Revenue d’exil, Fanirisoa Ernaivo prend les rênes du ministère de la Justice dans un gouvernement de transition à Madagascar. Figure emblématique de la magistrature, elle lance une offensive contre la corruption et les détournements de fonds, avec pour ambition de restaurer l’intégrité judiciaire et redonner confiance à une nation en quête de justice.
Antananarivo, 29 octobre 2025 – Elle avait fui les ombres de la répression, et la voilà de retour pour affronter les démons de la corruption. Fanirisoa Ernaivo, figure emblématique de la magistrature malgache, a été nommée ministre de la Justice mardi dernier, au sein d’un gouvernement de transition né des cendres du régime Rajoelina. À 46 ans, cette juriste au parcours marqué par l’adversité incarne un vent d’espoir pour une île en quête de redressement moral et financier.
“Je ne cherche pas la revanche, mais plutôt l’application stricte des règles”, a-t-elle lancé lors de la passation de pouvoir, un serment qui sonne comme un défi frontal à la “mafia” qu’elle promet de traquer sans trembler.
Une trajectoire forgée dans la résilience
Née en 1979 à Antananarivo, orpheline de bonne heure, Fanirisoa Ernaivo a grandi dans un cocon familial imprégné de savoir. Refusant de céder à la fatalité, elle gravit les échelons de la magistrature avec une ténacité rare : procureure adjointe, juge, puis finalement présidente du Syndicat des magistrats. Toujours en première ligne, elle dénonce sans relâche les dérives éthiques et les abus de pouvoir.
En 2018, sa candidature à la présidentielle impose sa voix dans le débat national. Toutefois, dès l’année suivante, ses prises de position sur les irrégularités électorales lui valent une révocation brutale et un exil forcé en France. Loin de plier, elle devient alors une militante infatigable, mobilisant la diaspora malgache autour des idéaux de transparence et de démocratie.
Fanirisoa Ernaivo : un retour en fanfare, au cœur d’une transition historique
Le destin bascule en octobre 2025. En effet, en mission à l’île Maurice, elle collabore avec la commission anti-blanchiment sur des dossiers sensibles, dont notamment celui de l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga. Le 25 octobre, elle foule à nouveau le sol malgache, accueillie par une foule en liesse à l’aéroport d’Ivato.
Trois jours plus tard, le colonel Michael Randrianirina, chef de l’exécutif intérimaire issu d’une révolte populaire adossée à une frange militaire, la propulse au ministère de la Justice. La passation avec Benjamin Rakotomandimby devient un moment hautement symbolique.
“Chassons les craintes, même si notre combat contre les réseaux occultes est une bataille acharnée”, lance-t-elle, galvanisant l’assistance.
Priorités implacables : traque aux fonds volés et renaissance judiciaire
Au cœur de son mandat se trouve une offensive contre le pillage des ressources publiques et les circuits de corruption internationale. Les estimations évoquent un butin évaporé de 5 milliards de dollars – l’équivalent du PIB annuel de Madagascar. Pour y remédier, une unité d’élite est mise sur pied, en partenariat avec les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse et Maurice. L’objectif est clair : localiser et rapatrier chaque centime détourné, avec des résultats attendus sous deux à trois mois.
La ministre mise également sur une clémence sélective : les repentis qui restituent leurs gains pourraient bénéficier d’un allègement des sanctions.
“Pas de chasse aux sorcières partisanes, mais une fermeté contre les faits”, insiste-t-elle.
De plus, une fois les caisses renflouées, les équipes du ministère recevront une gratification liée aux risques encourus et aux résultats obtenus – un levier concret pour motiver les troupes.
Mais au-delà de la traque financière, Ernaivo veut réformer en profondeur : assainir les recrutements, humaniser les conditions carcérales, restaurer l’autonomie des juges. Des soutiens étrangers, notamment britanniques, sont déjà mobilisés pour accompagner ces chantiers.
Fanirisoa Ernaivo : une icône d’intégrité dans une nation en quête de justice
En somme, pour de nombreux Malgaches, Fanirisoa Ernaivo incarne bien plus qu’un portefeuille ministériel : elle est le symbole d’une intégrité retrouvée, d’un exil transformé en tremplin. Son parcours inspire une génération en quête de repères. Cependant, le défi est immense : dans un pays fracturé par des décennies de malversations, elle devra non seulement récupérer les fortunes enfuies, mais aussi rebâtir la confiance dans une justice au service des citoyens.
Son mandat, au sein d’un gouvernement provisoire, sera-t-il le déclencheur d’une ère nouvelle ? Les premières opérations de la Task Force en diront long. Pour l’heure, à Antananarivo, on murmure déjà que la garde des Sceaux venue de l’exil pourrait bien rallumer la flamme de l’équité.
















