition, reçoivent automatiquement la protection du Shin Beth.

M. Gantz, dont le parti est arrivé deuxième aux législatives du 2 mars après le Likoud (droite) de M. Netanyahu, n’est pas chef de l’opposition car ce titre ne peut être attribué qu’après la formation d’un gouvernement.

Or, Israël est dirigé par un gouvernement de transition depuis plus d’un an, deux précédents scrutins n’ayant pas abouti à la formation d’un cabinet.

MM. Gantz et Netanyahu mènent actuellement des tractations pour tenter de rallier des députés à leurs blocs car ni l’un ni l’autre n’est parvenu à obtenir l’appui de 61 parlementaires, seuil requis pour la formation d’un gouvernement.

« Tout maintenant est mort ici »: la frustration des habitants à la frontière gréco-turque

Dans son champ d’abricotiers en fleurs, à quelques encablures de la frontière gréco-turque, Dimitris Boudikas se désole de la fermeture du poste frontalier de Kastanies, qui a mis un terme aux va-et-vient constants avec Edirne, attraction locale en Turquie voisine.

« C’est la première fois depuis des décennies que Kastanies ferme. Je crains que ça dure des mois », déplore ce septuagénaire, qui souligne « l’amitié » entre Edirne et Kastanies, à 7 km l’une de l’autre, de part et d’autre de la frontière.

Pour faire pression sur l’Europe dans le conflit en Syrie, la Turquie a décidé fin février d’ouvrir ses portes au passage des migrants, malgré la déclaration de 2016 entre Ankara et Bruxelles, qui avait endigué les flux migratoires.

Première victime de la politique d’Ankara, le village de Kastanies, dont le poste frontière (Pazarkule côté turc) a fermé, théâtre récemment d’incidents violents impliquant les forces policières turques et grecques ainsi que les milliers de migrants piégés.

A 500 mètres du verger de Dimitris Boudikas, la clôture et les barbelés du poste-frontière. A l’horizon, on aperçoit le minaret de la mosquée de la ville d’Edirne (Adrianoupolis en grec), qui attire habituellement des centaines de Grecs frontaliers avides de ses produits bon marché.

« Nous avions l’habitude d’y aller tout le temps, il y a un grand marché, j’avais des collègues jardiniers turcs, c’était notre quotidien », raconte Apostolos Lymperidis, qui tient une pépinière, en face de la ferme de Boudikas.

Sur la place du village de Kastanies, Mary Rossi, propriétaire d’un café, les yeux rivés sur le téléviseur, suit les nouvelles.

« La situation est grave, je ne crois pas que le problème va se régler rapidement », estime celle qui répond aux nombreux médias locaux et étrangers venus couvrir les incidents à la frontière.

Les Turcs d’Edirne « venaient ici pour boire ou manger, nous avions l’habitude d’aller souvent en face pour faire des courses, maintenant que la douane est fermée, tout est mort ici », déplore-t-elle.

Une théière orientale en bronze orne le comptoir de son café, « le cadeau d’une femme turque venue récemment visiter Kastanies avec sa famille », explique-t-elle.

– Cible « facile » –

A l’extrémité du nord-ouest de la Grèce, Kastanies, qui compte 600 habitants, reste l’un des villages les plus isolés du département frontalier d’Evros, bordé par le fleuve éponyme.

Du côté grec, seul centre urbain à attirer les villageois, la ville d’Orestiada de 18.000 habitants se trouve à 18 km.

Plus au sud, Kipi, le second poste frontalier entre la Grèce et la Turquie, est pourtant resté ouvert depuis le début de la crise. Pour Athènes, les migrants étaient « poussés » vers Kastanies par la Turquie.

Pour Dimitris Boudikas, c’était plus « facile pour la Turquie d’inciter les migrants à venir aux portes de Kastanies », car la fermeture de Kipi ou du poste-frontière turc avec la Bulgarie, « passages habituels des camions routiers, aurait causé l’écroulement du commerce turc » avec l’Europe.

