AFP Archives - Page 28 sur 34 - Journal du niger

Fusillades en Allemagne : ce que l’on sait du suspect

L’unique suspect de la double fusillade de Hanau, qui a fait neuf morts mercredi soir dans le centre de l’Allemagne, apparaît comme un paranoïaque au discours raciste, éduqué et adepte de théories conspirationnistes.

Avant d’être retrouvé sans vie auprès du corps de sa mère, Tobias R., 43 ans, a laissé derrière lui une vidéo et un manifeste de 24 pages, que l’AFP a pu consulter.

Peter Neumann, spécialiste du terrorisme au King’s College de Londres, décrit sur Twitter, à partir des mêmes sources, une personnalité « d’extrême droite » avec « un important problème de santé mentale ».

Voilà ce que l’on sait du suspect et de son mobile.

– Qui est Tobias R. ? –

Tobias R. se présente sur son site internet comme un Allemand né en 1977 à Hanau, une ville de près de 100.000 habitants du centre de l’Allemagne. Il y a grandi et effectué sa scolarité.

Après son baccalauréat, il a suivi une formation de conseiller bancaire à Francfort puis a fait des études de gestion à Bayreuth (Bavière) entre 2000 et 2007.

Selon plusieurs témoignages recueillis par l’AFP à Hanau, l’auteur de la double fusillade habitait très près du deuxième bar visé, dans un quartier populaire.

– « Surveillé depuis toujours » –

Dans son manifeste, où apparaissent des dessins au trait minutieux censés le représenter dans différentes situations de sa vie, il assure avoir été constamment espionné depuis son enfance par une « organisation secrète » qui pouvait « lire dans ses pensées ».

Parmi les « pensées » qu’il prétend avoir vu se réaliser, il évoque pèle-mêle : les guerres en Irak et en Afghanistan déclenchées par les Etats-Unis; son souhait, « réalisé » en 2004, de voir Jürgen Klinsmann devenir sélectionneur de l’équipe allemande de football et plusieurs films hollywoodiens dont il avait imaginé le scénario (« Allô maman, ici bébé », « The Cell », « Starship Troopers », etc.).

« Rien de tout cela ne peut être une coïncidence », y estime-t-il, précisant qu’il a porté plainte à trois reprises, en vain.

Sa surveillance continuelle explique, selon lui, qu’il soit toujours resté célibataire. Il ne reprend néanmoins aucune rhétorique visant les femmes en général, à la différence de la mouvance misogyne des « incels » (« célibataires involontaires »).

– Motivations xénophobes –

Dans son manifeste, il appelle à « anéantir » la population d’au moins 24 pays, dans le Maghreb, le Moyen-Orient, notamment celle d’Israël, et d’Asie du Sud, avançant des thèses racialistes.

Dans sa vision du monde, l’existence de ces « groupes ethniques » est « en soi une erreur fondamentale ».

Sa haine des étrangers pourrait être née quand, à 22 ans, en formation bancaire, il dit avoir subi un braquage. Pendant l’identification des suspects, « 90% des personnes qui seront présentées sont étrangères », affirme-t-il.

Convaincu de la suprématie du peuple allemand et admirateur du président américain Donald Trump, il enjoint les Etats-Unis à prendre la tête du combat pour « sauvegarder l’Occident », notamment pour contrer l’influence grandissante de la Chine.

– Complotisme –

Dans une vidéo postée sur Youtube une semaine avant ses crimes, supprimée depuis, il avait appelé en anglais « tous les Américains » à « se réveiller », prétendant que leur « pays est sous le contrôle de sociétés secrètes invisibles » qui utilisent des « méthodes maléfiques inconnues comme le contrôle des esprits ».

Filmé devant un fauteuil marron, un mur de classeurs vieillots et un petit lit, il parle également de l’existence de « bases militaires souterraines » dans lesquelles certaines personnes font « l’éloge du diable », « maltraitent, torturent et tuent de petits enfants ».

Son site internet personnel comportait également des sections sur des personnes disparues, sur les recherches prétendument secrètes du gouvernement américain concernant les extraterrestres ou sur les expériences psychologiques de la CIA dans les années 1950 et 1960.

Tirs de lacrymogènes sur une manifestation en faveur de soldats à Khartoum

La police soudanaise a tiré des gaz lacrymogènes sur des centaines de manifestants rassemblés jeudi à Khartoum pour réclamer la réintégration de soldats, forcés à prendre leur retraite pour leur soutien à la révolution de 2019, a constaté un journaliste de l’AFP.

Des centaines de jeunes ont manifesté à Khartoum près du palais présidentiel en brandissant des drapeaux soudanais et des pancartes barrées des slogans « L’armée est l’armée du Soudan » et « Non au renvoi des hommes libres de l’armée ».

Des pneus ont été brûlés et des routes bloquées par les manifestants. La police est ensuite arrivée sur les lieux et a tiré des gaz lacrymogènes pour les disperser.

Plus tôt cette semaine, l’armée a publié une liste d’officiers de différents rangs contraints à prendre leur retraite après avoir exprimé leur soutien à la révolution ayant abouti à la destitution du président Omar el-Béchir en avril 2019.

Cette liste a été publiée « comme à chaque début d’année (…) conformément à la politique interne des forces armées soudanaises », a déclaré le porte-parole de l’armée, Amer Mohammad Al-Hassan, cité par l’agence de presse officielle Suna.

Sur les réseaux sociaux, une campagne a rapidement été lancée par des militants pour soutenir Mohammad al-Sadiq, un lieutenant écarté par l’armée pour avoir soutenu leur révolte qui avait été déclenchée en décembre 2018 contre l’augmentation du prix du pain avant de réclamer la chute du régime d’Omar el-Béchir, aujourd’hui en prison.

L’Association des professionnels du Soudan (SPA), fer de lance de la révolte, est à l’origine de la manifestation de jeudi.

Le Soudan s’est doté en août 2019 d’un Conseil souverain, une instance à majorité civile appelée à superviser la transition politique, selon les termes d’un accord entre le Conseil militaire, qui avait succédé à M. Béchir, et les meneurs de la contestation.

Lendemain de débat difficile pour Michael Bloomberg dans les primaires démocrates

Enfin descendu dans l’arène des primaires démocrates, le milliardaire Michael Bloomberg a dû encaisser les attaques violentes de ses adversaires lors d’un premier débat télévisé mercredi soir qui a montré les fragilités de sa candidature.

La campagne se poursuit jeudi avant le troisième vote des primaires présidentielles, samedi dans le Nevada, première fois qu’un nombre important d’électeurs latinos et noirs s’exprimeront, après les étapes de l’Iowa et du New Hampshire au début du mois.

A ce stade, le sénateur Bernie Sanders bénéficie d’une forte dynamique, en tête des sondages, mais huit candidats restent en lice. Il reste des mois de primaires, jusqu’à la convention d’investiture en juillet.

Cela fait six ans que M. Bloomberg, qui vient de fêter son 78e anniversaire, a quitté la mairie de New York, six années qu’il n’avait plus à croiser le fer en politique. Il était devenu à l’inverse un mécène caritatif et politique très courtisé –il a donné 10 milliards de dollars à de multiples institutions, à des causes écologistes, anti-armes à feu et pro-immigration, et a financé de multiples candidats démocrates à des élections parlementaires ou locales ces dernières années.

Le patron de l’agence de presse éponyme, neuvième fortune de la planète, est habitué à être accueilli sur un tapis rouge dans les grands conclaves climatiques internationaux, et n’avait à l’évidence plus l’habitude de se faire secouer.

Ses adversaires, à commencer par la sénatrice Elizabeth Warren, ont utilisé le débat de mercredi à Las Vegas pour contrecarrer le déluge publicitaire que Michael Bloomberg déverse depuis son entrée tardive en campagne, fin novembre, à la télévision et sur internet. Sur YouTube, les clips promouvant la candidature de « Mike » sont omniprésents. Il a dépensé, sur ses fonds personnels, plus de 400 millions de dollars, une somme inouïe pour ses rivaux.

Ces dépenses l’ont rapidement fait gagner en notoriété et l’impact se voit dans les sondages: il s’est hissé en février en troisième place de plusieurs enquêtes d’opinion, ce qui fait rager les démocrates qui depuis plus d’un an font campagne sur le terrain, lèvent des fonds à coups de 10 ou 50 dollars, avaient fait huit débats auparavant et ont rédigé d’épais programmes.

« Les démocrates prendraient un risque énorme si on ne faisait que remplacer un milliardaire arrogant par un autre », a lancé Mme Warren, 70 ans.

– Le coup de Warren –

La candidature de M. Bloomberg a aussi engagé les démocrates dans un débat risqué sur le capitalisme lui-même, le parti se voyant de facto pris d’assaut par un « socialiste démocrate », Bernie Sanders, qui n’a jamais formellement adopté l’étiquette démocrate et a dit que les milliardaires ne devraient pas exister, et un milliardaire anciennement républicain qui estime sa richesse bien méritée.

Seize fois, le mot « milliardaire » a été prononcé durant ce débat de deux heures, le plus virulent à ce jour.

« Les Américains se retrouvent un peu perdus à devoir choisir entre un socialiste qui pense que le capitalisme est la source de tous leurs maux, et un milliardaire qui pense que l’argent est la source de tout pouvoir », a asséné Pete Buttigieg, ancien maire d’une ville moyenne et représentant l’aile modérée du parti. « Et si on choisissait un vrai démocrate? »

Elizabeth Warren a sans doute réalisé son débat le plus mémorable: elle a fait preuve de pugnacité et de répartie tout en expliquant ce que serait une présidence Warren, focalisée sur une amélioration du niveau de vie des familles financée par un nouvel impôt sur la fortune des très riches, ayant plus de 50 millions de dollars.

« C’est un impôt sur le dixième des 1% les plus riches d’Amérique », a-t-elle redit, énumérant ses projets: garde, crèche et école gratuite universelle dès la première année de vie, alors que l’école gratuite commence généralement à 5 ans aux Etats-Unis; nouveaux investissements dans les écoles, annulation de dettes étudiantes…

« Je ne suis pas d’accord avec l’impôt sur la fortune, mais je suis d’accord que les riches ne paient pas assez », a répondu Michael Bloomberg, qui veut convaincre les démocrates que son expérience de patron d’entreprise est la bonne pour battre Donald Trump en novembre et gérer le pays pour les quatre années suivantes.

Pour le milliardaire, le premier test électoral aura lieu le 3 mars, quand 14 Etats voteront en même temps.

En campagne électorale, Netanyahu promet des logements pour colons à Jérusalem-Est

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, en pleine campagne électorale en vue des législatives du 2 mars, a promis jeudi la construction de milliers de nouveaux logements dans des quartiers de colonisation à Jérusalem-Est, une annonce aussitôt dénoncée par les Palestiniens.

Le statut de Jérusalem est l’une des pierres d’achoppement du conflit israélo-palestinien, les Palestiniens entendant faire de la partie orientale de la ville, occupée et annexée par Israël, la capitale de leur futur Etat alors que les autorités israéliennes considèrent l’ensemble de la ville comme leur capitale.

Et le développement des colonies à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, deux territoires palestiniens occupées par Israël depuis 1967, demeure un sujet de vives tensions entre les deux camps.

« J’ai de grandes nouvelles aujourd’hui. Nous ajoutons 2.200 logements à Har Homa », a déclaré M. Netanyahu à 11 jours des troisièmes législatives en moins d’un an, un scrutin clé à la survie politique du Premier ministre inculpé pour corruption.

« J’ai fondé ce quartier en 1997 lorsque j’ai été élu Premier ministre, malgré les objections du monde entier », a-t-il ajouté dans une vidéo diffusée par son bureau, apparaissant à proximité de cette colonie.

« Il y a aujourd’hui 40.000 habitants, et nous en ajoutons 10.000. Har Homa sera composée de 50.000 habitants, comme une ville israélienne moyenne ».

M. Netanyahu a aussi annoncé la construction de milliers de logements à Givat Hamatos, un autre secteur de Jérusalem-Est. « Cela signifie 4.000 nouveaux logements, 1.000 pour les habitants arabes de Beit Safafa (secteur palestinien à proximité, NDLR) et 3.000 pour des habitants juifs », a-t-il déclaré.

Le Premier ministre avait déjà donné son accord « définitif » e 2014 à la construction de plus de 2.000 logements à Givat Hamatos, quelques mois avant des élections législatives, sans qu’aucun logement n’y soit finalement construit.

– « Plus de tensions » –

« La tentative de Netanyahu de remporter les voix de la droite israélienne à la veille des élections au détriment des droits des Palestiniens ne mènera pas à la paix et à la stabilité, mais à plus de tensions et de violences dans la région », a réagi Nabil Abou Roudeina, porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas, dans un communiqué.

Le Premier ministre israélien courtise ouvertement les électeurs de la droite nationaliste face à la formation de son rival centriste Benny Gantz, après deux élections n’ayant pas réussi à les départager clairement.

Ces élections sont d’autant plus cruciales pour M. Netanyahu qu’il doit faire face, à partir de la mi-mars, à la justice qui l’accuse de corruption, malversation, abus de confiance dans trois affaires.

La loi israélienne prévoit que tout ministre poursuivi pénalement doit démissionner de ses fonctions, mais cette mesure ne s’applique pas au Premier ministre.

– « Provocation irresponsable » –

« Netanyahu fait des promesses qu’il ne pourra pas tenir », estime l’alliance des partis israéliens de gauche, réagissant à l’annonce du Premier ministre sur les nouveaux logements de colonisation, qu’elle dénonce comme « une provocation irresponsable destinée à attraper quelques voix à droite ».

Selon l’ONG israélienne anticolonisation « La paix maintenant », « la construction à Givat Hamatos est un sérieux coup porté à la solution à deux Etats », soit un Etat palestinien indépendant et viable aux côtés d’Israël.

Plus de 600.000 personnes habitent dans des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Illégale au regard du droit international, la colonisation des territoires occupés s’est accélérée ces dernières années sous l’impulsion de M. Netanyahu et de son allié à Washington, le président Donald Trump.

Ce dernier a présenté fin janvier son plan pour le Proche-Orient qui prévoit notamment de faire de Jérusalem la capitale « indivisible » de l’Etat d’Israël et de créer une capitale d’un Etat palestinien dans des faubourgs de Jérusalem.

