avril 2020 - Page 9 sur 20 - Journal du niger

En Algérie, le tour de vis contre les médias en ligne

Les autorités algériennes viennent de censurer plusieurs médias en ligne, actifs dans la couverture du mouvement populaire antirégime, arguant notamment de financements étrangers illégaux, un tour de vis qui inquiète les défenseurs des libertés de la presse et d’expression.

« L’Algérie est le pays qui enregistre le plus de victimes en lien avec le coronavirus en Afrique et les autorités préfèrent s’acharner contre la presse libre », a déclaré à l’AFP Souhaieb Khayati, directeur de l’association Reporters sans frontières (RSF) pour l’Afrique du Nord.

Basé à Alger, le site d’information en ligne Interlignes, un média généraliste lancé en 2018, a indiqué dimanche soir être inaccessible, censuré par les autorités, selon son fondateur et directeur de publication Bouzid Ichalalene.

Il n’a pas été possible d’obtenir un commentaire du ministère algérien de la Communication.

Il s’agit du troisième média algérien à être la cible d’une mesure de censure par les autorités depuis le 10 avril après deux sites du groupe Interface Médias: Maghreb Emergent et Radio M, une radio web.

A plusieurs reprises en 2017 et 2019, un autre site en ligne, TSA (Tout sur l’Algérie), qui se présente comme le « premier média francophone algérien sur internet », ne pouvait être consulté en Algérie.

« Le pouvoir veut pousser les médias sérieux à la fermeture et laisser la médiocrité régner sur ce noble métier », a réagi le fondateur d’Interlignes auprès de l’AFP.

Son site avait été déjà censuré en juillet 2019 en raison de sa couverture des marches du « Hirak », le mouvement populaire antirégime qui a ébranlé le pouvoir pendant plus d’un an jusqu’à sa récente suspension en raison de la pandémie de Covid-19, rappelle Interlignes.

– Publicité en ligne –

Le ministre de la Communication, Ammar Belhimer, un ancien journaliste, a récemment accusé des médias nationaux –dont Radio M– de bénéficier de financements étrangers, ce qui est interdit par la loi.

Interrogé par l’AFP à ce sujet, M. Ichalalene a assuré qu’Interlignes tirait son financement à 100% de la publicité en ligne en Algérie.

Selon Saïd Salhi, le vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH), l’offensive contre les sites en ligne en particulier s’explique par le fait qu’ils sont « plus actifs » que les médias traditionnels et qu’ils ne sont « pas tributaires de la publicité de l’Anep (l’organisme étatique qui régit la publicité publique, NDLR) ».

M. Salhi souligne que ces médias sont « une presse qui échappe au contrôle de l’Etat avec ses relais autoritaires ». Aujourd’hui, ce dernier veut « reprendre le contrôle d’autant qu’il existe un vide juridique concernant le presse en ligne », juge-t-il.

– « Inquiétant » –

Parallèlement, dans le cadre d’une réforme du code pénal, le conseil des ministres a adopté dimanche un projet de loi qui prévoit de « criminaliser (…) notamment la diffusion de +fakenews+ » visant à « porter atteinte à l’ordre et à la sécurité publics », ainsi que « l’atteinte à la sûreté de l’Etat et à l’unité nationale ».

Mais RSF craint une « instrumentalisation » de cette nouvelle disposition « pour museler la presse ». « Les autorités rendent légal des agissements qui étaient jusque-là contraires à la Constitution algérienne », estime l’ONG.

Le projet de code pénal est « un autre tour de vis contre les libertés, avec pour dessein de légaliser la campagne de répression qui s’abat depuis des mois maintenant sur les militants du +Hirak+, les journalistes et les défenseurs des droits humains, déjà poursuivis et emprisonnés arbitrairement », abonde le vice-président de la LADDH, qui réclame le retrait du texte gouvernemental.

Au moins deux journalistes algériens sont actuellement derrière les barreaux: Khaled Drareni, journaliste indépendant et correspondant de RSF en Algérie, et Sofiane Merakchi, correspondant de la chaîne libanaise Al Mayadeen.

Pour Mahrez Bouaiche, enseignant en philosophie politique à l’université de Béjaïa (nord-est), les pratiques qui avaient cours sous le règne de l’ex-président déchu Abdelaziz Bouteflika (1999-2019) restent en vigueur.

« C’est inquiétant et cela démontre que nous ne sommes pas dans la nouvelle Algérie » promise par son successeur Abdelmadjid Tebboune, « au moment où le peuple demande plus de liberté et de respect des droits de l’Homme ».

M. Tebboune a été élu à la présidence en décembre dernier lors d’un scrutin rejeté par le « Hirak » et marqué par une abstention massive (plus de 60%).