Compte tenu des bonnes relations entre Ankara et Sofia, la Grèce, qui a des relations historiquement délicates avec la Turquie voisine, apparaît pour beaucoup comme une cible facile pour Ankara pour faire pression sur Bruxelles.

Il y a toujours eu des groupes de migrants qui traversaient la frontière et n’étaient que « de passage de Kastanies, à destination de Thessalonique (métropole du nord de la Grèce) puis d’Athènes pour aller ensuite en France ou en Allemagne », raconte Mary Rossi.

Dimitris Boudikas se rappelle d’une dizaine de personnes noyées dans le fleuve Evros il y a quelques années « en tentant de le traverser ».

Mais maintenant, la situation « est plus dangereuse », renchérit Mary Rossi. « On dit qu’il y a des milliers de migrants qui attendent de passer et on ne peut pas y faire face ».

Mais la commerçante dit se sentir « en sécurité »: « Heureusement, il y a plein de policiers et de militaires envoyés pour sécuriser les frontières ».

Italie: l’Eglise aussi se met à l’heure du coronavirus

Des fidèles privés de messes, un pape qui s’exprime par vidéo, funérailles et mariages interdits: les catholiques se sont mis à l’heure du coronavirus en Italie, où tout type de rassemblement est désormais prohibé.

Pour montrer concrètement la solidarité de l’Eglise, le pape François a demandé mardi aux prêtres « d’avoir le courage de sortir et d’aller visiter les malades », « d’accompagner le personnel médical et les bénévoles » dans un pays où l’épidémie a déjà tué 631 personnes, selon le dernier bilan mercredi soir.

Le gouvernement italien a inclus la messe, les mariages et les funérailles parmi les rassemblements interdits, une mesure « fortement restrictive dont l’acceptation entraîne la souffrance et des difficultés » pour les prêtres et les fidèles, a regretté sur son site la Conférence épiscopale italienne.

La décision est particulièrement symbolique en Italie, dont une immense majorité de la population se dit catholique.

A en croire le panonceau sur la porte de la cathédrale Sant’Andrea à Portogruaro, en Vénétie (nord-est), les interdits sont respectés. Faute de messe proprement dite jusqu’au 3 avril, les fidèles sont appelés « à consacrer un temps raisonnable à la prière et la méditation » en suivant les offices retransmis à la télévision et à la radio.

Les inhumations des défunts ne s’arrêteront pas, les prêtres continueront d’assurer « la bénédiction du corps dans le cimetière », mais « dans la plus stricte intimité » et « sans célébration de messe ou autre liturgie », peut-on lire.

Pour avoir bravé l’interdiction et suivi un cortège funéraire dans une petite ville, une cinquantaine de Siciliens ont reçu des amendes et vont faire l’objet de poursuites.

A Sant’Andrea à Portogruaro, le bénitier a été vidé afin d’éviter toute contagion entre fidèles qui continueraient de s’en humecter le doigt pour faire le signe de croix.

– « On prie seul » –

Pourtant, à l’intérieur sont présents une dizaine de fidèles, dont un homme portant un masque, venus écouter la voix du père Giuseppe Grillo sortant des haut-parleurs alors que le prêtre célèbre la messe depuis la sacristie. A la fin, un autre prêtre donne même la communion, en évitant soigneusement de placer l’hostie directement dans la bouche des fidèles.

« Il faut éviter les rassemblements. Mais la cathédrale est assez grande pour que nous puissions célébrer ce type de messes en garantissant que les personnes soient séparées d’au moins un mètre », explique le père Grillo. « Nous célébrons une messe par jour, à l’intérieur de la sacristie, rien d’autre, pas même les funérailles. J’ai annulé trois baptêmes. Les mariages ce sera en mai, en fonction de la situation ».