Pour l’Autorité palestinienne, l’annonce jeudi de nouveaux logements dans les colonies de Jérusalem-Est « participe de la mise en oeuvre » du projet de Trump, jugé « historique » par les autorités israéliennes.

L’Allemagne sous le choc après les tueries « racistes » de Hanau

Quelques heures après la double fusillade meurtrière de Hanau qui a fait neuf morts, les enquêteurs allemands tentent de retracer le parcours de l’assaillant dont le mobile « raciste » ne fait plus de doute ni pour le parquet antiterroriste, ni pour les autorités.

La chancelière allemande Angela Merkel a dénoncé « le poison » du racisme, faisant le lien avec d’autres attentats d’extrême droite depuis 20 ans dans le pays, après ces attaques menées par un Allemand aux « motivations xénophobes ».

L’assaillant présumé, Tobias R., 43 ans, a été retrouvé mort dans son appartement, de même que sa mère, tuée par balle, portant le bilan total à 11 morts, dont neuf dans les deux fusillades.

Les victimes, dont certaines sont d’origine ou de nationalité étrangère, avaient entre 21 et 44 ans, selon le parquet. Un Bosnien et un Bulgare figurent parmi les victimes.

– Des victimes d’origine kurde –

Le père de l’unique suspect a lui été retrouvé indemne, hors de l’appartement.

Le parquet antiterroriste cherche à déterminer si l’auteur a pu bénéficier de complicité pour mener ces attaques dont le mobile est « profondément raciste ».

Mercredi soir, un bar à chicha, le Midnight, avait été visé par des tirs dans le centre de Hanau, ville de près de 100.000 habitants à 20 kilomètres de Francfort, avant que le tireur ne gagne en voiture un deuxième établissement, l’Arena Bar, dans le quartier périphérique de Kesselstadt.

L’assaillant a sonné à la porte du deuxième bar et tiré sur des personnes présentes dans la zone fumeur, tuant cinq personnes dont une femme, selon des informations de Bild.

« Les victimes sont des gens que nous connaissons depuis des années », dont deux employés de l’Arena, a réagi le fils du gérant du bar, absent comme son père au moment des tirs et cité par l’agence DPA. « C’est un choc pour tout le monde. »

Parmi les tués figurent « plusieurs victimes d’origine kurde », a indiqué la Confédération des communautés du Kurdistan en Allemagne (Kon-Med), accusant les dirigeants allemands de ne pas « résolument combattre le terrorisme d’extrême droite ».

L’auteur présumé, qui a suivi une formation de conseiller bancaire puis des études de gestion, a laissé derrière lui une vidéo et un manifeste de 24 pages, que l’AFP a pu consulter.

Il y appelle notamment à « anéantir » la population d’au moins 24 pays, parmi lesquelles celles du Maghreb, du Moyen-Orient, d’Israël ou encore d’Asie du Sud, avançant des thèses racialistes tout en assurant être surveillé depuis l’enfance.

– Pleurs –

Les enquêteurs ont également retrouvé dans sa voiture des munitions et des chargeurs. Le suspect était muni d’un permis de chasse.

Jeudi, une dizaine de personnes se recueillaient devant les lieux à la mi-journée, dont une femme en pleurs réconfortée par une autre et un vieil homme en larmes.

« Je connaissais bien les personnes qui étaient dans ce bar (…) Ca aurait pu être moi », a affirmé à l’AFP Ahmed, un habitant de 30 ans du quartier.

« Je ne comprends pas, nous n’avons pas de problèmes liés au racisme ici », s’est étonnée une autre voisine.

Plusieurs rassemblements sont prévus jeudi en fin de journée, à Hanau notamment mais aussi Porte de Brandebourg, à Berlin.

Le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, qui a déposé des gerbes de fleurs sur les sites visés avec sa collègue de la Justice, Christine Lambrecht, a promis de nouvelles mesures dans les prochains jours.

A Bruxelles, de nombreux dirigeants ont exprimé leur solidarité à Angela Merkel avant l’ouverture du sommet européen. Emmanuel Macron s’est dit « aux côtés » de la chancelière. La présidente de la Commission, l’Allemande Ursula von der Leyen, s’est déclarée « choquée par la tragédie ».

– Menace –

L’association Ditib, principale organisation de la communauté turque musulmane d’Allemagne, a parlé dans un communiqué de « jour noir dans l’histoire de l’Allemagne » et réclamé plus de protection pour ses fidèles.

La menace d’un terrorisme d’extrême droite inquiétait de plus en plus les autorités allemandes, depuis notamment le meurtre d’un élu allemand pro-migrants, membre du parti de la chancelière Merkel, en juin dernier.

Vendredi, 12 membres d’un groupuscule d’extrême droite ont été arrêtés. Ils sont soupçonnés d’avoir planifié des attaques de grande ampleur contre des mosquées.

En octobre, un extrémiste de droite négationniste avait tenté de commettre un attentat dans une synagogue de Halle, un massacre n’étant évité que de justesse. Il avait toutefois abattu une passante et le client d’un restaurant de kébabs, diffusant en direct sur internet ses forfaits.

Dans son allocution, Mme Merkel a aussi évoqué les meurtres de neuf personnes d’origine immigrée et d’une policière commis entre 2000 et 2007 par le trio néonazi « Clandestinité nationale-socialiste » (NSU). L’affaire a été marquée par une cascade de scandales autour de l’enquête et des services de renseignements intérieurs, censés disposer d’indics dans les milieux néonazis et vivement critiqués pour leur aveuglement.

Pape Pie XII: quatre choses à savoir sur les archives vaticanes

L’ouverture lundi 2 mars de l’ensemble des archives du Vatican sur le pontificat du pape Pie XII (1939-1958) – 81 ans après son élection – était réclamée depuis des décennies par historiens et organisations juives.

Voici quatre clefs pour comprendre l’événement.

– Shoah: une masse d’archives déjà publiées –

Les archives les plus sensibles, concernant la Seconde guerre mondiale, ont déjà été en grande partie publiées par le Vatican. Des révélations spectaculaires seraient donc surprenantes. Mais les chercheurs auront pour la première fois un accès direct à tous les documents de la période de la Shoah et chercheront les pièces manquantes du puzzle.

Pour répondre à la polémique sur Pie XII – qui démarra dans les années 60 avec la sortie de la pièce de théâtre incendiaire « Le Vicaire » de l’Allemand Rolf Hochhuth – quatre prêtres jésuites livrèrent en 1981 au bout de 16 ans de labeur, onze volumes de documents intitulés « Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la deuxième guerre mondiale ».

Par la suite, une commission mixte juive-catholique de six historiens instituée en 1999 fut chargée de trancher, mais elle réclama plus d’accès aux archives du Vatican et se disloqua en 2001.

– Les années avant son élection documentées –

Quelque 30.000 volumes d’archives du pontificat de Pie XI (1922-1939), son prédécesseur, ont déjà été rendus publics par le Saint-Siège livrant ainsi des indications sur le cardinal Eugenio Pacelli, futur Pie XII. Ce dernier fut en effet nommé secrétaire d’Etat (numéro deux du Vatican) en 1930. En 1933, il signa un concordat avec l’Allemagne hitlérienne sur les relations entre les autorités allemandes et l’Eglise.

Ces archives couvrent aussi une grande partie de son long séjour en Allemagne de 1917 à 1929 en tant que nonce (ambassadeur du Saint-Siège), soit durant la montée au pouvoir d’Hitler.

– L’Eglise à la défense d’un « juste » –

L’Eglise catholique a toujours fait valoir que Pie XII avait contribué au sauvetage de plusieurs milliers de Juifs en les faisant cacher dans des institutions religieuses de Rome sous l’occupation allemande. Elle estime aussi que la prudence verbale du pape a évité des représailles envers les catholiques en Europe.

Le processus de béatification de Pie XII a été ouvert en octobre 1967. Benoît XVI l’a proclamé « vénérable » fin 2009, première étape vers une béatification à condition qu’un miracle soit reconnu, une décision qui avait créé un tollé chez les organisations juives.

En 2010, Benoît XVI affirma que le pape Pie XII avait été « l’un des grands justes, qui a sauvé des juifs plus que personne ». « Il a personnellement souffert énormément, nous le savons. Il savait qu’il devait parler et pourtant la situation le lui interdisait », avait-il noté.

En 2014, le pape François a dit avoir « un peu d’urticaire existentiel » face aux attaques contre Pie XII, « un grand défenseur des Juifs », en critiquant l’attitude des grandes puissances alliées qui auraient pu bombarder les voies ferrées conduisant aux camps.

– Ses détracteurs attaquent son silence –

Le silencieux et très diplomatique Pie XII – voix morale susceptible d’avoir été écoutée par les catholiques allemands – est vilipendé par de nombreux historiens pour n’avoir jamais condamné explicitement l’extermination en cours des Juifs par le régime nazi.

Ce pape originaire de la noblesse romaine est aussi dénoncé pour avoir gardé le silence lorsque le 16 octobre 1943 plus d’un millier de personnes de la communauté juive de Rome, furent raflés dans leur quartier (l’ex-ghetto) à quelques encablures du Vatican.

Après cette rafle, les témoignages confirment que des Juifs furent cachés dans de nombreuses institutions catholiques, mais aucun document écrit ne prouve que Pie XII avait fait cette recommandation, pointent ses critiques.

Beaucoup d’historiens concluent que ce pape réprouvait l’antisémitisme hitlérien, mais qu’il était aussi le pur produit d’un enseignement catholique traditionnellement anti-judaïque jusqu’à la prise de conscience du Concile Vatican II (1962-1965). Les Juifs n’étaient donc pas la priorité de ce pape, préoccupé avant tout par le sort des catholiques et farouchement opposé au communisme.

Ethiopie: restitution d’une couronne cachée pendant 21 ans aux Pays-Bas

Le gouvernement éthiopien a repris possession jeudi d’une couronne d’une valeur inestimable, datant du 18e siècle, qu’un ancien réfugié avait cachée pendant plus de 20 ans dans un petit appartement des Pays-Bas.

La couronne a été restituée lors d’une cérémonie à Addis Abeba, en présence du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, et de la ministre néerlandaise du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, Sigrid Kaag.

Ornée de cuivre doré, avec des gravures représentant Jésus-Christ et ses apôtres, la couronne a soudainement refait surface l’an passé lorsqu’un réfugié éthiopien devenu citoyen néerlandais, Sirak Asfaw, a contacté l’expert d’art néerlandais Arthur Brand.

Sirak Asfaw a fui l’Éthiopie à la fin des années 1970, à l’époque des purges de la « Terreur rouge ». Il a découvert par hasard en avril 1998 la couronne dans une valise laissée par l’un de ses compatriotes ayant échappé comme lui à la dictature.

M. Sirak a estimé qu’il ne pouvait pas rendre la couronne en raison de la « situation instable en Ethiopie ». Il a promis au mystérieux propriétaire de la valise que la couronne « ne quitterait pas sa maison sauf pour rentrer » dans son pays d’origine.

Persuadé que s’il la rendait, « elle disparaîtrait à nouveau », il l’a conservée pendant 21 ans dans un endroit secret de son appartement dans la cité portuaire de Rotterdam.

Après l’investiture de M. Abiy en avril 2018, M. Sirak a finalement jugé que la situation en Ethiopie était assez stable et sécurisée pour rendre la couronne.

Celle-ci aurait appartenu à l’un des plus puissants chefs de guerre éthiopien du 18e siècle, « ras » Welde Sellase. Ce dernier en aurait probablement fait don à une église située près de la ville de Mekele, dans le nord de l’Éthiopie.

Jacopo Gnisci, un chercheur à l’Université d’Oxford qui a examiné l’objet et confirmé son authenticité, estime qu’il existe dans le monde moins d’une trentaine de ces couronnes, appelées « zewd ».

« Nous sommes honorés et ravis d’avoir pu contribuer à la restitution légitime » de cette couronne, a déclaré dans un communiqué Mme Kaag.

M. Abiy a remercié en retour le gouvernement néerlandais pour sa coopération, selon la radio-télévision Fana BC, proche du pouvoir éthiopien.

La couronne a commencé à être exposée jeudi au musée national à Addis Abeba.

Togo: Faure Gnassingbé vers un quatrième mandat présidentiel

Quelque 3,6 millions d’électeurs togolais sont appelés aux urnes samedi, pour une élection présidentielle qui devrait reconduire pour un quatrième mandat Faure Gnassingbé, dont la famille est à la tête du petit pays d’Afrique de l’Ouest depuis plus d’un demi-siècle.

Le chef de l’Etat s’est dit « serein et confiant » de remporter le scrutin dès le premier tour, et devrait être réélu, sans grande surprise face à une opposition réprimée et divisée.

Les scènes de liesse lors de ses meetings, notamment dans le nord, sont davantage la preuve d’un appareil d’Etat et d’un parti au pouvoir bien en place sur le territoire, que d’un véritable engouement populaire pour une élection sans grand suspense.

« Tous les responsables locaux sont d’Unir », le parti au pouvoir, explique à l’AFP un cadre associatif de Dapaong, dans l’extrême nord du pays. « Dire non à Unir, c’est refuser de manger », selon lui.

La campagne ne passionne pas les 7,8 millions de Togolais, et, sans les affiches électorales qui parsèment le pays, il serait difficile d’imaginer que la présidentielle est dans quelques jours à peine.

Faure Gnassingbé a d’abord été installé au pouvoir par l’armée le 5 février 2005 quelques heures après la mort de son père, qui a lui-même dirigé le Togo d’une main de fer pendant 38 ans.

Il a ensuite été élu la même année dans un scrutin contesté par l’opposition et marqué par 400 à 500 morts, selon l’ONU.

« Quand j’ai succédé à mon père, les conditions dans lesquelles ça s’est fait, c’est sûr que c’est un peu comme le péché originel parce que c’est l’armée qui a pris cette décision », a-t-il reconnu dans un entretien accordé à l’AFP et au journal Le Monde, avant d’ajouter: « Entre temps je me suis retiré (…) et nous avons organisé des élections ».

L’opposition et la société civile n’ont cessé de dénoncer un régime autoritaire, des arrestations arbitraires et l’absence d’alternance démocratique: des critiques « exagérées », selon le chef de l’Etat, qui a expliqué ne pas sentir « l’âme d’un dictateur ».