Syrie: rencontre entre Bachar al-Assad et le chef de la diplomatie iranienne

Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, en visite à Damas, a rencontré lundi le président syrien Bachar al-Assad et d’autres hauts responsables pour discuter des développements dans la région à la lumière du nouveau coronavirus.

Il s’agit de la première rencontre officielle depuis avril 2019 entre les deux hommes, qui sont apparus avec un masque sur le visage et des gants pour M. Zarif, sur une photo publiée par la présidence syrienne.

L’Iran est, avec la Russie, un des principaux alliés de Damas dans la guerre qui déchire le pays depuis 2011 et qui a tué plus de 380.000 personnes.

M. Assad a présenté « ses condoléances à l’Iran et au peuple iranien » pour les milliers de personnes mortes des suites du Covid-19.

La République islamique affirme avoir recensé 83.505 cas, dont 5.209 décès, tandis que la Syrie a officiellement enregistré 39 cas, dont trois décès.

Le chef de l’Etat syrien a aussi dénoncé le maintien par les Etats-Unis des sanctions économiques contre la Syrie et l’Iran « malgré des conditions humanitaires exceptionnelles », selon un communiqué de la présidence publié sur les réseaux sociaux.

M. Zarif a lui fustigé les « sanctions cruelles » de Washington qui touchent les pays « luttant contre cette maladie », selon un communiqué de Téhéran.

M. Assad a enfin dénoncé les « empiètements continus de la Turquie sur la souveraineté et le territoire » syriens dans le nord du pays, où Ankara est engagé militairement depuis des années au côté de supplétifs syriens.

Plus tôt lundi, le chef de la diplomatie iranienne a rencontré son homologue syrien Walid Mouallem, selon un communiqué du ministère syrien des Affaires étrangères.

Les deux responsables ont souligné « l’importance d’une coordination continue » pour « renforcer la capacité des deux pays à faire face à l’épidémie », mais également pour « garantir les besoins nécessaires en matière de prévention, de diagnostic et de traitement », selon le communiqué.

Retrouvailles aux bacs à sable: la Norvège rouvre ses établissements pour les plus petits

Les rires remplissent de nouveau l’aire de jeux muette depuis cinq semaines. Malgré des réticences, la Norvège a commencé à rouvrir ses établissements pour les plus petits lundi, un timide semblant de retour à la normale face à l’épidémie de nouveau coronavirus.

Chaudement emmitouflés sous un soleil printanier trompeur, les bambins sont arrivés en bon ordre, et à l’horaire convenu d’avance, au portail d’Espira Grefsen Stasjon, un bâtiment moderne qui accueille quelque 150 enfants de 1 à 6 ans dans le nord d’Oslo.

Certains piaffent d’impatience, faisant de grands signes à leurs copains qui s’affairent déjà dans le bac à sable, d’autres s’agrippent un peu plus longuement à la main de leurs parents.

Dans la cour, des membres du personnel, nombreux, en chasubles jaune fluo, accueillent les enfants, l’entrée des bâtiments étant désormais interdite au public pour limiter les risques de contamination. Aucun masque à l’horizon.

« Il était si impatient qu’on a dû quitter la maison plus tôt pour venir ici et voir les autres enfants », raconte Silje Skifjell au sujet de son aîné, après avoir confié ses deux garçons, Isaak et Kasper, au personnel. « J’en ai presque pleuré. Il était tellement heureux de revoir ses copains ».

Avec l’Autriche, le Danemark et l’Allemagne, la Norvège est l’un des premiers pays européens à alléger ses restrictions, décrétées le 12 mars pour tenter d’enrayer la propagation du nouveau coronavirus.

Mission, semble-t-il, accomplie puisque l’épidémie est désormais jugée sous contrôle sur le sol norvégien. Lundi, 7.113 cas et 154 décès avaient été officiellement recensés pour une population de 5,4 millions d’habitants. Mais le nombre de nouvelles hospitalisations est nettement retombé ces derniers jours.

Sans oser crier victoire, le pays a enclenché un processus lent et progressif de normalisation. Après les « barnehager » – établissements qui englobent crèches et école maternelle en Norvège – cette semaine, ce seront les classes pour les 6-10 ans qui rouvriront leurs portes lundi prochain.

– ‘Roulette russe’ –

Cependant, malgré la confiance quasi-aveugle généralement accordée aux autorités en Scandinavie, tout le monde n’est pas convaincu.

Comme au Danemark qui a rouvert mercredi ses crèches, écoles maternelles et primaires, certains parents norvégiens ont lancé sur Facebook une campagne « Mon enfant ne doit pas être un lapin de laboratoire pour le Covid-19 », et une pétition en ligne a recueilli près de 30.000 signatures.