Une fidèle, Beatrice Francescato, témoigne: « Pour être honnête, en ce moment, on oublierait presque de prier. Pas de messe le dimanche, pas de cérémonies dans la semaine. On prie seul à la maison. C’est une situation très désagréable. »

« Nous continuons de prier la Vierge Marie, en espérant qu’elle nous aidera parce que le monde traverse un moment difficile », confie une autre paroissienne, Mariagrazia Mazzarotto.

Mercredi, le pape tiendra sa traditionnelle audience hebdomadaire, mais par vidéo diffusée sur internet, depuis sa bibliothèque, et sa « papamobile » restera au garage.

Les fidèles catholiques pourront entrer dans la basilique Saint-Pierre pour prier, mais les touristes et leurs guides trouveront portes closes, jusqu’au 3 avril, « afin d’éviter la diffusion du coronavirus », a expliqué le Saint-Siège.

Le Vatican a également annoncé la fermeture de sa cantine réservée aux employés locaux, instaurant à la place un service de livraison des plats aux différentes institutions affectées par cette mesure.

Comment le coronavirus a mis à genoux l’économie mondiale

De l’apparition d’un virus inconnu en Chine à un « lundi noir » qui a vu les marchés chuter comme jamais depuis fin 2008: en deux mois, l’épidémie de Covid-19 a mis à genoux l’économie mondiale.

Wuhan, Chine, décembre 2019: plusieurs cas d’une pneumonie virale nouvelle sont détectés dans cette métropole industrielle de 11 millions d’habitants. La maladie se propage et le 9 janvier, les autorités chinoises attribuent ces cas à un nouveau type de coronavirus. Un premier mort est comptabilisé deux jours plus tard.

L’épidémie contamine plusieurs pays asiatiques et peu à peu d’autres continents, avec à ce jour plus de 115.000 cas d’infection recensés, dont plus de 4.000 morts.

La Chine décide fin janvier de mettre Wuhan en quarantaine et interdit aux centaines d’usines qui s’y trouvent de rouvrir immédiatement après les congés du Nouvel an chinois.

Les secteurs du tourisme et des transports sont les premiers à s’inquiéter de cette épidémie qui va assécher la clientèle chinoise, quand de nombreux Etats restreignent les arrivées de ressortissants en provenance du géant asiatique.

Fin janvier, de Shanghai à Wall Street, les marchés connaissent de premiers à-coups. Les prix des matières premières, dont l’industrie chinoise est gourmande, s’affaissent. Entre la mi-janvier et début février, les cours de l’or noir plongent d’environ 20%. Et ce n’est qu’un début.

– Grain de sable –

Le monde découvre le rôle de Wuhan, « hub » logistique et industriel pour de nombreux groupes internationaux… et réalise qu’un accroc dans une usine chinoise peut provoquer des perturbations en chaîne pour une myriade d’entreprises dans le monde.

En Allemagne, en Corée du Sud, au Japon, en Italie, en France, aux Etats-Unis, partout des industriels font part de difficultés à s’approvisionner en pièces et composants habituellement produits par des partenaires chinois.

Le constructeur français Renault doit fermer provisoirement une usine en Corée du Sud. Le géant américain Apple gère l’arrêt de la production de fournisseurs.

Les économistes parlent de « choc d’offre ». Et compte tenu de la place de la Chine dans les échanges mondiaux, il est massif. Les dirigeants de la planète prennent la mesure du risque: que ce choc entraîne des défaillances d’entreprises et un ralentissement d’une économie déjà affaiblie par les tensions commerciales entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe.

« Le Covid-19, une urgence sanitaire mondiale, a perturbé l’activité économique en Chine et pourrait mettre en péril la reprise » mondiale, alerte le 23 février la directrice du Fonds monétaire international (FMI) Kristalina Georgieva, lors du G20 Finances à Ryad.

– Branle-bas –

De nombreuses multinationales préviennent que la crise sanitaire aura un impact sur leurs résultats. Les marchés boursiers commencent à s’affoler. La dernière semaine de février est une débandade: en Europe et aux Etats-Unis, les indices perdent plus de 12%, du jamais-vu depuis la crise de 2008-2009, quand l’économie mondiale était entrée en récession.