Lors de cette quatrième campagne électorale, « Faure », tel qu’il est surnommé au Togo, a voulu se poser en « réconciliateur » d’un pays divisé après des années de crise politique.

Des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes, sont descendues dans les rues entre 2017 et 2018 pour demander sa démission, mais le Parlement a finalement approuvé une modification de la Constitution, lui permettant de se représenter en 2020 et en 2025.

– +Perplexes et dubitatifs+ –

La coalition de l’opposition, la C14, à l’origine des manifestations, n’a pas survécu à cet échec et c’est sur un front divisé que se présenteront samedi six candidats face au chef de l’Etat.

Le leader historique de l’opposition Jean-Pierre Fabre, de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) pourrait se trouver chahuté par l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo, qui a enlevé de nombreux soutiens ces derniers mois, dont celui de l’ancien archevêque de Lomé.

Les candidats de l’opposition ont toutefois prévenu qu’ils s’uniraient pour faire barrage à Faure Gnassingbé en cas de second tour, mais ce scenario paraît plutôt improbable, selon les observateurs.

En effet, un grand nombre de Togolais de l’opposition ne croient plus à une vraie alternance démocratique par les urnes.

Plusieurs partis ont décidé de boycotter le scrutin. C’est le cas du Parti national panafricain (PNP), à l’origine des manifestations de 2017 et dont des dizaines de militants ont été arrêtés, ou du Parti des Togolais de Nathaniel Olympio, qui affirme que « les conditions actuelles ne permettent pas la tenue d’un scrutin libre et transparent ».

Cette semaine, 500 observateurs de la société civile ont perdu leur accréditation, accusés d’ingérence dans le processus électoral, s’ajoutant aux 9.000 observateurs du conseil épiscopal Justice et Paix qui n’ont pas non plus été autorisés à surveiller le vote.

« Cela nous laisse vraiment perplexes et dubitatifs sur l’issue de ce scrutin », a regretté David Dosseh, du Front citoyen Togo debout (FCTD).

Le président sortant reste néanmoins soutenu par nombre de ses pairs ouest-africains et la communauté internationale.

La France, ex-puissance coloniale, allié traditionnel de la dynastie Gnassingbé et présente au Sahel voisin dans la lutte contre les mouvements jihadistes, est particulièrement sensible à la stabilité du Togo dans cette région volatile.

« Faure » peut s’appuyer sur une armée disciplinée et des services de renseignement efficaces, formés notamment par des Israéliens.

Sur le plan du développement, il a lancé un vaste projet d’électrification et la réfection de 4.000 km de pistes pour désenclaver les zones rurales.

Toutefois, la majorité de la population vit toujours dans une grande pauvreté. Et sa promesse de créer « plus de 500.000 emplois » semble difficilement réalisable, faute de tissu industriel.

Coronavirus: un premier mort en Corée du Sud, plus de 100 personnes contaminées

Une première personne atteinte du nouveau coronavirus est morte en Corée du sud où le nombre des personnes contaminées a doublé au cours des dernières 24 heures, passant à une centaine, ont annoncé jeudi les autorités.

Dans la seule ville de Daegu, la quatrième plus grande de Corée du Sud avec plus de 2,5 millions d’habitants, près de 50 victimes d’une transmission massive de la maladie ont été recensées.

Une femme de 61 ans membre de la secte chrétienne « l’Eglise Shincheonji de Jésus », ignorant avoir contracté la pneumonie virale, est en effet soupçonnée d’avoir contaminé à elle seule une quarantaine de personnes, notamment en assistant à des offices religieux.

Après avoir eu de la fièvre le 10 février, elle a refusé à deux reprises de se soumettre à un test de dépistage du nouveau coronavirus au prétexte qu’elle n’était pas récemment allée à l’étranger.

Elle a ensuite assisté à au moins quatre offices avant d’être diagnostiquée porteuse du virus. La municipalité de Daegu a fait savoir que 1.001 fidèles de l’Eglise Shincheonji de Jésus pourraient avoir assisté aux mêmes offices qu’elle.

Cette secte affirme que son fondateur Lee Man-hee a endossé les habits de Jésus Christ et emmènera au paradis 144.000 personnes le jour du Jugement dernier.

L’Eglise Shincheonji a fermé toutes ses structures en Corée du sud et s’est dite, dans un communiqué, « [désolée] que l’un de nos membres, qui considérait avoir un rhume parce qu’il ne s’était pas rendu l’étranger, ait contaminé de nombreux membres de notre église, suscitant l’inquiétude au sein de la communauté locale ».

Le commandement de la garnison de l’armée américaine installé à Daegu – qui rassemble un total d’environ 10.000 personnes – a quant à lui restreint ses accès et ordonné aux militaires ayant assisté aux offices de l’Eglise Shincheonji de Jésus de rester en quarantaine.

Par mesure de précaution, les services d’urgence de quatre hôpitaux de la ville ont été fermés, a dit un responsable de la municipalité, tandis que le maire de Daegu, Kwon Young-jin, a appelé la population à demeurer chez elle.

Non loin de Daegu, dans le Comté de Cheongdo, à 320 kilomètres au sud de Séoul, un homme d’une soixantaine d’années est mort mercredi des suites de la maladie – il a été testé positif au coronavirus au lendemain de son décès -, a expliqué le centre coréen de contrôle et de prévention des maladies.

Il faisait partie d’un groupe de quinze personnes contaminées – des patients et des membres du personnel – dans un seul hôpital.

51 nouveaux cas ont été signalés en 24 heures en Corée du Sud, ce qui y porte à 104 le nombre total des personnes ayant contracté la maladie.

Holocauste: le Vatican s’apprête à ouvrir les archives sur Pie XII

Une centaine d’historiens s’apprêtent à plonger dans les archives que le Vatican ouvrira le 2 mars sur Pie XII, le pape le plus controversé de l’Histoire, critiqué pour n’avoir jamais condamné publiquement l’Holocauste nazi.

Il s’agit d’un moment « décisif pour l’histoire contemporaine de l’Eglise et du monde », a expliqué jeudi à la presse le cardinal Tolentino de Mendonça, archiviste et bibliothécaire de la Sainte Eglise romaine.

Le prélat a souhaité que l’attention ne se concentre pas uniquement sur l’Holocauste, mais aussi sur « la tumultueuse période de l’après-guerre avec l’opposition croissante entre deux blocs », communiste et occidental.

Décidée en mars 2019, la mise à disposition de ces documents doit permettre de répondre à la controverse sur Pie XII (1939-1958), une polémique qui a commencée tardivement dans les années 60. Et notamment à déterminer si le chef de l’Eglise catholique pendant la Seconde guerre mondiale, un ancien diplomate du Saint-Siège en Allemagne mâtiné de prudence, a été trop silencieux et passif, face à la promulgation de lois raciales en Europe et au pire génocide de l’Histoire.

Une prise de parole publique condamnant explicitement les agissements des nazis, parlant des lois raciales et de l’extermination des Juifs, aurait-elle pu influencer les catholiques allemands et changé le cours de l’Histoire ?

Les détracteurs du Pie XII le pensent. Ses soutiens arguent que des déclarations tonitruantes d’un pape, encerclé dans le Vatican par les nazis puis les fascistes italiens, auraient mis en danger les catholiques en Europe.

La polémique a donné naissance à des dizaines d’ouvrages, dont des best-sellers ravageurs allant jusqu’à parler du « pape d’Hitler » (John Cornwell en 1999).

– Une « histoire grise » –

Pour le grand rabbin de Rome, Riccardo di Segni, « l’histoire de Pie XII n’est pas +une légende noire+ mais plutôt grise ».

Dans un texte diffusé par la presse italienne, il estime que « les historiens devront travailler comme s’ils étaient dans une chambre stérile et isolée, libres de tout préjugé et influence ». Même s’il pense qu’il s’agit d’une utopie, tant le sujet est accaparé d’un côté par des défenseurs à tout crin de Pie XII, de l’autre par des accusateurs inflexibles.

Cent cinquante chercheurs du monde entier ont déjà demandé l’accès aux seules « archives apostoliques » centrales du Vatican (ex-« archives secrètes »), a précisé jeudi Mgr Sergio Pagano, qui chapeaute cette section, mettant à disposition 121 fonds documentaires et 20.000 fascicules sur Pie XII.

Les premiers servis seront des experts du musée-mémorial américain de l’holocauste et des représentants de la communauté juive de Rome, précise-t-il. Les chercheurs se disputeront une vingtaine de places pendant ce qui sera « une année chargée », a-t-il reconnu.

Mais des dizaines d’autres consulteront les autres archives significatives du Saint-Siège. Par exemple, les archives de la Congrégation pour la doctrine de la foi (ex-Inquisition).

Selon son archiviste Mgr Alejandro Cifres Giménez, 200 mètres d’étagères abritant 1.749 fascicules sont consacrés aux 19 ans de pontificat de Pie XII. Consultables dans une salle de lecture de 14 places.

Johan Ickx, des archives historiques de la Secrétairerie d’Etat (gouvernement central) portant sur les relations diplomatiques avec d’autres Etats proposera « 1,3 million de documents numérisés et répertoriés, pour aider les chercheurs à aller vite », une nouveauté. Les historiens pourront par exemple trouver des documents sur les contacts entre le nonce (ambassadeur du Saint-Siège) à Berlin et les autorités allemandes.

« Il faudra des années pour examiner tous ces dossiers et émettre un jugement historique », estime Mgr Pagano, qui glisse néanmoins que « rien de surprenant n’a émergé », la période de la Seconde guerre mondiale ayant déjà été grandement dévoilée par l’Eglise en 1981.

Il redoute en revanche les amateurs de « scoops » friands des conclusions à l’emporte-pièce.

Vatican oblige, quelques documents de la période resteront secrets, comme les archives documentant le conclave – l’élection du pape – ou les procès à l’encontre d’évêques pendant son pontificat, qui fut le plus long du 20ème siècle après celui de Jean Paul II. Enfouis à l’abri des regards dans le bunker des archives du Vatican, qui abrite 85 kms d’étagères.

Lesotho: à la veille de son inculpation pour meurtre le Premier ministre annonce sa démission prochaine

Le Premier ministre du Lesotho, Thomas Thabane, sera inculpé vendredi, selon la police, du meurtre de sa précédente épouse, dernier rebondissement dans cette affaire qui empoisonne le sommet de l’Etat et a contraint jeudi le chef de gouvernement à annoncer sa démission d’ici « fin juillet ».

Le 14 juin 2017, Lipolelo Thabane, âgée de 58 ans, était assassinée alors qu’elle rentrait chez elle en voiture dans la capitale Maseru. Ce crime était intervenu deux jours seulement avant la prestation de serment de Thomas Thabane au poste de Premier ministre. Le couple était alors en instance de divorce.

Lors de sa prise de fonctions, le 16 juin 2017, Thomas Thabane était assis aux côtés de celle qui allait devenir deux mois plus tard son épouse, Maesaiah.

L’enquête sur le meurtre de Lipolelo Thabane a piétiné pendant deux ans. Mais depuis quelques semaines, c’est coup de théâtre sur coup de théâtre dans le petit royaume d’Afrique australe à l’histoire politique instable.

Début février, Maesaiah Thabane, 43 ans, a été inculpée du meurtre de sa rivale. Vendredi, ce sera au tour du Premier ministre, 80 ans, d’être inculpé de meurtre dans cette affaire, selon la police.

« Il a été convenu avec son avocat qu’il (Thomas Thabane) comparaîtra devant la justice demain (vendredi) et sera formellement inculpé » du « meurtre » de Lipolelo Thabane, a déclaré jeudi le numéro deux de la police Paseka Mokete, à l’AFP.

« Cela ne signifie pas nécessairement qu’il était présent (sur le lieu du crime, NDLR) mais qu’il agissait de concert » avec le ou les meurtriers, a-t-il ajouté.

Au même moment jeudi, Thomas Thabane, sous la pression depuis des semaines de son parti, a annoncé sa démission au plus tard le 31 juillet.

« Je quitterai effectivement le poste de Premier ministre à la fin juillet de cette année ou plus tôt si les préparatifs nécessaires à mon départ sont terminés », a-t-il déclaré sur la radio publique.

« Au-delà de cette date, je serai disponible pour donner des conseils à mon successeur », a-t-il ajouté.

– Ultimatum –

L’annonce de son départ n’est pas une grande surprise puisque mi-janvier, Thomas Thabane avait prévenu qu’il démissionnerait à une date qui restait encore à préciser. Il avait justifié sa décision par son âge avancé.

La réalité est que son parti, la Convention de tous les Basotho (ABC), fatigué par cette affaire, le presse depuis des semaines de partir. Lundi, l’ABC a même frappé du poing sur la table en lui ordonnant de démissionner d’ici jeudi. Un ultimatum que le Premier ministre a donc ignoré.

La population du Lesotho, pays enclavé dans l’Afrique du Sud, s’est dite abasourdie par l’annonce de Thomas Thabane.

« Cela défie tout logique qu’il veuille rester au pouvoir malgré la controverse », a réagi une vendeuse de rue dans la capitale, Malefa Mpobole, âgée de 52 ans.

« Ce vieil homme devrait partir tant qu’il peut encore le faire. Il nous a déçus (…). Il devrait partir, avec sa femme », a estimé une autre habitante de Maseru, Lenka Ntjabane, 43 ans.

En janvier, la police avait interrogé le chef du gouvernement dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de de sa précédente épouse.

Dans une déclaration sous serment transmise à la justice, le chef de la police Holomo Molibeli avait accusé Thomas Thabane d’être « impliqué » dans le crime. Il avait fait état d’un appel téléphonique suspicieux localisé à l’endroit du meurtre et passé depuis le téléphone portable du Premier ministre.

Afrique du Sud: le président Ramaphosa dénonce les propos de l’ex-président De Klerk sur l’apartheid

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a qualifié jeudi de « trahison » les déclarations du dernier président sud-africain du régime de l’apartheid, Frederik De Klerk, niant que ce système ségrégationniste soit un crime contre l’humanité.

« L’apartheid est un crime contre l’humanité. C’était un crime contre le peuple opprimé de l’Afrique du Sud avant même d’être déclaré tel par les Nations unies », a dit M. Ramaphosa devant le Parlement, suscitant des applaudissements nourris. « J’irais même jusqu’à dire que, de mon point de vue, le nier est une trahison ».