Selon un sondage publié par la télévision publique NRK ce week-end, 24% des parents ne souhaitent pas à ce stade renvoyer leurs enfants au « barnehage » et 13% se disent incertains.

« Roulette russe », « pari avec la vie des enfants »… Sur les réseaux sociaux, les mots sont parfois durs. « Je n’enverrai pas ma fille à la crèche avant d’être rassuré à 110% », affirme un père inquiet sur Facebook.

A Espira Grefsen Stasjon, les consignes des autorités sont soigneusement respectées. Les plus jeunes enfants, jusqu’à trois ans, sont rassemblés en groupes – des « cohortes » – de trois sous la responsabilité d’un adulte et les plus âgés, jusqu’à six ans, en groupes de six. Interdiction de se mélanger avec les autres.

Sur la gigantesque aire de jeux, un employé en gants de caoutchouc bleu désinfecte régulièrement les poignées de balançoires et toboggans.

« On a désinfecté la crèche et tout est extrêmement propre », assure la directrice, Tone Mila, elle aussi à l’accueil pour répondre, si besoin, aux questions des parents. « Maintenant, notre tâche la plus importante, c’est l’hygiène ».

Si cette réouverture est officiellement justifiée par des considérations sanitaires – les enfants paraissent largement épargnés par le nouveau Covid-19 -, elle a aussi l’avantage de faciliter le retour au travail des adultes qui, pendant plus d’un mois, ont dû plus qu’à l’ordinaire jongler entre activités professionnelles et responsabilités parentales.

« Ca a été un défi », témoigne Olav Kneppen après avoir confié son fils Oliver, 4 ans, au personnel d’Espira Grefsen Stasjon. « Ca a été plaisant de passer plus de temps que d’habitude avec lui mais, niveau boulot, ça a été un peu frustrant parce que je n’ai pas pu faire tout ce que je devais ».

Des appréhensions avant de confier de nouveau son fils à la collectivité? « A la maison, nous suivons les recommandations des autorités sanitaires. Alors, si elles recommandent ça, nous sommes confiants que c’est relativement sûr », dit-il. « Evidemment, on n’est pas en sécurité à 100% mais je suis d’accord pour dire que le moment était venu de le faire ».

Espagne: la pandémie fait moins de 400 morts en 24 heures

Le bilan quotidien du nouveau coronavirus en Espagne est passé lundi sous la barre des 400 morts, s’établissant à 399, pour la première fois en quatre semaines, a annoncé lundi le ministère de la Santé.

Au total, 20.852 personnes ont succombé à la maladie dans le troisième pays le plus endeuillé par la pandémie après les États-Unis et l’Italie.

Le nombre de cas détectés a dépassé les 200.000, à 200.210, alors que l’Espagne multiplie les tests: plus de 40.000 par jour selon le ministre de la Santé, Salvador Illa.

Autre donnée positive, le nombre de malades guéris qui s’élève à 80.587 lundi, soit 40% des cas confirmés.

– « Chiffres très encourageants » –

« Ce sont des chiffres très encourageants », a estimé le directeur du Centre d’urgences sanitaires, Fernando Simon, qui a toutefois rappelé que « les fins de semaines il y a toujours un retard de notification » qui se rattrape le mardi.

Le funeste bilan avait déjà été ramené à 410 morts dimanche et les autorités sanitaires espèrent avoir franchi le pic de la pandémie le 2 avril lorsqu’elles avaient enregistré 950 morts.

La baisse du nombre d’hospitalisations et des admissions en soins intensifs a soulagé le système de santé, débordé pendant des semaines.

Un grand hôpital temporaire installé dans les halles de la foire commerciale de Madrid a fermé en fin de semaine un des deux pavillons qu’il occupait.

Une morgue improvisée dans une patinoire toute proche doit fermer mercredi, a annoncé la région de Madrid, la plus touchée du pays avec plus de 7.000 morts.

– Recul du PIB –

Mais les inquiétudes grandissent sur le plan économique. La Banque d’Espagne a annoncé lundi tabler sur un recul de 6,6% à 13,6% du Produit intérieur brut (PIB) en 2020 dans la quatrième économie de la zone euro, en raison de la pandémie.

Cette chute sera « sans précédent dans l’histoire récente », même si son ampleur est soumise à « beaucoup d’incertitude » liée notamment à la durée finale du confinement, explique la banque centrale dans un communiqué.

Près de 3,9 millions d’Espagnols sont actuellement au chômage partiel, selon Madrid.

Les Espagnols entrent ainsi dans leur sixième semaine d’un des confinements les plus stricts d’Europe. Ils ne peuvent sortir que pour leurs achats essentiels, aller travailler ou sortir brièvement leur chien, mais pas leurs enfants.