Récession: le risque commence à pénétrer les esprits. L’heure est au branle-bas de combat. Le 3 mars, la banque centrale américaine (Fed) surprend en baissant ses taux directeurs. La Chine arrose son économie de liquidités, tandis que l’Italie, l’Allemagne ou la France tentent de soutenir leurs entreprises.

L’inquiétude est que le choc « d’offre » ne se double d’un choc mondial « de demande », d’une chute de la consommation et des investissements si l’épidémie conduit d’autres pays, à l’image de l’Italie, à prendre des mesures drastiques de confinement.

Dans un premier temps, c’est plutôt une ruée que connaissent les supermarchés de Los Angeles ou de Sydney, où les produits de bases sont dévalisés. « C’est la pagaille (…) Aujourd’hui, c’est incontrôlable. (…) Nous n’avons plus de papier toilette, presque plus d’eau, et plus de gel pour les mains », raconte le 7 mars l’employé d’un supermarché Costco à Burbank (Californie).

Les avions se vident ou restent au sol au fur et à mesure que les compagnies interrompent certaines liaisons. L’épidémie de Covid-19 pourrait coûter plus de 100 milliards de dollars au transport aérien, s’alarme le 5 mars l’Association internationale du transport aérien (Iata).

– Krach pétrolier –

L’un des chocs les plus durs vient du pétrole. L’Opep et la Russie échouent le 6 mars à Vienne à s’accorder sur une baisse de leur production pour stabiliser les cours. Piquée au vif, l’Arabie saoudite lance une guerre des prix. Les cours frôlent les 30 dollars lundi, après une chute inédite depuis la première guerre du Golfe en 1991.

Puis les marchés boursiers s’effondrent, à l’image du CAC 40 parisien qui décroche de plus de 8% lundi, du jamais vu depuis 2008. En quelques heures, des milliards d’euros se volatilisent.

Au moment où la dette des entreprises, dont une partie de piètre qualité, atteint des niveaux records, certains craignent que cette chute des marchés ne fragilise les banques et les grands fonds d’investissement.

Gita Gopinath, économiste en chef du Fonds monétaire international, résume l’enjeu: « empêcher qu’une crise temporaire ne nuise de façon irrémédiable à des personnes et des entreprises en raison de pertes d’emplois et de faillites », grâce à une réponse vigoureuse et coordonnée des gouvernements et des banques centrales.

En 2008-2009, le G20 avait pris les rênes d’une telle réponse, au point d’être qualifié de « gouvernement économique mondial ». Onze ans plus tard, la guerre commerciale, le Brexit, la montée du populisme sont passés par là. Rien ne dit que le groupe des vingt premières économies mondiales, présidé cette année par l’Arabie Saoudite, voudra endosser à nouveau ce rôle.

Joe Biden, improbable archi-favori de la primaire démocrate

Raillé pour ses gaffes et les ratés de sa mémoire, Joe Biden semble pourtant sur le point de décrocher la victoire d’une carrière. Au soir d’une existence marquée par la tragédie, il peut incarner l’espoir des démocrates de faire tomber Donald Trump.

Il aura dû attendre ses 77 ans et sa troisième candidature aux primaires démocrates. Mais après des débuts de campagne difficiles et de premières humiliations dans les urnes, l’ancien vice-président de Barack Obama a signé l’un des retours les plus spectaculaires de l’histoire politique américaine.

Et semble bien parti pour défier le républicain Donald Trump en novembre.

« C’est plus qu’un +come-back+, selon moi », a affirmé Joe Biden après ses nouvelles victoires face à Bernie Sanders dans l’Etat clé du Michigan, ainsi que le Mississippi et le Missouri. « C’est un +come-back+ pour l’âme de la Nation », qu’il a promis de « restaurer » en battant le milliardaire après quatre ans d’âpres divisions.