C’est la première fois que M. Ramaphosa s’exprimait sur le sujet depuis les commentaires faits par M. De Klerk la semaine dernière dans une interview à la radio-télévision publique SABC.

L’ex-président, qui a depuis fait son mea culpa, avait provoqué une vive polémique en « niant » la gravité de l’apartheid, tombé officiellement en 1994.

« L’idée que l’apartheid ait été un +crime contre l’humanité+ était et reste un projet de propagande lancé à l’initiative des Soviétiques et de leurs alliés de l’ANC (Congrès national africain, qui luttait contre le régime est est parvenu au pouvoir en 1994), et du Parti communiste pour stigmatiser les Sud-Africains blancs en les associant à de réels crimes contre l’humanité qui incluent généralement (…) le massacre de millions de personnes », avait-il affirmé.

Ces propos avaient déclenché une très vive polémique en Afrique du Sud, profondément meurtrie par des décennies de régime ségrégationniste où la majorité noire n’avait pas les mêmes droits que la minorité blanche.

Les parlementaires du parti de gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (EFF) avaient dénoncé la présence de M. De Klerk le 13 février dans l’hémicycle, lors du discours annuel de la nation du président Ramaphosa.

Pur produit du régime de l’apartheid, Frederik De Klerk en avait précipité la chute en libérant en 1990 Nelson Mandela, héros de la lutte contre ce régime et avec qui il a partagé le prix Nobel de la paix en 1993.

Arabie: Pompeo visite les troupes américaines lors d’une visite axée sur l’Iran

Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a rendu visite aux troupes américaines stationnées en Arabie saoudite jeudi après s’être entretenu avec le roi Salmane au deuxième jour d’une visite focalisée sur les moyens de contrer l’Iran.

Les Etats-Unis ont envoyé des renforts militaires au Moyen-Orient et notamment en Arabie saoudite, sur la base aérienne Prince Sultan à environ 80 kilomètres au sud de la capitale saoudienne, après une série d’attaques dans le Golfe imputées à l’Iran par Washington et Ryad.

« La visite de Pompeo souligne la relation de longue date entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis en matière de sécurité et réaffirme la détermination de l’Amérique à se tenir aux côtés de l’Arabie saoudite face au comportement pernicieux de l’Iran », a indiqué le département d’Etat américain dans un communiqué.

« En réponse aux attaques et à la demande de l’Arabie saoudite, les Etats-Unis ont déployé un (système de) défense antimissile et des avions de combat dans le cadre d’une mission défensive de dissuasion pour protéger (le royaume) contre toute future attaque », selon le texte.

Cette visite de trois jours de M. Pompeo en Arabie saoudite, allié majeur des Etats-Unis dans la région, intervient plus d’un mois après un pic de tensions entre Washington et Téhéran consécutif à la mort du puissant général iranien Qassem Soleimani dans une frappe américaine à Bagdad le 3 janvier.

Les tensions se sont ensuite accrues après des frappes iraniennes sur deux bases abritant des soldats américains en Irak, faisant craindre à des pays du Golfe des représailles iraniennes en raison de la présence de troupes américaines sur leur sol.

Les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran, croissantes depuis le retrait unilatéral de Washington en mai 2018 de l’accord international sur le nucléaire iranien de 2015, avaient déjà atteint un pic l’année dernière après des attaques de tankers dans le Golfe et d’infrastructures pétrolières en Arabie saoudite imputées à Téhéran par Washington et Ryad. L’Iran a nié toute implication.

En Arabie saoudite, Mike Pompeo devait aussi rencontrer le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto du pays, et le ministre de la Défense, le prince Khaled ben Salmane.

M. Pompeo avait affirmé vouloir évoquer lors de sa visite des questions économiques mais aussi la question des droits humains en Arabie saoudite, pays sous le feu des critiques des ONG en raison de la répression contre les militants et opposants.

Syrie: 170.000 civils vivent en plein air ou dans des bâtiments inachevés

Près de 170.000 civils contraints de fuir les bombardements du régime dans le nord-ouest de la Syrie vivent en plein air ou dans des bâtiments inachevés, a affirmé jeudi le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha).

Environ 900.000 personnes -dont ces 170.000 personnes-, en vaste majorité des femmes et des enfants, ont fui les violences depuis début décembre dans la région d’Idleb et ses environs, où les forces gouvernementales et leur allié russe ont repris leur offensive contre les rebelles et les jihadistes, selon l’ONU.

Jamais le pays, en guerre depuis 2011, n’a connu un tel exode sur une période aussi courte. Au total, le conflit syrien a poussé à l’exil des millions de civils et tué plus de 380.000 personnes.

La crise est d’autant plus préoccupante que cette récente vague de déplacements survient en plein hiver avec des températures passant sous le seuil de zéro degré et de la neige dans certaines régions près de la frontière turque.

« Les conditions hivernales très difficiles aggravent la souffrance de ces personnes vulnérables qui ont fui leur maison pour échapper aux violences, la plupart d’entre elles ayant été déplacées de nombreuses fois en neuf ans de conflit », selon l’ONU.

Dans son dernier communiqué jeudi, l’Ocha estime que « près de 170.000 de ceux qui ont été récemment déplacés vivent en plein air ou dans des bâtiments inachevés ».

Selon cet organisme de l’ONU, les camps accueillant une partie des autres déplacés sont bondés et de nombreuses familles doivent mettre leurs tentes sur des terrains avec aucun accès à des services de base comme des toilettes.

Dénonçant une violence « aveugle » dans le nord-ouest du pays, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires Mark Lowcock avait appelé plus tôt cette semaine à un cessez-le-feu pour éviter une catastrophe humanitaire.

Mais mercredi, la Russie s’est opposée à l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une déclaration réclamant une cessation des hostilités et le respect du droit international humanitaire dans cette région, selon des sources diplomatiques.

L’ONU a appelé la Turquie voisine à accueillir ces déplacés, mais ce pays qui accueille déjà quelque 3,7 millions de Syriens depuis 2011 veut éviter un nouvel afflux.

Lesotho: le Premier ministre sera inculpé vendredi pour le meurtre de sa précédente épouse (police)

Le Premier ministre du Lesotho Thomas Thabane sera inculpé vendredi du meurtre de sa précédente épouse, tuée en 2017 dans la capitale Maseru, a annoncé à l’AFP jeudi le numéro deux de la police de ce petit royaume d’Afrique australe.

De son côté, le chef de gouvernement, sous la pression de son parti pour démissionner, a déclaré jeudi qu’il allait quitter ses fonctions « d’ici la fin juillet ».

Cette annonce du Premier ministre a coïncidé avec celle du numéro deux de la police, Paseka Mokete. « Demain matin (vendredi), il a été convenu avec son avocat qu’il (Thomas Thabane) comparaîtra devant la justice et sera formellement inculpé » du « meurtre » de Lipolelo Thabane, sa précédente épouse, a déclaré Paseka Mokete.

« Cela ne signifie pas nécessairement qu’il était présent (au moment du crime), mais qu’il agissait de concert » avec le ou les meurtriers, a-t-il ajouté.

Le 14 juin 2017, Lipolelo Thabane, âgée de 58 ans, avait été assassinée alors qu’elle rentrait chez elle en voiture à Maseru. Ce crime était intervenu deux jours seulement avant la prestation de serment de Thomas Thabane au poste de Premier ministre. Le couple était alors en instance de divorce.

Ce meurtre déstabilise le sommet de l’Etat depuis quelques semaines.

Début février de cette année, l’épouse actuelle du Premier ministre, Maesaiah Thabane, a été inculpée du meurtre de sa rivale. Et le parti au pouvoir, la Convention de tous les Basotho (ABC), a lancé lundi un ultimatum au Premier ministre pour qu’il démissionne d’ici à jeudi.

Thomas Thabane, âgé de 80 ans, a annoncé jeudi qu’il quitterait son poste « à la fin juillet ».

« J’espère que les prochains mois où j’occuperai mon poste donneront suffisamment de temps au parlement et à mon parti pour travailler aux dispositions nécessaires pour la transition », a déclaré le Premier ministre dans une adresse diffusée sur la radio publique.

Cette annonce n’est pas une grande surprise puisque mi-janvier, Thomas Thabane avait prévu qu’il démissionnerait à une date qui restait à préciser.

Après un bras de fer au sommet, la Tunisie pourrait enfin avoir un gouvernement

Une nouvelle mouture du gouvernement a été dévoilée tard mercredi soir par le Premier ministre Elyes Fakhfakh en Tunisie, écartant a priori le spectre de nouvelles élections, au terme d’un bras de fer entre le président Kais Saied et le parti d’inspiration islamiste Ennahdha.

M. Fakhfakh a présenté une liste remaniée par rapport à celle dévoilée quatre jours plus tôt et qui avait été rejetée par Ennahdha. Première force du Parlement avec 54 sièges, cette formation obtient sept portefeuilles mais pas ceux qu’elle escomptait.

Conséquence: plus de quatre mois après la fin des élections, la jeune démocratie tunisienne pourrait enfin être dotée, prochainement, d’un nouveau gouvernement, à la faveur d’un vote à l’Assemblée, où il devra décrocher la majorité de 109 voix (sur 217 sièges).

Quand précisément? Mercredi soir, le chef de l’Etat a adressé un courrier au président du Parlement pour lui demander de fixer une date pour la plénière. Le bureau du Parlement doit se réunir dans les 48 heures après réception de cette correspondance et fixer la date dans un délai ne dépassant par une semaine.

« Enfin, le dénouement! », a titré jeudi le quotidien francophone La Presse, sûr de son fait malgré les multiples rebondissements des derniers mois.

« Si on se réfère aux déclarations des différents partis, il y a une intention d’accorder la confiance », a dit à l’AFP le politologue Selim Kharrat.

– « Tout à fait démocratique » –

Mercredi soir, face aux blocages, des négociations intenses ont continué jusqu’à la dernière minute, avec l’aide de la puissante centrale syndicale UGTT -un médiateur historique-, et l’organisation patronale Utica.

« La période des concertations, malgré ses difficultés et sa complexité, s’est déroulée de façon tout à fait démocratique », a commenté Elyes Fakhfakh.

Alors qu’Ennahdha avait soutenu Kais Saied au second tour de la présidentielle à l’automne dernier, les négociations de l’hiver ont mis au jour de profondes divergences entre les principaux acteurs de la politique tunisienne, tous deux désireux d' »imposer leurs orientations », selon Abdellatif Hannachi, professeur d’histoire contemporaine.

Néophyte en politique mais élu avec un très confortable score, Kaies Saied est un spécialiste du droit constitutionnel très critique du système parlementaire partisan. Il défend notamment une décentralisation radicale du pouvoir.

M. Ghannouchi, lui, est une figure de la classe politique aux commandes depuis la révolution de 2011, qui a toutefois vu son poids électoral s’éroder.

Par pur pragmatisme, il a accédé à la présidence de l’Assemblée (ARP) à la faveur d’une alliance avec son principal adversaire électoral, Qalb Tounes, mené par le sulfureux magnat des médias Nabil Karoui.

– « Lutte pour le pouvoir » –

Dans leur bras de fer, MM. Saied et Ghannouchi ont argué « d’interprétations différentes de la Constitution. Mais, au fond, c’est une lutte pour le pouvoir », avait relevé mardi le quotidien Chourouk.

Saluée lors de son adoption en 2014 comme une avancée majeure sur le chemin de la démocratie, la Constitution tunisienne a en effet donné naissance à un régime hybride, ni parlementaire ni présidentiel, prompt à ce type de blocage.

Au final, si Ennahdha a obtenu sept ministères dans la dernière mouture du gouvernement, il n’a pas eu ceux escomptés, notamment l’Intérieur et la Justice.

Durant le week-end, la formation d’inspiration islamiste avait évoqué une démission de M. Fakhfakh ou une motion de censure contre le gouvernement sortant, deux options lui permettant de proposer une autre figure au poste de Premier ministre.

Mais Kais Saied avait coupé court lundi soir à ces plans, en assénant au passage devant les caméras un cours de droit à un Rached Ghannouchi mal à l’aise. Non sans avoir martelé que l’unique alternative à l’octroi de la confiance au gouvernement Fakhfakh était de se préparer à une dissolution de l’Assemblée.

Ennahdha a justifié mercredi soir sa volte-face par la nécessité de prendre « en considération la situation économique et sociale » du pays et le conflit en Libye voisine.

Les incertitudes politiques des derniers mois pénalisent une économie tunisienne à la fragilité chronique, en laissant de nombreux dossiers en suspens dont celui des négociations avec les bailleurs de fonds.

Quant aux Tunisiens, une décennie après avoir chassé le dictateur Zine el Abidine Ben Ali, ils attendent toujours un gouvernement à même de s’attaquer aux maux socio-économiques qui rongent leur pays.

Brésil: Bolsonaro repousse les limites du politiquement incorrect

Insultes à répétition, attaques misogynes à caractère sexuel: le président brésilien Jair Bolsonaro multiplie les dérapages que ses détracteurs jugent indignes de sa fonction.

Le chef de l’Etat a provoqué une vague d’indignation sans précédent mardi en insinuant qu’une journaliste du très respecté quotidien Folha de S. Paulo, Patricia Campos Mello, aurait tenté d’obtenir un scoop contre lui en échange de relations sexuelles avec sa source.

En termes de misogynie, Jair Bolsonaro n’en est pas à son coup d’essai. En août 2019, il s’en était pris au physique de Brigitte Macron, épouse du président français, qui l’avait vivement critiqué en raison de la recrudescence des feux de forêt en Amazonie.

« Il est de plus en plus évident que le président a besoin d’un traitement thérapeutique de toute urgence », a estimé Paulo Jeronimo de Sousa, président de l’Association Brésilienne de Presse (ABI), considérant les propos de Jair Bolsonaro « lâches » et « embarrassants ».

« Ce comportement misogyne est indigne de la fonction présidentielle et constitue un affront à la Constitution », a-t-il ajouté, réclamant que le procureur-général « prenne les mesures nécessaires » contre Jair Bolsonaro. Celui-ci avait été élu fin 2018 en se présentant comme un candidat antisystème et « politiquement incorrect ».

Ivar Hartmann, professeur de Droit à la Fondation Getulio Vargas (FGV) considère ces propos « déplorables », mais ne croit pas pour autant qu’ils puissent « entraîner des conséquences légales ».