Les enfants seront cependant autorisés à sortir pour la première fois pour prendre l’air à partir du 27 avril, dans des conditions qui restent à préciser.

Covid: la Tanzanie s’en remet à Dieu et refuse de sacrifier son économie

Le président tanzanien, John Magufuli, a appelé ses concitoyens à se tourner vers Dieu et à continuer de faire marcher la machine économique mais, à mesure que les cas de coronavirus se multiplient, les appels à prendre des mesures plus strictes se font plus pressants.

Tandis que de nombreux pays africains ont placé tout ou partie de leur territoire en confinement, ou imposé des couvre-feux, la Tanzanie n’a pas choisi cette voie. Le système scolaire est bien fermé, mais les gares routières et les marchés sont toujours noirs de de monde.

M. Magufuli, surnommé le bulldozer (« tingatinga » en swahili), fait partie d’une poignée de dirigeants dans le monde qui doutent encore de la dangerosité de la pandémie de Covid-19, à tout le moins en public.

« C’est l’heure de consolider notre foi et de continuer à prier Dieu, plutôt que de dépendre de masques sur le visage. N’arrêtez pas d’aller dans les églises et les mosquées pour prier », avait-il déclaré le mois dernier dans une église de la capitale politique tanzanienne, Dodoma.

« Je suis sûr que c’est juste le vent qui tourne et que (le virus) disparaîtra comme d’autres avant lui ont disparu », avait-il ajouté.

Lors du Vendredi Saint, le 10 avril, il a tenu des propos similaires, expliquant que Dieu protègerait les Tanzaniens du virus.

Le pays d’Afrique de l’Est de près de 60 millions d’habitants a déclaré son premier cas de coronavirus le 16 mars, et le nombre de personnes infectées est passé en une semaine de 32 à 147 cas et cinq morts lundi.

« Je suis mécontent du manque de sérieux du gouvernement, du manque de transparence sur le nombre de cas et de décès, et du déni du président par rapport à l’épidémie », a déclaré à l’AFP Zitto Kabwe, qui dirige l’un des partis d’opposition en Tanzanie, l’Alliance pour le changement et la transparence (ACT).

– ‘Dieu nous protègera’ –

M. Kabwe plaide pour la mise en place d’un confinement de la capitale économique Dar es Salaam et des villes d’Arusha (nord), Mwanza (nord-ouest) et Dodoma (centre), ainsi que pour un confinement total de l’archipel touristique de Zanzibar.

Mais le président Magufuli n’est pas de son avis, lui qui a certes appelé les Tanzaniens à éviter les « rassemblements non nécessaires » mais qui les encourage dans le même temps à continuer à travailler normalement.

« Continuons de travailler dur pour construire notre nation. Le coronavirus n’est pas et ne devrait pas être une raison pour arrêter le travail. Les agriculteurs doivent mettre à profit les pluies actuelles, le secteur industriel doit continuer à produire et je ne vois pas les projets de développement s’arrêter », a-t-il déclaré.

« En fait, le coronavirus ne devrait en aucun cas être une raison pour détruire notre économie », a-t-il martelé.

L’économie du pays a déjà durement été affectée par la pandémie, le flux de touristes venus visiter les parc nationaux ou profiter des plages s’étant complètement tari. Le secteur est le premier pourvoyeur de devises étrangères pour le pays.

Dans les rues de Dar es Salaam, les habitants disent craindre le virus et faire ce qu’ils peuvent pour l’éviter pendant qu’ils continuent de gagner leur pain quotidien.

Hemedi Masoud, conducteur de moto-taxi, s’arrange pour que ses clients « se lavent les mains avant de monter sur la moto ». « Le problème, ajoute-t-il, c’est que je n’ai qu’un casque que mes clients doivent partager ».

Lui et ses collègues attendent le chaland dans un lieu très fréquenté, au milieu des vendeurs de rue.

« J’ai vraiment peur du coronavirus et c’est risqué (d’être) ici mais je ne peux pas faire autrement que de venir. Ma famille a besoin de manger et c’est ici que je gagne ma vie ».

Le gouvernement a interdit aux bus de prendre plus de passagers que leur nombre de sièges, mais cela a entraîné plus de files d’attente aux arrêts de bus à l’heure de pointe.

Comme pour de nombreuses personnes modestes sur le continent, la perspective d’un confinement est inenvisageable.

« Je ne prie pas pour un confinement car on se retrouverait sûrement à éviter le coronavirus mais à mourir de faim à la maison. La vie doit continuer et Dieu nous protègera », confie Anna John, vendeuse de rue à Dar es Salaam.

