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VIH/sida : La transmission mère-enfant en forte augmentation au Niger

Selon les plus récentes statistiques publiées par l’ONUSIDA[1] le 1er décembre 2021 à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le VIH/sida, le Niger est le seul pays d’Afrique de l’ouest et du centre qui enregistre un recul sur le front de la lutte contre la transmission de cette maladie de la mère à l’enfant.

 

 

Ainsi, en 2020, le taux de transmission mère-enfant dans ce pays sahélien d’Afrique de l’ouest était de 27,4%. Ce qui représente une augmentation de l’ordre de 13 points par rapport à l’année 2010 où ce taux se situait à 14,1%.

Cette contreperformance se confirme aussi en ce qui concerne le nombre de femmes enceintes vivant avec le VIH/sida dans le pays et suivant un traitement antirétroviral. Elles représentaient 89% en 2010 contre seulement 36% en 2020.

“Une nouvelle génération de jeunes vivant avec le VIH qui ont été infectés par transmission materno-fœtale arrive à l’âge adulte et commence à animer des organisations non seulement de services mais aussi de plaidoyer pour faire entendre leurs voix et faire évoluer les politiques”

Mach-Houd Kouton, conseiller régional ONUSIDA, Afrique occidentale et centrale

Interrogé par SciDev.Net, Mach-Houd Kouton, conseiller régional de l’ONUSIDA pour l’Afrique occidentale et centrale, décrit les challenges de la prévention de la transmission mère-enfant dans cette région en évoquant entre autres « la faiblesse du dépistage précoce des enfants ainsi que l’accès au suivi biologique. » Dans le cas du Niger, le taux du dépistage précoce se situe à… 2,9%.

Si dans tous les autres pays de la région, l’on enregistre un progrès dans ce combat avec au final une diminution de moitié des infections infantiles entre 2010 et 2020, les commentaires du rapport rappellent que cette partie du continent demeure une source de préoccupation.

« La région représentait plus d’un tiers des nouvelles infections à VIH chez les enfants dans le monde en 2020, reflétant les lacunes persistantes dans les efforts visant à prévenir la transmission verticale, y compris la faible couverture de services de santé maternelle et néonatale », peut-on lire.

En effet, indique le document, jusqu’à 44% des femmes enceintes vivant avec le VIH/sida dans la région ne recevaient pas de traitement antirétroviral en 2020. Dès lors, l’Afrique de l’ouest et du centre revendique à elle seule un tiers des nouvelles infections enregistrées chez les enfants dans le monde.

Parmi les autres raisons qui expliqueraient la persistance de ce mode de transmission dans la région, Mach-Houd Kouton fait observer que « les femmes continuent de contracter le VIH pendant la grossesse et l’allaitement maternel en raison de l’absence de prévention combinée adaptée au VIH, y compris la PrEP[2] pour les femmes à risque important de contracter le VIH. »

La lutte contre la transmission verticale est également affectée par des facteurs liés aux inégalités de la dynamique du pouvoir et des normes de genre, aux violences sexistes et aux frais d’utilisation des services, souligne aussi cet expert.

A cela, Mach-Houd Kouton ajoute la faible couverture des services de santé maternelle et néonatale. Une situation qui fait en sorte que les femmes enceintes et allaitantes ne poursuivent pas et n’achèvent pas toujours leur traitement pendant la grossesse et l’allaitement.

Cible

Anne-Esther Njom Nlend, pédiatre néonatologiste et expert en infection périnatale du VIH/Sida au Cameroun précise que la première cible, ce sont les femmes enceintes.

« Il faut qu’elles soient identifiées positives pour bénéficier du traitement antirétroviral. Ce dépistage se fait essentiellement en consultation prénatale. Donc, il faut qu’elles parviennent à la consultation prénatale », dit-elle. Regrettant au passage que tel ne soit pas le cas pour toutes les femmes enceintes séropositives…

« Celles qui n’ont pas les ARV sont supposées transmettre l’infection à leur enfant au taux le plus élevé qui peut parfois aller jusqu’à 45% », indique cette dernière dans un entretien avec SciDev.Net.A en croire cette universitaire, l’autre problème majeur de la transmission mère-enfant est la manière dont on arrive à « capturer » les nouveau-nés dans le système de soins et surtout à les soumettre au test.

« Au niveau du Cameroun, on se serait attendu à ce que tous ces enfants bénéficient du test à six semaines. Seuls trois sur quatre en bénéficient. Ensuite, lorsqu’on en découvre de positifs, on s’attendrait à ce que tous soient mis sous ARV ; or, moins de 50% étaient mis sous ARV », indique Anne Esther Njom Nlend.

Dès lors, martèle l’expert, il faut « traquer » toutes les femmes à la porte d’entrée de la consultation prénatale et leur faire le test au premier et au dernier trimestres, puis pendant l’allaitement ; question de s’assurer que la femme ne s’est pas contaminée entre temps.

« Ce sont des périodes à haut risque parce qu’en cas de contamination pendant cette période, la charge virale maternelle est très élevée, entraînant un très haut risque de transmission de la mère à l’enfant.
Mach-Houd Kouton propose pour sa part d’accélérer l’adoption et l’intégration de nouvelles technologies de diagnostic au point de service pour combler les lacunes en matière de tests, à l’instar de l’utilisation de SMS pour les rappels de rendez-vous.

Il appelle aussi à développer le dépistage de tous les enfants dans les familles ou un adulte ou un enfant vit avec le VIH.

Ce dernier ne cache pas son optimisme quant à la lutte contre la transmission mère-enfant du VIH/sida en Afrique centrale et occidentale.

Car, dit-il, « une nouvelle génération de jeunes vivant avec le VIH qui ont été infectés par transmission materno-fœtale arrive à l’âge adulte et commence à animer des organisations non seulement de services mais aussi de plaidoyer pour faire entendre leurs voix et faire évoluer les politiques ».