D’un ton sobre, le candidat modéré, accompagné de son épouse Jill, a de nouveau dédié ses victoires « à tous ceux qui ont été mis à terre, ignorés, laissés pour compte ». Mais en tendant aussi la main, cette fois, à Bernie Sanders et ses partisans.

– Soutien d’ex-candidats –

Se présentant en rassembleur, Joe Biden martèle sans relâche depuis son entrée en lice, en avril 2019, qu’il battra « Donald Trump à plate couture ».

Sauf que ses deux premières cuisantes défaites aux primaires avaient profondément ébranlé ce message de « vainqueur » potentiel, tandis que le sénateur Bernie Sanders, bien plus à gauche, le doublait en position de favori.

Les moqueries sur sa forme et ses dérapages embarrassants –comme lorsqu’il se déclarait candidat « au Sénat »– avaient alors pris un écho décuplé, reprises notamment sur Twitter par Donald Trump, qui le surnomme à l’envi « Joe l’endormi ».

Choix de la raison ou option passionnée: après son retour fracassant opéré en Caroline du Sud, le 29 février, puis son avalanche de victoires lors du « Super Tuesday », le septuagénaire a finalement pris une avance déterminante mardi face au socialiste autoproclamé Bernie Sanders.

Fort du ralliement de nombreux ex-candidats modérés, il a démontré qu’il pouvait aussi bien convaincre les électeurs démocrates noirs que des ouvriers et des femmes. Trois groupes d’Américains qui ont joué un rôle clé dans la victoire de Donald Trump en 2016, certains en s’abstenant, d’autres en décidant de tourner le dos aux démocrates, se sentant ignorés.

– Encore des doutes –

Après plus de trente-cinq ans comme sénateur et huit ans comme bras droit de Barack Obama, Joe Biden devra encore répondre de nombreux chapitres de son épais bilan et faire taire les interrogations sur sa forme.

Il sera, sans doute, la cible des piques des républicains, qui l’accusent sans preuves, Donald Trump en tête, d’être « corrompu » et crient au conflit d’intérêt car son fils Hunter était entré au conseil d’administration d’une compagnie gazière ukrainienne lorsqu’il était vice-président.

C’est d’ailleurs parce qu’il avait demandé à Kiev d’enquêter sur ces liens que Donald Trump a fait l’objet d’une procédure de destitution, les démocrates l’accusant d’avoir utilisé son pouvoir pour salir son rival. Le président américain a été acquitté en février.

Le septuagénaire devra aussi faire face à des interrogations sur son approche « tactile ». S’il a assuré être « désolé d’avoir envahi » l’espace de femmes gênées par ses marques d’affection, il a aussi fermement défendu sa proximité avec les électeurs.

Et chez les stratèges démocrates, on s’inquiète de voir comment ce célèbre gaffeur, qui semble parfois perdre le fil de ses pensées, va pouvoir tenir la distance lors des débats contre Bernie Sanders et, peut-être, le tempétueux Donald Trump.

– Empathie –

Ses deux premières campagnes présidentielles, pour les scrutins de 1988 et 2008, avaient été rapidement avortées, entachées par des faux pas et des accusations de plagiat.

En 2007, il avait été accusé de racisme après avoir qualifié Barack Obama d' »intelligent » et « propre ». Joe Biden avait exprimé ses regrets, et, pas rancunier, le démocrate en avait fait son vice-président.

Une expérience devenue un atout de choix pour Joe Biden, l’ex-président restant extrêmement populaire chez les démocrates.

Son empathie, qui séduit des électeurs touchés par sa vie personnelle marquée par la tragédie, le sert aussi.

Un mois seulement après son élection au Sénat américain, à tout juste 30 ans, il avait perdu en 1972 sa femme Neilia et leur petite fille Naomi dans un accident de voiture.

Un nouveau drame l’avait frappé en 2015, quand son aîné Beau, devenu procureur général du Delaware, fut emporté par un cancer au cerveau.