Miriam, vendeuse de chaussures, explique, elle, que certains de ses clients ne veulent pas se laver les mains, mais elle n’a « pas le choix » car elle a « besoin de leur argent ».

Le chef de l’opposition Freeman Mbowe a vilipendé la politique du chef de l’État, l’accusant de se préoccuper uniquement « de sauver l’économie et ses projets d’infrastructures emblématiques ».

Des experts s’interrogent sur la pertinence de confinements stricts en Afrique, où des millions de citadins miséreux vivent au jour le jour, et plaident pour des politiques de tests en masse et d’aide directe aux plus vulnérables.

Le Burundi voisin a lui-aussi décidé de laisser la vie suivre son cours quasi normal. Les deux pays organisent des élections présidentielles cette année, en mai pour le Burundi et octobre pour la Tanzanie.

Les violences contre les femmes, autre urgence en temps d’épidémie en Amérique latine

En Amérique latine, comme sur d’autres continents, le confinement imposé par l’épidémie de coronavirus a fait grimper en flèche les appels au secours des victimes de violences conjugales, empêchées de prendre la fuite par les mesures de restriction.

De l’ONU au pape François, les appels à aider les femmes victimes de violences en plein confinement, se sont multipliés ces dernières semaines.

« Malheureusement, de nombreuses femmes et jeunes filles se retrouvent particulièrement exposées à la violence précisément là où elles devraient en être protégées. Dans leurs propres foyers », a déclaré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

Le pape argentin François a également rappelé que les femmes « parfois courent le risque de subir des violences, à cause d’une cohabitation dont elles supportent un trop grand poids ».

« Le confinement plonge des milliers de femmes dans un enfer, enfermées avec un agresseur dont elles ont plus peur que du coronavirus », explique à l’AFP Victoria Aguirre, de l’ONG argentine MuMaLa qui lutte contre les violences machistes.

En Argentine, 18 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint pendant les vingt premiers jours du confinement débuté le 20 mars, et les appels à l’aide via des numéros d’urgence ont bondi de 39%.

La situation n’est guère plus brillante au Mexique, au Brésil, au Chili et ailleurs dans la région, où les mesures prises par les autorités et les associations semblent parfois bien insuffisantes.

L’Amérique latine a enregistré 3.800 féminicides en 2019, soit une augmentation de 8% par rapport à l’année précédente, selon des données préliminaires de l’Observatoire de l’égalité de genre au sein de la Cepalc, une agence onusienne pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

Au Mexique, depuis le début du confinement le 24 mars, « les appels d’urgence ont augmenté », a indiqué à l’AFP Nadine Gasman, directrice de l’Institut national des femmes de Mexico (Inmujeres).

Chercheuse et créatrice d’une carte qui recence les féminicides au Mexique, Maria Salguero estime qu’environ « 200 féminicides ont été commis depuis le 24 mars ».

– « Justicières » –

Début avril, le meurtre sordide d’Ana Paola, une adolescente de 13 ans, violée et frappée à mort chez elle par un cambrioleur dans l’Etat de Sonora (nord-est) alors que sa mère était sortie faire les courses, a provoqué l’indignation.

Dans le pays, depuis le début du confinement, les appels au secours ont augmenté de 60% auprès du Réseau national de refuge, une ONG qui organise l’accueil des femmes victimes de violence. Le nombre de femmes accueillies est, lui, en hausse de 5%.

A Sao Paulo, épicentre de l’épidémie de coronavirus au Brésil, les plaintes pour violences domestiques ont également bondi de 30%.

Quelque 700 volontaires ont décidé de former un « réseau de justicières » qui apportent aux victimes une aide médicale, légale et psychologique à travers la messagerie Whatsapp.

Au Chili, qui a fait le choix d’un confinement sélectif dans les zones les plus touchées et d’un couvre-feu, les plaintes ont par exemple explosé (+500%) à Providencia, un quartier de classes haute et moyenne de la capitale Santiago.

La crise sanitaire a entraîné « une augmentation de la consommation d’alcool, des effets sur la santé mentale, plus d’anxiété, d’angoisse, de dépression et de violence à l’intérieur des familles », a reconnu la sous-secrétaire à la Santé, Paula Daza.

En Argentine, le meurtre de Cristina Iglesias et de sa fille Ada, âgée de 7 ans, par le conjoint de la mère, a secoué le pays. Les deux corps ont été retrouvés enterrés à leur domicile à Buenos Aires.

Ailleurs, la police est arrivée à temps, alertée par des voisins, pour sauver une femme que son mari attaquait à coups de marteau.

