Hommage solennel à Muhammadu Buhari : le Nigeria pleure un leader emblématique
Daura, 16 juillet 2025 – Le 15 juillet 2025, le Nigeria a rendu un vibrant hommage à l’ancien président Muhammadu Buhari, décédé deux jours plus tôt, le dimanche 13 juillet, dans une clinique londonienne à l’âge de 82 ans. Dans une atmosphère empreinte de recueillement et de dignité, ses obsèques officielles se sont déroulées à Daura, sa ville natale située dans l’État de Katsina, marquant la fin d’un chapitre important de l’histoire politique nigériane. Cet article retrace les moments forts de cette journée historique, les hommages rendus à l’ancien chef d’État et l’héritage qu’il laisse derrière lui.

Dernier adieu : Buhari entame son voyage funèbre sous les honneurs nationaux
La journée du 15 juillet a débuté par l’arrivée de la dépouille de Muhammadu Buhari à l’aéroport international Umaru Musa Yar’Adua de Katsina, peu après 13 h 50, à bord d’un avion présidentiel. Le cercueil, drapé du drapeau vert et blanc du Nigeria, a reçu une garde d’honneur militaire dans une cérémonie empreinte de solennité. Le président actuel, Bola Ahmed Tinubu, accompagné du vice-président Kashim Shettima, de membres du gouvernement, de dignitaires traditionnels et de la famille du défunt, était présent pour rendre un premier hommage. Une foule immense, venue de tout l’État et au-delà, s’est rassemblée dans un silence respectueux, témoignant de l’impact profond de Buhari sur la nation.
Le cortège funèbre a ensuite pris la route pour Daura, à environ 80 kilomètres de Katsina, où des milliers de personnes ont accompagné la dépouille dans un élan de ferveur populaire. La présence de personnalités nationales et internationales, dont le président de la Guinée-Bissau Umaro Sissoco Embaló, le Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine, l’ancien président du Niger Mahamadou Issoufou, et l’ancien vice-président nigérian Yemi Osinbajo, a souligné l’envergure régionale et panafricaine de l’ancien président.

L’ultime repos : L’inhumation discrète d’un leader selon les rites et la tradition
Conformément aux rites musulmans, les autorités ont célébré la prière funéraire (Salatul Janazah) à 17 h dans la grande mosquée de Daura, sous la direction de l’imam Sheikh Salisu Rabiu. Après une brève exposition de la dépouille dans la résidence familiale, Muhammadu Buhari a été inhumé à 17 h 50 dans le jardin de sa maison, un lieu symbolique où il avait coutume de se retirer pour méditer. Ce choix, sobre et personnel, reflète l’austérité et la simplicité qui ont marqué sa vie et son leadership. Une salve de 21 coups de canon a retenti, scellant cet adieu sous les honneurs militaires.
Les autorités ont particulièrement renforcé la sécurité autour de la résidence, avec un dispositif militaire limitant l’accès à un cercle restreint de proches et de dignitaires. Cette mesure, bien que nécessaire, a suscité des frustrations parmi certains membres de la famille, comme Fatima Isah, une nièce de Buhari, qui a exprimé son chagrin de ne pas avoir pu accéder à la cérémonie. « C’était le frère cadet de mon père. Il subvenait à mes besoins, et maintenant il n’est plus là », a-t-elle confié, en larmes.

Deuil national et hommages éloquents : Le Nigeria pleure un patriote
Le président Bola Tinubu, qui a décrété un deuil national de sept jours à compter du 13 juillet, a salué « un patriote, un soldat et un homme d’État » dont l’engagement pour l’unité nationale et la lutte contre la corruption restera gravé dans les mémoires. Dans un communiqué, il a rappelé les contributions de Buhari à la démocratie nigériane, notamment sa victoire historique en 2015, lorsqu’il devint le premier opposant à défaire un président en exercice, Goodluck Jonathan. Tinubu a également convoqué une session extraordinaire du Conseil exécutif fédéral le 15 juillet pour honorer la mémoire de son prédécesseur.
À l’échelle continentale, les hommages ont afflué. Le président tchadien Mahamat Idriss Déby a évoqué « un aîné bienveillant », tandis que le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a salué « un acteur marquant de la vie politique africaine ». Le roi Mohammed VI du Maroc a adressé un message poignant à Tinubu, soulignant les liens personnels et politiques que le Maroc a tissés avec Buhari, ainsi que son rôle dans le renforcement des relations entre Rabat et Abuja. Ces témoignages traduisent le respect unanime pour un homme perçu comme un fervent défenseur de la souveraineté africaine.

L’héritage d’une vie : Le bilan contrasté d’un leader austère
Né le 17 décembre 1942 à Daura, Muhammadu Buhari a marqué l’histoire du Nigeria par une carrière militaire et politique hors norme. Chef d’État militaire entre 1984 et 1985 après un coup d’État, il s’est imposé comme un leader rigoriste, lançant la « guerre contre l’indiscipline » pour restaurer l’ordre et lutter contre la corruption. Renversé en 1985, il est revenu sur la scène politique en 2015, porté par une image d’intégrité et de discipline. Son double mandat (2015-2023) a été marqué par des efforts pour stabiliser l’économie et combattre Boko Haram, bien que des critiques l’aient visé pour des tensions sécuritaires persistantes et une récession économique.
Malgré ces controverses, Buhari reste une figure emblématique, incarnant pour beaucoup un nationalisme fervent et une droiture morale. Son décès, survenu après des années de santé fragile, a suscité une vague d’émotion, mêlée de débats sur son héritage. Comme l’a résumé le politologue nigérian Afolabi Adekaiyaoja, « sa mort suscite de la tristesse chez certains, de la désillusion chez d’autres », reflet d’un pays divisé mais uni dans le recueillement.

Adieu à un géant : le Nigeria se recueille et regarde l’avenir
Les obsèques de Muhammadu Buhari ont été un moment de communion nationale, où le Nigeria a célébré un homme qui, par sa rigueur et son engagement, a façonné son destin. À Daura, sous le ciel du Nord, le jardin de sa résidence est désormais son ultime demeure, un lieu où son esprit de méditation continuera d’inspirer. Alors que les drapeaux restent en berne jusqu’au 20 juillet, le Nigeria se tourne vers l’avenir, portant en lui les leçons d’un leader dont l’austérité n’avait d’égal que son amour passionné pour son pays.