– « Écran de fumée » –

La loi brésilienne prévoit que « porter atteinte à la dignité et l’honneur » de la fonction présidentielle est passible de destitution.

Mais pour qu’une procédure de destitution aboutisse, elle doit être approuvée par les trois cinquièmes des députés, ce que la plupart des analystes jugent peu probable dans le cas de Jair Bolsonaro.

« La gauche va sûrement argumenter que ces propos portent suffisamment atteinte à la dignité de la fonction pour motiver une destitution (…) mais je ne vois pas le Congrès disposé à aller jusque là », estime Ivar Hartmann.

Depuis le début du mois, le président brésilien a adressé deux bras d’honneur à la presse à Brasilia.

Rodrigo Maia, président de la Chambre des Députés, a tiré la sonnette d’alarme mercredi, craignant que l’agressivité du président n’envoie « un signal négatif aux investisseurs ».

« La présidence est contaminée par les incivilités, l’ignorance et le machisme abject de son occupant », a fustigé Folha de S. Paulo dans un éditorial mercredi.

Dans la chronique politique qu’elle signe au journal Estado de S. Paulo, la journaliste Vera Magalhaes a accusé M. Bolsonaro de « dégrader l’image de la fonction présidentielle pour créer un écran de fumée ».

Les agressions verbales du président sont ainsi vues comme un moyen de détourner l’attention de sujets sensibles.

En décembre, quand un journaliste lui a posé une question sur des accusations de corruption pesant contre son fils aîné, le sénateur Flavio Bolsonaro, il a répondu par un commentaire homophobe, lui lançant: « tu as une tête terrible d’homosexuel! ».

« Quand il n’est pas capable de fournir une réponse rationnelle, il répond avec des blagues, souvent offensantes, pour créer un écran de fumée », renchérit Ivar Hartmann, qui souligne que ce ton agressif « plaît au noyau dur de son électorat »

– « Grossièreté inacceptable » –

En ce moment, le sujet sensible pour la famille Bolsonaro est la mort du chef présumé d’une milice paramilitaire soupçonnée d’avoir orchestré l’assassinat de l’élue de gauche Marielle Franco il y a deux ans.

Ex-capitaine du Bope, bataillon d’élite de la police militaire de Rio de Janeiro, Adriano Magalhães da Nobrega avait été décoré en 2005 à l’initiative de Flavio Bolsonaro, qui avait par ailleurs embauché sa mère et son ex-épouse dans son cabinet.

Considéré comme un fugitif, l’ancien policier a été tué le 9 février dans l’Etat de Bahia (nord-est), lors d’une fusillade après avoir ouvert le feu sur les agents qui allaient l’arrêter, selon les autorités locales.

Mais Jair Bolsonaro a évoqué une « exécution sommaire » perpétrée selon lui par des policiers à la solde du gouverneur de gauche Rui Costa.

Lundi, une vingtaine de gouverneurs ont fait part de leur indignation, réclamant plus « d’équilibre, de sagesse et de dialogue » de la part du chef de l’Etat.

Mardi, l’ex-président de centre droit Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) a estimé que les insinuations de Jair Bolsonaro étaient d’une « grossièreté inacceptable ».

Même quand il n’attaque personne, le président brésilien parvient parfois à détourner l’attention avec des déclarations improbables teintées de vulgarité.

En août, il avait par exemple préconisé de « faire caca un jour sur deux » pour préserver l’environnement.

Israël annonce des milliers de nouveaux logements pour colons à Jérusalem-Est

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé jeudi la construction de milliers de nouveaux logements dans des quartiers de colonisation à Jérusalem-Est, secteur palestinien de la ville, moins de deux semaines avant des législatives lors desquelles il joue sa survie politique.

« Nous ajoutons 2.200 logements à Har Homa », a déclaré le Premier ministre dans une vidéo diffusée par son bureau, dans laquelle il apparait à proximité de ladite colonie.

« J’ai fondé ce quartier en 1997 lorsque j’ai été élu Premier ministre, malgré les objections du monde entier », a-t-il ajouté. « Il y a aujourd’hui 40.000 habitants, et nous en ajoutons 10.000. Har Homa sera composée de 50.000 habitants, comme une ville israélienne moyenne ».

M. Netanyahu, en campagne pour les législatives du 2 mars, les troisièmes en moins d’un an, a aussi annoncé la construction de milliers de logements dans un autre secteur de la partie orientale de Jérusalem.

« Mais la nouvelle encore plus importante aujourd’hui est que j’ai approuvé la construction à Givat Hamatos. Cela signifie 4.000 nouveaux logements, 1.000 pour les habitants arabes de Beit Safafa (secteur palestinien à proximité, NDLR) et 3.000 pour des habitants juifs », a-t-il déclaré.

– « Jérusalem unifiée » –

« La construction à Givat Hamatos est un sérieux coup porté à la solution à deux Etats » (israélien et palestinien, NDLR), a estimé sur Twitter l’ONG israélienne anticolonisation « La paix maintenant ».

« C’est le dernier endroit qui permettrait une continuité territoriale entre Bethléem et Jérusalem-Est », a indiqué l’ONG.

Aujourd’hui, plus de 600.000 personnes habitent dans les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. La colonisation de ces territoires, occupés depuis 1967 par Israël, s’est accélérée ces dernières années sous l’impulsion de M. Netanyahu et de son allié à Washington, le président Donald Trump.

Ce dernier a présenté fin janvier son plan pour le Proche-Orient qui prévoit notamment de faire de Jérusalem la capitale « indivisible » de l’Etat d’Israël et de créer une capitale d’un Etat palestinien dans des faubourgs de Jérusalem.

Les Palestiniens veulent faire de l’ensemble de Jérusalem-Est leur capitale et rejettent le projet américain, jugé « historique » par Israël.

« Nous connectons toutes les parties de Jérusalem unifiée, je lève toutes les restrictions et Jérusalem se construit avec nous », a ajouté M. Netanyahu jeudi.

Après un bras de fer au sommet, la Tunisie pourrait enfin avoir un gouvernement

Une nouvelle mouture du gouvernement a été dévoilée tard mercredi soir par le Premier ministre Elyes Fakhfakh en Tunisie, écartant a priori le spectre de nouvelles élections, au terme d’un bras de fer entre le président Kais Saied et le parti d’inspiration islamiste Ennahdha.

M. Fakhfakh a présenté une liste remaniée par rapport à celle dévoilée quatre jours plus tôt et qui avait été rejetée par Ennahdha. Première force du Parlement avec 54 sièges, cette formation obtient sept portefeuilles mais pas ceux qu’elle escomptait.

Conséquence: plus de quatre mois après la fin des élections, la jeune démocratie tunisienne pourrait enfin être dotée, prochainement, d’un nouveau gouvernement, à la faveur d’un vote à l’Assemblée, où il devra décrocher la majorité de 109 voix (sur 217 sièges).

Quand précisément? Mercredi soir, le chef de l’Etat a adressé un courrier au président du Parlement pour lui demander de fixer une date pour la plénière. Le bureau du Parlement doit se réunir dans les 48 heures après réception de cette correspondance et fixer la date dans un délai ne dépassant par une semaine.

« Enfin, le dénouement! », a titré jeudi le quotidien francophone La Presse, sûr de son fait malgré les multiples rebondissements des derniers mois.

« Si on se réfère aux déclarations des différents partis, il y a une intention d’accorder la confiance », a dit à l’AFP le politologue Selim Kharrat.

– « Tout à fait démocratique » –

Mercredi soir, face aux blocages, des négociations intenses ont continué jusqu’à la dernière minute, avec l’aide de la puissante centrale syndicale UGTT -un médiateur historique-, et l’organisation patronale Utica.

« La période des concertations, malgré ses difficultés et sa complexité, s’est déroulée de façon tout à fait démocratique », a commenté Elyes Fakhfakh.

Alors qu’Ennahdha avait soutenu Kais Saied au second tour de la présidentielle à l’automne dernier, les négociations de l’hiver ont mis au jour de profondes divergences entre les principaux acteurs de la politique tunisienne, tous deux désireux d' »imposer leurs orientations », selon Abdellatif Hannachi, professeur d’histoire contemporaine.

Néophyte en politique mais élu avec un très confortable score, Kaies Saied est un spécialiste du droit constitutionnel très critique du système parlementaire partisan. Il défend notamment une décentralisation radicale du pouvoir.

M. Ghannouchi, lui, est une figure de la classe politique aux commandes depuis la révolution de 2011, qui a toutefois vu son poids électoral s’éroder.

Par pur pragmatisme, il a accédé à la présidence de l’Assemblée (ARP) à la faveur d’une alliance avec son principal adversaire électoral, Qalb Tounes, mené par le sulfureux magnat des médias Nabil Karoui.

– « Lutte pour le pouvoir » –

Dans leur bras de fer, MM. Saied et Ghannouchi ont argué « d’interprétations différentes de la Constitution. Mais, au fond, c’est une lutte pour le pouvoir », avait relevé mardi le quotidien Chourouk.

Saluée lors de son adoption en 2014 comme une avancée majeure sur le chemin de la démocratie, la Constitution tunisienne a en effet donné naissance à un régime hybride, ni parlementaire ni présidentiel, prompt à ce type de blocage.

Au final, si Ennahdha a obtenu sept ministères dans la dernière mouture du gouvernement, il n’a pas eu ceux escomptés, notamment l’Intérieur et la Justice.

Durant le week-end, la formation d’inspiration islamiste avait évoqué une démission de M. Fakhfakh ou une motion de censure contre le gouvernement sortant, deux options lui permettant de proposer une autre figure au poste de Premier ministre.

Mais Kais Saied avait coupé court lundi soir à ces plans, en assénant au passage devant les caméras un cours de droit à un Rached Ghannouchi mal à l’aise. Non sans avoir martelé que l’unique alternative à l’octroi de la confiance au gouvernement Fakhfakh était de se préparer à une dissolution de l’Assemblée.

Ennahdha a justifié mercredi soir sa volte-face par la nécessité de prendre « en considération la situation économique et sociale » du pays et le conflit en Libye voisine.

Les incertitudes politiques des derniers mois pénalisent une économie tunisienne à la fragilité chronique, en laissant de nombreux dossiers en suspens dont celui des négociations avec les bailleurs de fonds.

Quant aux Tunisiens, une décennie après avoir chassé le dictateur Zine el Abidine Ben Ali, ils attendent toujours un gouvernement à même de s’attaquer aux maux socio-économiques qui rongent leur pays.

Allemagne: montée des attaques xénophobes ces dernières années

L’Allemagne, où neuf personnes ont été tuées mercredi soir dans deux fusillades visant des bars à chicha à Hanau (centre) connaît une recrudescence des attaques racistes et antisémites, dont plusieurs meurtrières ces dernières années.

– Des précédents récents –

Le 9 octobre 2019, deux personnes sont tuées et deux gravement blessées lors d’une tentative d’assaut contre une synagogue à Halle (est) le jour du Yom Kippour.

Après avoir échoué à pénétrer dans l’édifice où se trouvaient une cinquantaine de personnes, Stephan Balliet, extrémiste de droite, abat une passante puis un jeune homme dans un restaurant de kébabs. Il avait publié sur internet un « manifeste » exprimant ses vues antisémites.

Le 2 juin 2019, Walter Lübcke, élu local et haut fonctionnaire territorial pro-migrants, membre du parti de la chancelière Angela Merkel, est tué par balle chez lui dans la banlieue de Kassel (centre). Le meurtrier présumé, Stephan Ernst, est lié à la mouvance néonazie.

Le 26 septembre 2016, Nino Köhler, un sympathisant d’extrême droite, fait exploser deux bombes artisanales devant l’entrée d’une mosquée et sur la terrasse d’un centre de congrès à Dresde (Saxe), sans faire de victime. Il est condamné en août 2018 à près de 10 ans de prison.

Le 22 juillet 2016, David Ali Sonboly, Germano-Iranien de 18 ans lié à l’extrême droite et fasciné par Anders Behring Breivik (auteur du massacre de 77 personnes en Norvège en 2011), tue neuf personnes près d’un centre commercial de Munich, puis se suicide.

– Montée des actes racistes –

En 2018, les actes criminels à caractère xénophobe et antisémite ont augmenté de près de 20%, selon le ministère allemand de l’Intérieur, qui a recensé cette année-là 7.701 actes criminels xénophobes et 1.799 antisémites, commis à près de 90% par des auteurs de milieux d’extrêmes droite.

A Dresde, huit néonazis soupçonnés d’avoir voulu perpétrer des attentats contre des étrangers et des responsables politiques sont jugés depuis septembre. Ils figurent parmi les hooligans, néonazis et skinheads de Chemnitz (Saxe), théâtre en août 2018 de dérapages anti-migrants. Dans ce Land, le nombre d’agressions commises par l’extrême droite a bondi de 38% en 2018.

La semaine dernière, 12 membres d’un groupuscule d’extrême droite ont été arrêtés dans le cadre d’une enquête antiterroriste, soupçonnés d’avoir planifié des attaques de grande ampleur contre des mosquées.

– Meurtres d’immigrés dans les années 2000 –

Entre 2000 et 2007, le pays avait connu une série sans précédent depuis 1945 de meurtres de neuf personnes d’origine immigrée, dont huit Turcs ou personnes d’origine turque, et d’une policière, perpétrés par le trio néonazi « Clandestinité nationale-socialiste » (NSU). La seule survivante du groupuscule, Beate Zschäpe, a été condamnée en juillet 2018 à la prison à perpétuité.

L’affaire a été marquée par une cascade de scandales autour de l’enquête, qui a longtemps suivi la seule piste des « règlements de compte communautaires », ainsi que des services de renseignements intérieurs, censés disposer d’indics dans les milieux néonazis et vivement critiqués pour leur aveuglement.

Le président Tebboune promet un « changement radical » en Algérie (média)

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a succédé en décembre à Abdelaziz Bouteflika, chassé par la rue, réclame du temps pour opérer le « changement radical » promis en matière de fonctionnement de l’Etat, dans un entretien au quotidien français Le Figaro publié jeudi.

C’est la première interview accordée à un média étranger par M. Tebboune depuis son élection le 12 décembre, lors d’une présidentielle refusée par le « Hirak » -le « mouvement » populaire inédit de contestation qui agite l’Algérie depuis un an- et marquée par une abstention record (60%).