« Vous vivez dans la peur de lui tourner le dos. Ce n’est que plus tard, quand les bleus apparaissent, que vous réalisez qu’il aurait pu vous tuer », a déclaré à l’AFP Luciana, 25 ans, survivante des coups de son ex-conjoint.

« Chaque jour, une femme est abusée, violée ou battue chez elle par son partenaire ou son ex », rappelle Ada Rico, de l’ONG La Casa del Encuentro.

« En temps normal, nous travaillons pour qu’elle porte plainte. Aujourd’hui, l’urgence est de la faire sortir de chez elle », souligne-t-elle.

Coronavirus : Berlin va payer les soins des patients européens sur son sol

L’Allemagne va prendre en charge le coût des soins de patients européens atteints du Covid-19 et nécessitant une assistance respiratoire qu’elle a accueillis dans ses hôpitaux, a annoncé le gouvernement allemand lundi.

Les coûts de prise en charge de ces patients devraient atteindre près de 20 millions d’euros, a précisé le ministre de la Santé Jens Spahn, avant de se rendre à une réunion du conseil des ministres sur la crise du nouveau coronavirus.

« L’Allemagne va payer les coûts de prise en charge des patients » européens, « car il s’agit de notre conception de la solidarité européenne », a-t-il expliqué.

Berlin prend en charge à ce jour « plus de 200 malades du coronavirus » européens, et a « la capacité, si besoin, d’en accueillir plus », a ajouté le ministre.

Moins touchée que ses voisins par la pandémie, et bénéficiant de davantage de places de réanimation, l’Allemagne a accueilli ces dernières semaines, des patients européens, dont des Français et des Italiens, pour soulager les systèmes hospitaliers de ses voisins.

Cette annonce intervient alors que le pays rouvre lundi la plupart des magasins d’une surface inférieure à 800 m2, dans le cadre d’une levée progressive des mesures de confinement.

L’épidémie de Covid-19 en Allemagne est désormais « sous contrôle et gérable », s’était félicité Jens Spahn vendredi.

Le pays comptait lundi 141.672 cas officiellement recensés de coronavirus (+1.175 en 24 heures) et 4.404 morts selon le dernier décompte du Robert Koch Institut.

Record de nouveaux cas de Covid-19 à Singapour touché par une 2ème vague

Singapour a annoncé lundi un nombre record de plus de 1.400 nouveaux cas de Covid-19, détectés pour l’essentiel dans les foyers où sont hébergés les travailleurs migrants dans la cité-Etat.

Le pays avait réussi dans un premier temps à contenir la propagation du virus grâce à une stratégie de contrôle très stricte et de traçage des contacts avec les personnes infectées. Mais il fait face à une deuxième vague depuis le début du mois d’avril.

Les autorités sanitaires du centre financier d’Asie du Sud-Est ont annoncé lundi 1.426 nouveaux cas de personnes contaminées par le Covid-19, portant le total à 8.014 cas et 11 morts.

Le nombre de nouveaux cas a bondi dans le pays depuis que des campagnes de tests ont été lancées dans les foyers surpeuplés où vivent les travailleurs migrants, souvent dans des conditions insalubres.

Singapour compte quelque 200.000 ouvriers du bâtiment, venus d’Asie du Sud pour la plupart, qui construisent pour quelque 400 à 500 dollars par mois les tours et centres commerciaux géants de la riche cité-Etat.

Le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong avait averti ce week-end que le nombre de travailleurs migrants contaminés par le virus était susceptible d’augmenter fortement à mesure que les campagnes de tests seraient déployées.

« Heureusement la grande majorité de ces cas sont légers puisque les travailleurs sont jeunes », a noté le responsable sur Facebook.

Les foyers géants où les migrants vivent souvent à plus d’une dizaine par chambrée ne permettent pas la distanciation physique nécessaire pour éviter les contaminations.

Les autorités ont ordonné la quarantaine pour des dizaines de milliers d’ouvriers et déplacé une grande partie d’entre eux vers des logements moins denses, afin d’éviter une propagation plus grande.

Singapour, qui avait déjà fermé ses frontières aux non résidents, y compris le transit via son hub aérien, s’est résolu début avril à fermer temporairement les écoles et les entreprises non essentielles.

En pleine pandémie, le Moyen-Orient se prépare à un ramadan morose

« Nos coeurs pleurent », se désole le muezzin de la Grande Mosquée de La Mecque, la ville sainte de l’islam, désertée à l’approche du mois du jeûne du ramadan en raison de la pandémie de Covid-19 et du confinement généralisé dans les pays du Moyen-Orient.

Pas de rassemblements pour de grands repas du soir (iftar), pas de prière nocturne à la mosquée (tarawih), pas de voyage dans les villes saintes de l’islam, pas même de réunion entre amis jusque tard dans la nuit.

