Deux jours après les élections générales, la Tanzanie s’enfonce dans une crise d’une rare intensité. Entre violences meurtrières, accusations de fraude et silence des autorités, le pays vacille. L’opposition dénonce une dérive autoritaire, tandis que la communauté internationale appelle à la retenue.
Dar es-Salaam, 31 octobre 2025 – Deux jours à peine après les élections présidentielles et législatives du 29 octobre, la Tanzanie s’enfonce dans une spirale de violences sans précédent. Des affrontements meurtriers entre manifestants et forces de l’ordre ont embrasé les grandes villes, laissant derrière eux un paysage de deuil et de désolation. Tandis que l’opposition dénonce une fraude électorale massive, le bilan humain s’alourdit, et la communauté internationale appelle à la retenue dans un climat de plus en plus oppressant.
Le principal parti d’opposition, Chadema, tire la sonnette d’alarme avec un décompte glaçant : près de 700 morts recensés à travers le pays, selon les relevés effectués par ses militants dans les établissements hospitaliers. À elle seule, Dar es-Salaam concentrerait 350 décès, tandis que Mwanza en déplorerait plus de 200. Ces chiffres, bien que non officiels, trouvent un écho dans les confidences d’une source sécuritaire, qui évoque un ordre de grandeur similaire sans les confirmer.
Du côté des autorités, le silence est total. Aucune déclaration officielle n’a été émise, laissant place à une communication verrouillée face à l’escalade. Les ONG, telles qu’Amnesty International, avancent prudemment un minimum de 100 victimes, tandis que les Nations Unies, confrontées à des restrictions d’accès dans les zones sensibles, ne confirment qu’une poignée de cas.
« Les vérifications sont entravées par une surveillance accrue des centres de santé », déplorent des porte-parole onusiens, pointant du doigt les patrouilles militaires qui quadrillent les abords des hôpitaux.



Un scrutin contesté, catalyseur de la colère
La flambée de violence trouve ses racines dans un processus électoral jugé biaisé dès ses prémices. Chadema, exclu du scrutin pour avoir rejeté un code de déontologie jugé partial, a vu son président Tundu Lissu incarcéré pour trahison. Un autre candidat de l’opposition a été invalidé à la dernière minute, alimentant les soupçons de manipulation. « Ce n’était pas une élection, mais une mascarade orchestrée », dénonce un communiqué du parti, qui réclame la mise en place d’un exécutif intérimaire pour restaurer la confiance démocratique.
Dans les rues, la colère s’est matérialisée par des barricades, des incendies de postes de police, de véhicules officiels et même d’une station-service en plein centre de Dar es-Salaam. La riposte des autorités a été immédiate : tirs à balles réelles, gaz lacrymogènes et charges massives pour rétablir l’ordre. Un couvre-feu strict a été décrété dans la capitale, et l’accès à Internet suspendu, officiellement pour des raisons de « sécurité nationale », afin de freiner la diffusion de témoignages et d’images.
Pourtant, certaines localités périphériques offrent un contraste saisissant. Des témoins rapportent une posture plus mesurée des forces de l’ordre, cantonnées à un rôle d’observation et privilégiant le dialogue informel avec les communautés. Ces îlots de calme tranchent avec les scènes d’affrontements frontaux dans les grandes agglomérations, révélant une gestion sécuritaire à géométrie variable.
La Tanzanie : une nation sous tension, un avenir en suspens
Ce vendredi matin, la Tanzanie se réveille sous le poids du deuil. Les morgues débordent, les hôpitaux peinent à absorber les blessés, et une atmosphère de terreur diffuse s’installe dans les régions les plus touchées. Les familles endeuillées, privées de cérémonies publiques, réclament justice, tandis que les survivants luttent dans un système de santé déjà fragilisé.
À l’international, les réactions restent timides. Washington et plusieurs capitales européennes expriment une « profonde préoccupation », appelant à une enquête indépendante et à la libération des détenus politiques. L’Union africaine pourrait convoquer une session d’urgence, mais pour l’heure, la solidarité continentale semble en veilleuse. « La Tanzanie, jadis modèle de stabilité, risque de devenir un cas de dérive autoritaire », analyse un expert en gouvernance à l’Institut des Études de Sécurité de Pretoria.
Au-delà des chiffres et des barricades, cette crise soulève une question cruciale : la démocratie tanzanienne peut-elle survivre à ce séisme politique ? Relâcher la pression médiatique, engager un dialogue inclusif et restaurer la transparence électorale apparaissent comme des impératifs pour éviter un embrasement régional. Tandis que le soleil se couche sur Dar es-Salaam, l’Histoire, attentive, attend la suite de ce chapitre tragique.