« On ne peut pas réformer, réparer, restaurer ce qui a été détruit pendant une décennie en deux mois », explique au Figaro M. Tebboune, plusieurs fois ministre et brièvement Premier ministre -en 2017- durant les 20 ans de présidence de M. Bouteflika.

Le chef de l’Etat qui, après son élection, a « tendu la main » au « Hirak » pour bâtir une « Algérie nouvelle », assure avoir fait des « réformes politiques », et notamment de la révision de la Constitution, sa « priorité ».

« Je suis décidé à aller loin dans le changement radical pour rompre avec les mauvaises pratiques, moraliser la vie politique, et changer de mode de gouvernance », affirme-t-il. « Les limites » sont « celles qui touchent notamment à l’identité nationale et à l’unité nationale. Tout le reste est négociable », promet-il.

« Le deuxième chantier sera celui de la loi électorale » pour, dit-il, donner une légitimité notamment au Parlement, « amené à jouer un plus grand rôle ».

Dans la rue, « les choses commencent à s’apaiser », assure encore M. Tebboune. « Le Hirak a obtenu pratiquement tout ce qu’il voulait »: le départ de M. Bouteflika, des figures de « l’ancien système » et l’arrestation de dirigeants ou hommes d’affaires soupçonnés de corruption…

Si la mobilisation semble avoir baissé depuis décembre, les manifestations continuent de drainer chaque semaine une foule nombreuse réclamant toujours le démantèlement du « système » qui dirige l’Algérie depuis son indépendance en 1962 et dont le chef de l’Etat est perçu comme un pur produit.

Mais M. Tebboune se défend d’être -comme l’ont été tous ses prédécesseurs- un président choisi par l’état-major de l’armée, pilier du régime: « Je ne me sens redevable qu’envers le peuple qui m’a élu en toute liberté et transparence. L’armée a soutenu et accompagné le processus électoral, mais n’a jamais déterminé qui allait être le président », assure-t-il.

M. Tebboune est considéré comme un proche du général Ahmed Gaïd Salah, puissant chef d’état-major de l’armée durant 15 ans jusqu’à son décès en décembre. Ce dernier a exercé le pouvoir de fait entre le démission de M. Bouteflika, le 2 avril 2019, et l’élection de M. Tebboune.

Le président algérien assure également dans cette interview vouloir réformer l’économie, qui souffre du faible cours des hydrocarbures et de « l’importation débridée, génératrice de surfacturation, une des sources de la corruption ».

Ouganda: acquittement en appel d’une activiste condamnée pour avoir harcelé Museveni

L’universitaire et militante féministe ougandaise Stella Nyanzi, condamnée à 18 mois de prison en première instance pour avoir harcelé en ligne le président Yoweri Museveni, a été acquittée mercredi en appel.

Mme Nyanzi avait été inculpée et placée en détention en novembre 2018 pour avoir posté sur son compte Facebook des propos jugés « obscènes » à l’encontre du président Museveni et de sa mère, décédée en 2001.

Dans ses commentaires, elle avait fait référence à l’anniversaire du chef de l’État et regretté dans un langage cru que celui-ci ait vu le jour.

En août 2019, elle avait été condamnée à un an et demi de prison pour harcèlement en ligne, même si le tribunal n’avait pas retenu à son encontre l’accusation de « propos offensants ».

En 2017, Mme Nyanzi avait déjà été arrêtée et placée en détention pour avoir notamment comparé le président Museveni, au pouvoir depuis 1986, à une « paire de fesses ».

Le juge Peter Adonyo l’a acquittée mercredi en appel et a également rejeté un appel du parquet concernant l’accusation de « propos offensants ».

L’universitaire s’est adressée aux dizaines de ses partisans réunis devant le tribunal en leur demandant: « Pourquoi étais-je emprisonnée? Pourquoi suis-je restée en prison pendant autant de mois? ».

« Persécution », ont répondu ceux-ci. « Museveni doit partir! Museveni, vous avez été prévenu », a-t-elle ensuite crié, avant que la police n’essaie de disperser ses supporteurs.

Cette initiative a créé la confusion et Mme Nyanzi a semblé s’évanouir. Ses partisans l’ont alors emmenée à l’écart, pendant que les responsables de la prison où elle était détenue exigeaient qu’elles rentrent dans le tribunal pour être formellement relaxée.

Des agents pénitentiaires ont ensuite tenté de l’enlever aux mains de ses soutiens et tiré en l’air à plusieurs reprises, apparemment sans blesser personne, avant que l’universitaire soit finalement évacuée dans une voiture par ses proches.

Chercheuse associée à la prestigieuse université de Makerere à Kampala, Mme Nyanzi est titulaire d’un doctorat sur les sexualités en Afrique.

Interrogée par l’AFP courant 2017, elle justifiait le recours à un vocabulaire cru: « Les paroles dites vulgaires sont parfois la meilleure option pour faire passer un message ».

Ses commentaires sur Facebook, où elle est suivie par plus de 200.000 personnes, divisent la société ougandaise, un pays largement conservateur mais dont une partie de la population, notamment au sein de la jeunesse, souhaite le départ du président.

Le président Museveni dirige le pays d’une main de fer depuis 1986. Ses opposants l’accusent d’être de plus intolérant à toute forme de critiques et la population a peu confiance dans l’indépendance de la justice.

Les Sud-Soudanais « délibérément affamés » par les parties en guerre (ONU)

L’armée gouvernementale sud-soudanaise et les différents groupes rebelles en guerre ont « délibérément affamé » les habitants du pays, en leur refusant l’accès à l’aide humanitaire et en les forçant à quitter leur foyer, selon un rapport de l’ONU publié jeudi.

La publication de ce rapport intervient à deux jours de la date butoir pour la formation d’un gouvernement d’union nationale, prévue par l’accord de paix signé en septembre 2018 à Addis Abeba.

Elle coïncide également avec une rencontre jeudi à Juba entre le président Salva Kiir et son rival historique Riek Machar pour s’accorder sur les conditions de la formation de ce gouvernement.

« Aujourd’hui au Soudan du Sud, les civils sont délibérément affamés, systématiquement surveillés et réduits au silence, arbitrairement arrêtés et détenus, et se voient refuser l’accès à toute réelle justice », a indiqué dans ce rapport une commission des droits de l’Homme de l’ONU.

Cette commission a été mise en place en 2016 par le Conseil des droits humains de l’ONU afin de rassembler des preuves qui pourraient être utilisées pour poursuivre en justice des auteurs d’atrocités. Elle a étudié les violations des droits humains commises entre la date de la signature de l’accord de paix et décembre 2019.

Les trois membres de la commission ont incriminé « des élites prédatrices et qui ne rendent aucun compte » à la population, laquelle souffre énormément depuis le déclenchement de la guerre civile en décembre 2013.

La commission a dénoncé les multiples querelles et délais dont le processus de formation d’un gouvernement d’union nationale a fait l’objet, dus selon elle à un « manque de volonté politique ».

« Les élites politiques continuent à négliger l’immense souffrance de millions de civils », a-t-elle observé.

Le Soudan du Sud a sombré dans la guerre civile en 2013, deux ans après son indépendance du Soudan, lorsque M. Kiir, un Dinka, a accusé M. Machar, son ex-vice-président, membre de l’ethnie nuer, de fomenter un coup d’État.

Le conflit, marqué par des affrontements communautaires, des atrocités et le recours au viol comme arme de guerre, a fait plus de 380.000 morts et provoqué une crise humanitaire catastrophique.

– ‘Beaucoup d’inquiétude’ –

L’application de l’accord de paix reste entravée par le recrutement continu d’enfants soldats par les forces gouvernementales et rebelles, par des violences localisées qui ont fait des centaines de mort en 2018 et 2019, par les violences sexuelles et la corruption, a établi la commission.

« La commission remarque avec beaucoup d’inquiétude qu’au-delà des facteurs climatiques, aussi bien les forces gouvernementales que les forces armées ont poursuivi des politiques responsables de la famine de la population à Wau et dans l’État de l’Unité », dans le nord du pays, ajoute le rapport.

« Le refus de laisser accéder l’aide humanitaire et les déplacements forcés, favorisés par des manœuvres illégales, ont aggravé de manière importante la famine en différents endroits du pays, privant des centaines de milliers de civils de droits vitaux, comme l’accès à la nourriture », souligne encore la commission.

L’accord de paix de 2018 est la plus récente tentative de mettre fin au conflit et de pousser MM. Kiir et Machar à gouverner ensemble. Les deux précédentes expériences se sont achevées dans un bain de sang.

La formation de ce gouvernement d’union nationale a déjà été repoussée deux fois en raison de désaccords portant notamment les arrangements sécuritaires, le cantonnement des forces gouvernementales et rebelles, et la question centrale du nombre d’États régionaux.

La commission note encore que les combats continuent dans la région de l’Équateur (sud) entre l’armée gouvernementale et plusieurs groupes rebelles. Ces violences ont causé la mort d’au moins 531 personnes entre février et mai 2019, et favorisé la corruption, selon elle.

« La corruption a rendu plusieurs officiels extrêmement riches aux dépens de millions de civils affamés », indique aussi le rapport, selon lequel des millions de dollars de taxes publiques ont été détournés.

Gouvernement et groupes rebelles ont continué à recruter des enfants soldats: 19.000 pendant la période observée selon la commission.

De même, quelque 2,2 millions d’enfants n’ont pas été scolarisés et 30% des écoles sont restées fermées.

En Syrie, des enfants traumatisés par la guerre et ballottés par l’exil

Moustapha, 12 ans, et Ines, 9 ans, aident leurs parents à charger le pick-up avant de fuir, une nouvelle fois, l’offensive meurtrière du régime dans le nord-ouest de la Syrie. Soudain, un bombardement à quelques rues de là sème la panique.

Instinctivement, Moustapha rentre la tête dans les épaules et se précipite dans le véhicule où sont empilés tapis et couvertures, suivi par sa soeur terrorisée qui se bouche les oreilles.

Une scène banale pour cette région, où les tirs d’artillerie et raids aériens du régime et son allié russe ont provoqué depuis deux mois un exode d’une ampleur sans précédent.

« Notre vie se résume à ça: des bombardements et la peur », lâche Abou Mohamed, le père de Moustapha et Inès.

La famille vivait depuis à peine un mois à Daret Ezza, dans la campagne vallonnée de l’ouest de la province d’Alep, un secteur dominé par des jihadistes et des rebelles visés par l’offensive du régime.

Originaire du sud de la province voisine d’Idleb, Abou Mohammed ne compte plus le nombre de fois où sa famille a été déplacée par les violences.

« C’est notre peur pour les enfants qui nous pousse à partir », lâche le quinquagénaire aux cheveux poivre et sel.

– « Elle hurle » –

Lorsque la famille est arrivée à Daret Ezza, elle a pris ce qui se présentait comme hébergement: un atelier aux murs noircis, où l’unique pièce était séparée de la cour par une bâche déchirée.

« C’est tout ce qu’on pouvait s’offrir », explique Abou Mohamed, qui raconte que les enfants, déjà affaiblis, ont souffert de la grippe et d’autres maladies.

Depuis début décembre, près de 900.000 personnes selon l’ONU, en majorité des femmes et des enfants, ont été déplacées par l’offensive du régime lancée contre la province d’Idleb et les territoires limitrophes, ultime grand bastion jihadiste et rebelle de Syrie.

« On ne peut calmer les enfants quand ils entendent le bruit d’un avion ou d’un obus », poursuit Abou Mohamed.

Inès, petite chose emmitouflée dans un anorak sombre et bonnet vert enfoncé sur la tête, est la plus traumatisée des quatre enfants encore à la maison, selon son père.

La nuit, elle met sa tête sous l’oreiller pour ne pas entendre les avions.

« Elle se fige totalement pendant les bombardements », raconte Abou Mohamed. « Je lui bouche les oreilles et je lui dit +n’ai pas peur, c’est loin d’ici, il n’y aura pas de frappes+. Mais elle hurle et elle pleure », soupire le père.

La famille ne sait pas encore où elle va vivre, mais elle va rallier la région d’Aazaz, au nord de Daret Ezza, et considérée comme plus sûre car située à la frontière turque.

« On logera peut-être avec mon cousin qui a pris une tente en partant », dit Abou Mohammed.

Faute de place dans le pick-up, la famille a été contrainte d’abandonner une cuisinière, des bassines, des marmites et une machine à coudre. Et comme la cabine ne peut accueillir tout le monde, certains doivent faire le voyage dans l’arrière du véhicule, juchés sur un tas d’affaires.

– « Comment les calmer? » –

Les organisations humanitaires ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur les traumatismes psychologiques subis en Syrie par les enfants, qui perdent leur maison, leur école, et voient parfois mourir leurs proches.

L’ONG Save the Children, qui a fait état de la mort de sept enfants dans le nord-ouest, dont un bébé, a averti que le nombre de décès pourrait augmenter vu les conditions « inhumaines » dans lesquelles vivent les déplacés.

Plus de 400 civils, dont 112 enfants, ont par ailleurs été tués depuis la mi-décembre dans les bombardements, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

A Daret Ezza, Abou Ahmed se prépare lui aussi à prendre la route avec ses cinq enfants, dont le plus jeune a sept ans.

Aidé par un de ses fils, un rouquin à la silhouette frêle, il charge une camionnette de ses maigres possessions sans savoir où il va aller.

Les enfants sont « terrorisés », par les bombardements, confie-t-il. Il se souvient encore des frappes particulièrement violentes dans la nuit de lundi.

« Les enfants ont couru se réfugier dans les bras de leur mère et dans les miens », raconte-t-il. « Ils hurlaient et ils pleuraient, on ne savait pas comment les calmer ».

Comment le coronavirus se propage aux multinationales

Importatrice vorace de matières premières, usine du monde, grande consommatrice de luxe et de voyages…. La Chine est incontournable d’un bout à l’autre des chaînes de production des multinationales, désormais bouleversées par l’épidémie de coronavirus.

Ogre des matières premières

Une chute de 0,3 point de croissance cette année de la deuxième économie mondiale aurait un impact presque identique (-0,2 point) sur l’ensemble de la croissance mondiale, a indiqué Deutsche Bank. Autant dire que les pays exportateurs de matières premières seraient directement touchés par le ralentissement de l’activité du géant asiatique. Selon l’assureur-crédit Coface, le géant asiatique absorbe près de 14% de la production mondiale de pétrole. L’action du géant pétrolier saoudien Aramco a d’ailleurs perdu la plupart des gains réalisés depuis son introduction à la Bourse de Ryad en décembre.