De l’Arabie saoudite au Maroc, en passant par l’Egypte, le Liban ou la Syrie, les musulmans du Moyen-Orient se préparent cette année à un ramadan des plus mornes.

« Nous sommes habitués à voir la Grande mosquée bondée de gens pendant le jour, la nuit, tout le temps. C’est un profond déchirement », confie le muezzin Ali al-Molla, à La Mecque.

Ces dernières semaines, au lieu d’accueillir la foule habituelle, un vide inédit entoure la Kaaba de la Grande Mosquée, une grande structure cubique noire drapée de tissu brodé d’or, en direction de laquelle les musulmans du monde entier prient.

Pour contenir la propagation du nouveau coronavirus, les autorités saoudiennes ont suspendu le petit pèlerinage, la omra, à La Mecque et Médine.

Et il est probable que l’Arabie saoudite annule aussi le grand pèlerinage annuel, le hajj, fin juillet, Ryad ayant appelé les musulmans à suspendre leur préparatifs de voyage à La Mecque.

Les autorités religieuses de plusieurs pays, comme en Arabie saoudite ou en Egypte, ont soutenu ces restrictions, insistant sur la nécessité de prier à la maison et éviter les rassemblement.

– Masques et désinfectant –

A Jérusalem, qui abrite la mosquée d’Al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam, le Grand mufti, Mohammad Hussein, a annoncé des restrictions similaires concernant la prière pendant le ramadan.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a demandé aux pays « d’empêcher un grand nombre de personnes de se rassembler dans des lieux associés aux activités du ramadan, tels que les lieux de divertissement, les marchés et les magasins ».

Le mois de jeûne est généralement une période de forte consommation des ménages au Moyen-Orient, mais cette années les commerçants risquent d’être frappés de plein fouet par la frilosité des acheteurs, qui veulent avant tout se procurer masques, gants ou désinfectant.

« J’avais économisé une certaine somme pour le ramadan, mais je l’ai dépensée pour acheter des choses nécessaires pour le confinement et pour me protéger contre le virus », explique Younes, 51 ans, qui travaille dans un magasin de vêtements à Damas.

L’Iran, pays du Moyen-Orient le plus touché par la pandémie, a autorisé la semaine dernière certaines entreprises de Téhéran à rouvrir leurs portes, afin de ne pas fragiliser davantage une économie déjà plombée par les sanctions américaines.

Selon les chiffres officiels, la maladie du Covid-19 a tué plus de 5.000 personnes et infecté plus de 80.000 en Iran.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a appelé ses concitoyens à éviter tout rassemblement durant le ramadan sans pour autant « négliger la prière, la supplication et l’humilité dans notre solitude ».

– Charité –

En Egypte, pays le plus peuplé de la région avec plus de 100 millions d’habitants, le ramadan voit chaque année les rues des grandes villes se remplir jusqu’à l’aube, avec des mosquées et restaurants bondés, à côté de magasins illuminés de lanternes, symbole de ce mois sacré.

Mais pour Sameh al-Yamani, un traducteur âgé de 51 ans, les mesures des restrictions doivent être observées à la lettre. « Cette année, je prierai à la maison. La fermeture des mosquées est justifiée, il y a trop de promiscuité lors des prières », assure-t-il.

Si le confinement empêche les festivités, il ne dispense pas les musulmans « en bonne santé » de jeûner « comme les années précédentes », temporise l’OMS.

Les patients atteints du Covid-19 sont en revanche appelés à consulter leurs médecins concernant la pratique du jeûne « comme ils le feraient pour toute autre maladie », ajoute l’organisation.

Et les autorités religieuses continuent leurs traditionnels appels à la charité, l’un des cinq piliers de l’islam.

Bien que confinés dans des pays en guerre, comme la Libye, la Syrie ou le Yémen, des fidèles sont ainsi résolus à ne pas oublier les plus pauvres.

« Le ramadan est toujours une période de charité et cette année, les nécessiteux sont nombreux, surtout avec les personnes déplacées par la guerre », rappelle Karima Mounir, une banquière libyenne de 54 ans et mère de deux enfants.

burs-ac/aem/all

Un premier « jour de la Shoah » numérique, avant-goût d’un monde sans survivants

Enfant cachée pendant la Seconde Guerre mondiale, Berthe Badehi se claquemure chez elle pour échapper au coronavirus. Pour les rescapés confinés, le « jour de la Shoah » sera numérique cette année, avant-goût d’un futur où les survivants du nazisme ne seront plus que des hologrammes.

A 88 ans, Mme Badehi se rendait encore chaque jour à Yad Vashem, le mémorial israélien dédié aux millions de victimes du génocide des juifs par l’Allemagne nazie, pour y faire du bénévolat. Mais la pandémie l’a forcée à rester chez elle.

Confinement et distanciation sociale obligent, Yad Vashem a fermé ses portes au public et ne tiendra aucun événement in situ pour Yom Hashoah, le « jour de la Shoah », qui se tient du coucher du soleil lundi à la tombée de la nuit mardi en Israël.

Idem dans de nombreuses villes dans le monde où les rescapés du nazisme luttent pour leur survie face au virus qui fauche en premier les personnes âgées.

« On a vécu des choses difficiles dans notre vie. En France, pendant la guerre, on cachait notre identité, on vivait dans la peur et on avait perdu le contact avec nos parents », souffle Mme Badehi. « Aujourd’hui on est enfermés mais avec le téléphone, internet (…) on a le contact avec nos enfants et petits-enfants. »

« C’est pas facile, mais on le fait pour rester en vie. Ce que j’ai appris de la guerre, c’est de savoir prendre soin de moi seule », dit-elle à l’AFP.

Les enfants cachés et les survivants des camps de la mort ne s’attendaient pas à devoir se murer ainsi pour survivre, au bout de leur vie. Mais n’allez pas leur comparer le confinement anxiogène actuel à la vie sous les nazis.

« C’est indécent de comparer le ‘corona’ à la Shoah, ça n’a rien à voir », tranche Dov Landau, 91 ans, rescapé du camp d’Auschwitz, aujourd’hui situé en Pologne. « Aujourd’hui, on n’a ni faim, ni soif, on ne risque pas d’être brulés vifs, hommes, femmes et enfants. Oui, je m’ennuie, je ne peux plus ni voyager ni faire mes courses, mais ce n’est rien de grave », affirme-t-il.

– « Sentiment d’urgence » –

Dov Landau est un « homme-mémoire ». Chaque année, il se rend à Auschwitz avec des groupes scolaires pour leur transmettre son récit intérieur de la Shoah. Cette année, il s’est déjà rendu à deux reprises en Pologne pour témoigner. Mais la pandémie a mis fin à ses allers-retours.

Comme lui, Shmouel Blumenfeld, rescapé d’Auschwitz, est un habitué des excursions scolaires en Pologne, en témoigne la galerie de photos alignées dans son appartement, dans une tour vitrée en banlieue de Tel-Aviv.

Pour Yom Hashoah, cet homme de 95 ans au corps sec et nervé témoignera de son expérience personnelle par visioconférence auprès de membres d’une association israélienne.

Cette année sert de test avant le jour où les derniers survivants auront disparu et où il ne restera que leurs témoignages pour transmettre la mémoire de la Shoah aux générations futures.

Des organisations recueillent depuis des années des témoignages vidéos de survivants afin de se préparer à ce « jour 0 ». Face à la crise sanitaire, le mémorial de Yad Vashem a pré-enregistré une cérémonie, avec des témoignages et des discours de personnalités politiques, qui sera diffusée lundi soir sur les chaînes israéliennes et sur Facebook.

La crise « nous a donné un nouveau sentiment d’urgence », souligne Eli Rubenstein, un des organisateurs de la Marche des Vivants, rassemblement annuel en Pologne destiné à transmettre la mémoire de la Shoah. Là aussi, pas de rassemblement mais une soirée spéciale diffusée sur les réseaux sociaux.

– « Attaque à la mémoire » –

Eli Rubenstein travaille de pair avec la Fondation de la Shoah sur un programme permettant de recréer le parcours de survivants en utilisant des technologies de réalité virtuelle et des hologrammes.

Cette année, après la Marche des Vivants, cinq survivants devaient rester en Pologne pour permettre aux équipes de filmer leur périple à travers l’Europe et de le recréer dans une application en réalité augmentée.

Parmi ces cinq survivants: Eva Schloss, la belle-fille d’Otto Frank, le père d’Anne Frank.

« Eva est en vie, son histoire est extraordinaire, très similaire à celle d’Anne Frank, à la différence qu’elle a survécu », raconte Stephen Smith, président de la Fondation de la Shoah basée aux Etats-Unis. « Nous devions aller à Vienne, Amsterdam et Auschwitz avec elle mais nous avons dû tout abandonner » à cause du virus.

« Le Covid-19 attaque la mémoire de la Shoah car il s’en prend aux personnes âgées. Je connais de nombreux survivants qui sont décédés des complications du coronavirus », dit-il à l’AFP.

Le virus limite aussi la capacité à recueillir les témoignages des derniers survivants. « Nous avons dû annuler tous nos entretiens (avec des survivants) », regrette M. Smith. « Il y a donc des gens qui ne pourront jamais raconter leur histoire. »