La Chine engloutit aussi près de 40% de la production mondiale de métaux. Avec des usines chinoises au ralenti, les multinationales minières sont forcément exposées: l’australien BHP, plus grand producteur mondial de minerais, a prévenu que la demande de matières premières qu’il produit pourrait être affectée, à moins que l’épidémie ne soit contenue d’ici à fin mars. Certains pays, à l’image du Chili, qui extrait presque un tiers du cuivre mondial, sont exposés. Des répercussions sont aussi à craindre pour les produits agroalimentaires, ainsi le soja, dont le Brésil est premier producteur mondial.

Usine du monde

Depuis une trentaine d’années, la Chine est devenue l’usine du monde. Elle est incontournable pour la production de téléphones portables, d’écrans plats, d’ordinateurs, de pièces détachées pour les voitures et de nombreux autres objets. L’agence Fitch a revu à la baisse sa notation de « tous les fabricants de composants électroniques », directement touchés par la fermeture de nombreuses usines en Chine. Apple a fait état de difficultés d’approvisionnement en iPhones, fabriqués en Chine.

Le groupe français d’équipement et services énergétiques Schneider Electric, dont l’usine de Wuhan n’a toujours pas redémarré, a estimé à 300 millions d’euros les pertes attendues au premier trimestre.

Le géant danois du transport maritime AP Moeller—Maersk s’attend à un début d’année « faible » du fait d’une fermeture plus longue que d’habitude des usines en Chine.

Du côté de l’automobile, Fiat Chrysler a annoncé l’arrêt provisoire de son usine de Kragujevac en Serbie « à cause d’un manque de disponibilité de certains composants en provenance de Chine ». Le japonais Toyota et l’allemand Volkswagen ont dû interrompre la production dans leurs usines d’assemblage. Le sud-coréen Hyundai a, lui aussi, dû interrompre sa production.

L’épidémie provoquée par le coronavirus peut aussi entraîner des problèmes d’approvisionnement de médicaments en Europe car une « grande partie » des « principes actifs pharmaceutiques » est fabriquée en Asie, a prévenu l’Académie française de pharmacie.

Consommatrice avide

Au fil des années, avec l’émergence d’une classe moyenne, la Chine passe progressivement d’une économie de production à celle de consommation. Ce marché de plus d’un milliard d’habitants est devenu incontournable. Apple, déjà perturbé par l’épidémie au niveau de ses approvisionnements, souffre aussi en bout de chaîne puisque la demande pour ses produits, dont les Chinois sont friands, baisse.

Des chaînes comme Starbucks, pour qui la Chine est le second marché mondial, y ont fermé de nombreux points de vente. L’équipementier sportif Adidas a vu ses activités en Chine reculer de 85% sur un an depuis la fin janvier.

L’industrie du luxe est secouée. Kering (Gucci, Yves Saint Laurent, etc) a enregistré une forte baisse de ses ventes en Chine continentale et la maison d’habillement Burberry a averti d’un « impact négatif important ».

Le secteur du tourisme est directement concerné par la mise en quarantaine de douzaines de villes chinoises et l’interdiction des voyages organisés de Chinois vers l’étranger. Selon les chiffres de la Coface, les touristes chinois dépensent chaque année 130 milliards de dollars dans le monde.

Le trafic aérien a également subi les effets de l’épidémie. Plusieurs compagnies aériennes, dont Air France, British Airways, Air Canada, Lufthansa ou Delta, ont suspendu leurs vols vers la Chine continentale. Air France-KLM a d’ailleurs estimé jeudi entre 150 et 200 millions d’euros le manque à gagner dû à la suspension des vols du groupe vers la Chine de février à avril.

Dans le secteur du tourisme, le groupe hôtelier Accor a indiqué avoir fermé 200 hôtels sur les 370 que compte son réseau en Chine et à Hong Kong.

Jean Daniel, grand journaliste et grande conscience de gauche

Grande conscience de gauche, Jean Daniel a vécu en osmose avec Le Nouvel Observateur, qu’il a fondé en 1964 avec Claude Perdriel et qu’il a longtemps dirigé, exemple rare de longévité dans la presse française.

Jusqu’à un âge très avancé, cette plume redoutée et brillante aura signé l’éditorial de l’hebdomadaire, rebaptisé L’Obs en 2014 et alors cédé au groupe Le Monde. Avec son profil d’aigle, il n’avait rien perdu de sa belle allure même si sa figure de « commandeur » et son narcissisme ont pu parfois agacer.

Jean Daniel, que l’historien Pierre Nora a qualifié de « dernière figure du journalisme inspiré », a rencontré tous les grands de ce monde.

En 1963, c’est en plein déjeuner, à Cuba, avec Fidel Castro qu’il apprend la mort de John F. Kennedy, avec lequel il vient d’avoir un entretien. « Kennedy était un ennemi auquel on s’était habitué. C’est une affaire très grave », lui dit le « Lider maximo ».

Il a été l’ami de Pierre Mendès-France, Michel Foucault, François Mitterrand, avec lequel il eut, comme tant d’autres, des relations compliquées, ou Albert Camus, en dépit de leur désaccord sur le dossier algérien.

Également écrivain et essayiste, il a signé une trentaine de livres, depuis « L’erreur », roman paru en 1952 salué par Camus, à « Mitterrand l’insaisissable » en 2016. Ses « Œuvres autobiographiques » (cinq ouvrages) ont été rassemblées en 2002 en un seul volume de 1.700 pages.

– Blessé à Bizerte –

L’Algérie, où il naît le 21 juillet 1920 à Blida, le marque pour la vie.

Élevé dans une famille algérienne de confession juive, Jean-Daniel Bensaïd, nom qu’il abandonne après-guerre pour écrire dans Combat sous le pseudonyme de Jean Daniel, est le dernier de onze enfants. Son père sera une figure adorée, s’émerveillant « chaque jour d’être Français ».

Après avoir combattu dans les rangs de la division Leclerc, il étudie après-guerre la philosophie à la Sorbonne puis entre en 1946 au cabinet de Félix Gouin, président du Gouvernement provisoire. Se situant déjà dans le courant de la gauche non communiste, il fonde, en 1947, Caliban, une revue culturelle.

Au milieu des années 50, Jean-Jacques Servan-Schreiber l’engage à L’Express où il couvre les « événements » d’Algérie. Il y reste huit ans, en devient le rédacteur en chef. Menacé de mort, inculpé pour atteinte à la sûreté de l’état, il défend l’indépendance algérienne.

En 1961, envoyé spécial en Tunisie, il est sérieusement blessé à Bizerte par des tirs de l’armée française.

Après un bref passage au Monde, ce journaliste, déjà auréolé d’une réputation dépassant les frontières françaises, co-fonde en 1964 Le Nouvel Observateur. Commence la grande aventure de sa vie.

« Jamais, nous n’avions pensé que nous réussirions. La formule choisie était assez culturelle, assez intellectuelle pour ne pas dépasser les 40-60.000 exemplaires dans le meilleur des cas », dit-il à l’AFP en 2004. En 1974, il tire déjà à 400.000 exemplaires !

Le tandem qui dirige le titre fait merveille : à Claude Perdriel, la gestion, à Jean Daniel, la rédaction. « Nous avons réussi, confiait ce dernier, à un moment, à réunir autour de nous les plus brillants journalistes d’Europe ».

Les deux hommes sont inséparables, passent leurs vacances ensemble, avant que les liens ne se distendent. Jean Daniel devait épouser Michèle Bancilhon, première femme de Claude Perdriel. Le couple aura une fille, Sara Daniel, future journaliste au Nouvel Observateur.

– « Pessimiste émerveillé » –

Participant à tous les grands débats de l’époque, le magazine défend l’anticolonialisme, publie en une le manifeste des « 343 salopes » pour l’avortement, soutient Mendès-France, Rocard puis Mitterrand, polémique avec le Parti communiste.

Sur le Proche-Orient, malgré son « attachement indéfectible à Israël », Jean Daniel qui, selon lui, refusa trois fois un poste d’ambassadeur proposé par le président Mitterrand, considérait que « les Palestiniens avaient droit à un État ».

Après les révélations d’Alexandre Soljenitsyne sur l’existence des Goulags en URSS, il écrit : « nous ne laisserons jamais à la droite le confortable et unique monopole de la contestation contre les démences des bureaucrates totalitaires ».

En guise de bilan professionnel et intellectuel, Jean Daniel, qui fut membre du conseil supérieur de l’Agence France-Presse, se félicitait d’avoir « entrepris de +dé-marxiser+ la gauche avec des principes de gauche ».

En 2016, ce « pessimiste émerveillé », selon ses mots, assurait : « pour moi, le repos c’est la mort ». Il avait alors 96 ans…

Après un an d’existence, le Hirak algérien s’interroge sur son avenir

Après avoir échoué à empêcher en décembre l’élection d’un successeur au président déchu Abdelaziz Bouteflika, le mouvement de contestation en Algérie, le « Hirak », s’interroge sur son avenir, confronté aux risques d’essoufflement face à un régime qui semble avoir repris la main.

Informel, non structuré, agrégeant autour de deux mots d’ordre essentiels –« Silmyia » (pacifique) et « Qu’ils partent tous! »– un éventail d’opinions disparates, voire de fractures idéologiques, le « Hirak » entre dans sa 2e année avec de nombreuses questions auxquelles il doit répondre rapidement.

Le mouvement est jeune, « tout s’y fait dans la spontanéité, la découverte, l’expérimentation mais aussi dans les clivages », explique à l’AFP Karima Dirèche, historienne spécialiste du Maghreb contemporain. « Il faut apprendre à écouter l’autre, à accepter qu’il soit d’un avis différent, apprendre à négocier des consensus. On n’y est pas encore ».

L’élection en décembre d’un nouveau chef de l’Etat, Abdelamdjid Tebboune, ancien cadre de la présidence Bouteflika et pur produit du « système », paraît avoir enterré la principale revendication du « Hirak »: la fin du régime au pouvoir depuis l’indépendance en 1962 et une « transition » vers des institutions nouvelles.

« La transition politique, on n’y est pas; on est en train d’y réfléchir » au sein de la contestation, assure Mme Dirèche, directrice de recherches au Centre national de recherche scientifique (CNRS, France).

Actuellement, « on est dans quelque chose de très bizarre: la mobilisation est toujours là (…), mais on voit bien qu’il y a une vraie difficulté à passer à autre chose » que ces rassemblements hebdomadaires, relève-t-elle.

– Importantes décisions –

Le « Hirak » doit-il négocier avec un président qui a dit « lui tendre la main »? Doit-il se structurer et désigner des représentants? Doit-il envisager d’autres modes d’action?

« Le mouvement a d’importantes décisions à prendre », confirme Dalia Ghanem, chercheuse au Carnegie Middle East Center de Beyrouth (Liban).

Ses militants ne sont unanimement d’accord que sur les deux principaux mots d’ordre, mais « pas sur les modalités (d’action) ni sur l’institutionnalisation (du mouvement), ni sur le leadership », note la chercheuse.

L’absence de chefs a beaucoup servi la contestation, jusque-là: « Puisqu’ils n’existaient pas, ils n’ont pas pu être incarcérés ni harcelés ou cooptés », comme le faisait le régime pour taire les oppositions, poursuit-elle. Mais cette absence de figures dirigeantes identifiées entrave la capacité du mouvement à négocier avec le pouvoir.

En Algérie, faute de véritables partis d’opposition, de syndicats et de médias indépendants, « les forces d’opposition et de contestation qui auraient pu prendre le relais » n’existent pas, souligne Karima Dirèche.

– Penser à « l’après » –

Pour Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à Paris-I et spécialiste du Maghreb, « la seule option pacifique » pour la contestation « est de reconstruire des organisations politiques ou des associations civiles afin de préparer les élections locales et nationales » et avoir des élus capables de « relayer la parole du +Hirak+ dans les institutions ».

« Le problème est que, malgré leur goût de la chose politique, les Algériens ont une confiance très limitée dans les institutions existantes », constate-t-il.

Le mouvement commence néanmoins à se structurer au niveau local.

En face, le pouvoir est en pleine « régénération », avec un président à nouveau « façade civile d’un régime qui reste aux mains de l’institution militaire », analyse Dalia Ghanem.

Un pouvoir tenté de jouer le pourrissement alors que le « Hirak » n’a plus obtenu gain de cause depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril et le report d’une première tentative de scrutin présidentiel en juillet.

« Les dirigeants (algériens) savent très bien faire ça », observe Mme Dirèche.

En outre, « chaque mouvement social est par définition victime du temps et ne peut continuer éternellement », selon Dalia Ghanem: dès lors, « comment convaincre les gens de continuer à descendre dans la rue chaque vendredi? ».

Il faut donc penser à « l’après ».

Mais, traumatisés par des années de violence politique, les Algériens renâclent à d’autres modes d’actions, comme la grève générale ou la désobéissance civile. Chez les Algériens, « on réfléchit à deux fois avant la confrontation », note Karima Dirèche.

L’historienne ne croit pas à l’essouflement des marches: « Ce mode opératoire permet d’économiser ses forces ». Les défilés sont un moyen de « s’initier à la politique, chose interdite jusqu’à présent et absente des réseaux classiques, à l’école ou à l’université, dans les partis ».

« Les choses sont en train de s’apprendre, s’expérimenter, et bien évidemment tout cela va produire quelque chose. Mais quoi? Comment? Quand? Difficile à dire ».

Pour Akram Belkaïd, journaliste et essayiste algérien, « il faut s’inscrire dans le temps long ».

« Il y a des demandes, des exigences du peuple. Le +Hirak+ est un aiguillon. Il rappelle sans cesse que rien ne va. Tôt ou tard, le régime devra en tenir compte ».

Les fouilles de fosses communes, un enjeu très politique au Burundi

Chargée des fouilles qui ont déjà permis de retrouver les ossements de plus de 6.000 victimes des massacres interethniques de 1972 au Burundi, la Commission vérité et réconciliation (CVR) est accusée de s’immiscer par ce biais dans la campagne pour l’élection présidentielle de mai.

L’excavation fin janvier et début février de six fosses communes situées au bord de la rivière Ruvubu, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Gitega (centre), la nouvelle capitale administrative du pays, a permis d’exhumer les ossements de 6.032 victimes, selon la CVR.

Mais la Ruvubu est loin d’avoir livré tous ses secrets. Une seconde phase de fouilles, qui devrait durer au moins deux semaines, a commencé lundi sur le même site, a indiqué à l’AFP le président de la CVR, Pierre-Claver Ndayicariye.

« Il y a deux (autres) fosses communes confirmées, et nous en avons dix renseignées mais pas encore vérifiées », a-t-il précisé, ajoutant que « des témoins parlent d’autres fosses communes plus loin dans des champs de maïs ».

A sa création en 2014, la commission avait été mise en place pour établir la vérité sur les massacres interethniques ayant frappé le Burundi depuis son indépendance en 1962 jusqu’au 4 décembre 2008, date supposée de la fin de la violence armée dans le pays.

Le Burundi a connu une série de massacres interethniques, qui ont culminé en 1972, et de coups d’Etat, prémices à une longue guerre civile (1993-2006) ayant opposé des rebelles hutu à l’armée, dominée par la minorité tutsi, et fait plus de 300.000 morts.

En janvier, la CVR avait annoncé avoir identifié 142.505 personnes tuées ou portées disparues dans les différentes tragédies qui ont endeuillé le Burundi depuis 1962, et recensé à ce jour plus de 4.000 fosses communes de différentes tailles à travers tout le pays.

– « Enquête approfondie » –

D’après les témoignages recueillis par la commission, les victimes de la Ruvubu « étaient acheminées de la prison de Gitega par camion chaque nuit en mai et juin 1972 », ainsi que des communes environnantes.

Des témoins ont affirmé à l’AFP qu’il s’agissait de membres de l’élite hutu, victimes de la terrible répression menée par le pouvoir tutsi de l’époque, qui a fait entre 100.000 et 300.000 morts selon des associations militant pour la reconnaissance du « génocide hutu de 1972 ».

Mais « ce n’est pas à la CVR de vous dire à ce stade si les victimes sont des Hutu ou des Tutsi, ce sont des Burundais en premier lieu », a affirmé M. Ndayicariye, ajoutant qu’elle doit d’abord mener « une enquête approfondie » pour identifier les victimes et les responsables.

Derrière cette apparente prudence verbale, ce dernier est cependant accusé de manier un double langage par l’opposition et la société civile, qui reprochent à la CVR d’être instrumentalisée par le pouvoir actuel à l’approche de l’élection présidentielle.

« La CVR cible volontairement des fosses communes qu’elle déclare être celles de victimes hutu, alors que tout le monde sait qu’il y a eu une hécatombe de Tutsi en 1993 dans la province de Karusi », proche du lieu des fouilles actuelles, dénonce Emmanuel Nkurunziza, président de la section canadienne de l’organisation AC-génocide Cirimoso.

« La CVR participe ainsi à la campagne électorale du pouvoir CNDD-FDD qui a toujours caressé la fibre ethnique pour rallier à sa cause la majorité hutu », ajoute cet activiste exilé au Canada.

– « Aucune crédibilité » –

Le CNDD-FDD, parti du président burundais Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005 et qui ne se représentera pas en mai, est issu de l’ancienne principale rébellion hutu lors de la guerre civile. Les Hutu représentent 85% de la population du Burundi, contre 14% pour les Tutsi.

Vital Nshimirimana, l’une des figures de la société civile burundaise qui a fui en exil, dénonce « un travail d’exhumation sommaire, des conclusions hâtives sur les victimes et les auteurs sans aucune enquête approfondie ».

Lui aussi estime que la CVR, au service du pouvoir, essaie de « manipuler la vérité (…) pour pouvoir reconnaître officiellement qu’il y a eu un génocide de Hutu en 1972 ».

La CVR est constituée presque exclusivement de membres du CNDD-FDD. Et M. Ndayicariye est l’ancien président de la commission électorale lors des élections controversées de 2010 et 2015.

La présidentielle de 2010 avait été boycottée par l’opposition et la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat controversé en avril 2015, puis sa réélection en juillet de la même année, ont plongé le Burundi dans une crise politique majeure, accompagnée de violences ayant fait au moins 1.200 morts.

« La CVR actuelle ne jouit d’aucune crédibilité ni d’aucune indépendance, parce qu’elle est constituée de militants très zélés » du CNDD-FDD, estime Chauvineau Mugwengezo, le président exilé en Belgique de la CFOR-Arusha, un collectif de partis d’opposition.

La commission, abonde-t-il, « est instrumentalisée pour des raisons électoralistes au risque de raviver la haine ethnique au Burundi ».

Après 20 ans au pouvoir, Poutine incontournable sur les stands touristiques

Après vingt années de pouvoir, des stands de souvenirs russes aux librairies, des matriochkas aux chocolats, le visage de Vladimir Poutine est omniprésent.

Même si les ventes ne sont pas nécessairement colossales, son profil est devenu un élément incontournable du folklore russe proposés aux touristes russes et étrangers. Particulièrement à Saint-Pétersbourg sa ville natale.

En chef de guerre, caressant des animaux sauvages ou chevauchant un ours, Vladimir Poutine s’affiche sur à peu près tout support pouvant être vendu.

Artiste peintre et homme d’affaires, Alexeï Serguienko ne fait pas exception: dans chacun de ses 64 kiosques à souvenirs, situés autour de la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé, on retrouve alignées des poupées gigognes à l’effigie du président.

« Le volume des ventes des souvenirs avec Poutine ne représente que 3-4% (du total), mais c’est stable », souligne M. Serguienko, un fan de l’homme fort de la Russie qui lui a consacré une exposition en 2012, intitulée « Président. Un homme à l’âme bonne ».

On y voyait un Poutine « pop art », portant un enfant sur ses épaules sur fond de soleil flamboyant, ou arrêtant une météorite en costume de super-héros hollywoodien, des tableaux qui jouaient sur l’imagerie du « sauveur de la Nation » régulièrement mise en avant par les autorités.

-‘On s’y est habitués’ –

Aujourd’hui encore, des tablettes de chocolat emballées dans du papier représentant ces oeuvres d’Alexeï Serguienko sont vendues 150 roubles (deux euros) dans des boutiques de Saint-Pétersbourg.

Au Dom Knigi (Maison des livres), la plus grande librairie de Saint-Pétersbourg sur la prestigieuse perspective Nevski, les représentations de Poutine sont aussi inévitables.

Du simple aimant vendu une centaine de roubles au mug à 600 roubles (8,5 euros), « ça fait partie de la gamme des souvenirs, on s’y est habitués », constate Natalia, une vendeuse.

Directeur de la société « Che Guevara », spécialisée dans la vente en ligne de souvenirs à forte consonance politique, Alexeï Ivanov explique que Poutine est désormais identifié aux Russes.

« Le principal, c’est (sa) popularité, le fait qu’il soit très reconnaissable et la relation +spéciale+ (des Russes) avec cet homme », dit-il.

Car malgré une récente baisse de popularité due à la stagnation économique et une douloureuse réforme des retraites, pour la majorité des Russes, il reste, 20 ans après son arrivée au pouvoir, celui qui a sorti le pays du chaos post-soviétique, même si ce fut aux prix de libertés publiques et politiques.

Vladimir Poutine est aussi crédité pour avoir réimposé la puissance russe sur la scène internationale, avec notamment la populaire annexion de la Crimée ukrainienne en 2014.

C’est peu après ce tour de force, qu’Alexandre Savenkov, agent immobilier à Saint-Pétersbourg, a acheté son t-shirt noir à l’effigie du président.

« Je le mets de temps en temps, surtout lorsque je suis en vacances à l’étranger », s’amuse le quadragénaire.

« Poutine est un leader fort, je le respecte pour cela », poursuit-il.

-« Jusqu’à la fin de ma vie »-

Pour Andreï Stepanov, un ingénieur péterbourgois de 60 ans, tout ça c’est trop.

« J’ai déjà l’impression d’habiter en Corée du Nord, le Grand Poutine est partout: à la télé, aux journaux, ses portraits sont dans tous les établissements officiels et même sur les souvenirs, c’est trop », regrette-t-il.

Le Kremlin dit aussi trouver qu’il y a des excès. Son porte-parole, Dmitri Peskov a ainsi jugé « inappropriée » la récente mise en vente à l’aéroport de Saint-Pétersbourg d’imitations d’icônes orthodoxes représentant Vladimir Poutine.

« Nous ne l’approuvons pas. Le président lui-même ne l’approuve pas, on peut difficilement appeler ça des icônes », a-t-il déclaré en réponse à une question de l’AFP.

La présidence russe a néanmoins mis en ligne un site entier de photos et vidéos souvenirs retraçant les 20 années au pouvoir de M. Poutine: en compagnie d’homologues, à la pêche, avec un bébé tigre, l’arme à la main, au volant d’une voiture de course ou commandant des unités militaires.

Les bibelots estampillés Poutine risquent en tout cas de rester incontournables longtemps, regrette Sergueï, qui en vend dans le centre-ville de Saint-Pétersbourg.

« Je me demande si je continuerai à les vendre jusqu’à la fin de ma vie et j’ai peur que la réponse soit positive! », dit le jeune homme d’une trentaine d’années.

Après un an d’existence, le Hirak algérien s’interroge sur son avenir

Après avoir échoué à empêcher en décembre l’élection d’un successeur au président déchu Abdelaziz Bouteflika, le mouvement de contestation en Algérie, le « Hirak », s’interroge sur son avenir, confronté aux risques d’essoufflement face à un régime qui semble avoir repris la main.

Informel, non structuré, agrégeant autour de deux mots d’ordre essentiels –« Silmyia » (pacifique) et « Qu’ils partent tous! »– un éventail d’opinions disparates, voire de fractures idéologiques, le « Hirak » entre dans sa 2e année avec de nombreuses questions auxquelles il doit répondre rapidement.

Le mouvement est jeune, « tout s’y fait dans la spontanéité, la découverte, l’expérimentation mais aussi dans les clivages », explique à l’AFP Karima Dirèche, historienne spécialiste du Maghreb contemporain. « Il faut apprendre à écouter l’autre, à accepter qu’il soit d’un avis différent, apprendre à négocier des consensus. On n’y est pas encore ».

L’élection en décembre d’un nouveau chef de l’Etat, Abdelamdjid Tebboune, ancien cadre de la présidence Bouteflika et pur produit du « système », paraît avoir enterré la principale revendication du « Hirak »: la fin du régime au pouvoir depuis l’indépendance en 1962 et une « transition » vers des institutions nouvelles.

« La transition politique, on n’y est pas; on est en train d’y réfléchir » au sein de la contestation, assure Mme Dirèche, directrice de recherches au Centre national de recherche scientifique (CNRS, France).

Actuellement, « on est dans quelque chose de très bizarre: la mobilisation est toujours là (…), mais on voit bien qu’il y a une vraie difficulté à passer à autre chose » que ces rassemblements hebdomadaires, relève-t-elle.

– Importantes décisions –

Le « Hirak » doit-il négocier avec un président qui a dit « lui tendre la main »? Doit-il se structurer et désigner des représentants? Doit-il envisager d’autres modes d’action?

« Le mouvement a d’importantes décisions à prendre », confirme Dalia Ghanem, chercheuse au Carnegie Middle East Center de Beyrouth (Liban).

Ses militants ne sont unanimement d’accord que sur les deux principaux mots d’ordre, mais « pas sur les modalités (d’action) ni sur l’institutionnalisation (du mouvement), ni sur le leadership », note la chercheuse.

L’absence de chefs a beaucoup servi la contestation, jusque-là: « Puisqu’ils n’existaient pas, ils n’ont pas pu être incarcérés ni harcelés ou cooptés », comme le faisait le régime pour taire les oppositions, poursuit-elle. Mais cette absence de figures dirigeantes identifiées entrave la capacité du mouvement à négocier avec le pouvoir.

En Algérie, faute de véritables partis d’opposition, de syndicats et de médias indépendants, « les forces d’opposition et de contestation qui auraient pu prendre le relais » n’existent pas, souligne Karima Dirèche.

– Penser à « l’après » –

Pour Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à Paris-I et spécialiste du Maghreb, « la seule option pacifique » pour la contestation « est de reconstruire des organisations politiques ou des associations civiles afin de préparer les élections locales et nationales » et avoir des élus capables de « relayer la parole du +Hirak+ dans les institutions ».

« Le problème est que, malgré leur goût de la chose politique, les Algériens ont une confiance très limitée dans les institutions existantes », constate-t-il.

Le mouvement commence néanmoins à se structurer au niveau local.

En face, le pouvoir est en pleine « régénération », avec un président à nouveau « façade civile d’un régime qui reste aux mains de l’institution militaire », analyse Dalia Ghanem.

Un pouvoir tenté de jouer le pourrissement alors que le « Hirak » n’a plus obtenu gain de cause depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril et le report d’une première tentative de scrutin présidentiel en juillet.

« Les dirigeants (algériens) savent très bien faire ça », observe Mme Dirèche.

En outre, « chaque mouvement social est par définition victime du temps et ne peut continuer éternellement », selon Dalia Ghanem: dès lors, « comment convaincre les gens de continuer à descendre dans la rue chaque vendredi? ».

Il faut donc penser à « l’après ».

Mais, traumatisés par des années de violence politique, les Algériens renâclent à d’autres modes d’actions, comme la grève générale ou la désobéissance civile. Chez les Algériens, « on réfléchit à deux fois avant la confrontation », note Karima Dirèche.

L’historienne ne croit pas à l’essouflement des marches: « Ce mode opératoire permet d’économiser ses forces ». Les défilés sont un moyen de « s’initier à la politique, chose interdite jusqu’à présent et absente des réseaux classiques, à l’école ou à l’université, dans les partis ».

« Les choses sont en train de s’apprendre, s’expérimenter, et bien évidemment tout cela va produire quelque chose. Mais quoi? Comment? Quand? Difficile à dire ».

Pour Akram Belkaïd, journaliste et essayiste algérien, « il faut s’inscrire dans le temps long ».

« Il y a des demandes, des exigences du peuple. Le +Hirak+ est un aiguillon. Il rappelle sans cesse que rien ne va. Tôt ou tard, le régime devra en tenir compte ».