février 2020 - Page 3 sur 49 - Journal du niger

Somalie: une milice soufi rend les armes après des combats violents

L’armée somalienne a pris d’assaut dans la nuit de vendredi à samedi le camp où s’était repliée une milice soufi, dont les membres et responsables se sont rendus après une journée de combats meurtriers, a-t-on appris de source militaire et auprès d’un témoin.

« Les forces somaliennes ont pris le plein contrôle de la base de la milice et la situation est normale maintenant. Les dirigeants de la milice soufi se sont rendus », a déclaré à l’AFP Abdullahi Ahmed, un commandant de l’armée somalienne.

Des combats, opposant l’armée du gouvernement fédéral à la milice soufi Ahlu Sunna Wal Jamaa (ASWJ) en raison d’un contentieux lié aux dernières élections régionales, avaient éclaté jeudi soir à Dhusamareb, capitale de la région semi-autonome du Galmudug.

Ils s’étaient intensifiés le lendemain et un notable local, Mohamed Moalim Adan, joint au téléphone, avait indiqué à l’AFP qu’au moins 12 personnes avaient été tuées vendredi, dont des civils, et plus de 20 blessées.

Le Parlement du Galmudug avait élu début février président de la région Ahmed Abdi Kariye, un ancien ministre connu sous le surnom de Qoor-Qoor, soutenu par le gouvernement fédéral.

Le processus électoral avait été dénoncé par le chef d’ASW, Sheikh Mohamed Shakir, qui s’était autoproclamé président. Un ancien président du Galmudug, Ahmed Duale, avait aussi revendiqué la victoire en formant son propre Parlement.

« Les combattants soufi ont été vaincus et ont rendu leurs armes. Les forces somaliennes ont le contrôle maintenant et la situation est à nouveau normale », a déclaré Fadumo Warsame, un habitant de Dhusamareb.

Samedi matin, le sheikh Shakir a tenu une conférence de presse, lors de laquelle il a affirmé avoir « décidé de faire un compromis en pensant aux civils, après avoir compris que la situation s’aggravait et conduisait à encore plus de problèmes ».

Le groupe soufi modéré a joué un rôle majeur dans la lutte contre les islamistes radicaux shebab, soutenus par Al-Qaïda, dans le Galmudug. Il a contrôlé ces dix dernières années les villes principales de la région, restée grâce à lui largement à l’abri des attaques des shebab.

En 2017, le sheikh Shakir avait accepté de rejoindre l’administration régionale, mais il s’en était plus tard distancé en raison de désaccords avec son président.

Il avait ensuite donné son accord à une nouvelle élection soutenue par le gouvernement fédéral, avant de changer d’avis et d’accuser ce dernier de manipuler le processus pour imposer une personnalité qui lui soit fidèle.

La Somalie est plongée dans le chaos depuis la chute de l’autocrate Mohamed Siad Barre en 1991, et doit notamment faire face depuis 2007 aux insurgés shebab, qui mènent de nombreux attentats contre des cibles civiles et militaires.

Trump nomme un élu républicain contesté à la tête des services de renseignement

Donald Trump persiste et signe: vendredi, il a nommé un de ses fervents partisans, l’élu républicain John Ratcliffe, à la tête des services de renseignement américains, un peu plus de six mois après avoir été contraint de renoncer à lui confier ce poste délicat.

Le président a annoncé sur Twitter la nomination de cet élu de la Chambre des représentants, âgé de 54 ans, comme directeur du renseignement (DNI). « John est un homme exceptionnel de grand talent », a-t-il assuré.

La cheffe de l’opposition démocrate au Congrès Nancy Pelosi a dénoncé cette nomination arguant que le président américain était en train « d’ignorer des réserves sérieuses » et laissait « la politique et non pas le patriotrisme, guider la sécurité nationale (des Etats-Unis) ».

Donald Trump avait déjà fait part début août de son intention de le promouvoir à ce poste chargé de superviser et de coordonner les activités de la CIA, de la NSA et de 15 autres agences de renseignement.

Mais cet ancien maire d’une banlieue aisée de Dallas, et procureur fédéral pendant tout juste un an, en 2007, avait été critiqué notamment par l’opposition démocrate, en raison de son manque d’expérience et de son dévouement envers le président.

Il avait également été accusé d’avoir exagéré certains faits d’armes et, même dans les rangs républicains, l’enthousiasme était resté mesuré.

Le milliardaire républicain avait finalement renoncé à choisir M. Ratcliffe, dénonçant au passage « la manière très injuste » dont il avait été traité par les médias.

« La dernière fois que sa nomination a été envisagée, des questions sérieuses avaient été soulevées par les deux partis », a rappelé le sénateur démocrate Mark Wagner. « J’ai du mal à voir ce qui a changé depuis », a assené dans un communiqué l’élu, numéro deux de la commission sénatoriale du renseignement.

– Colère –

Suite à cet échec, Donald Trump avait chargé Joseph Maguire, alors chef de l’antiterrorisme, d’assurer l’intérim après le départ le 15 août du DNI Dan Coats avec lequel il avait fréquemment été en désaccord notamment sur la Russie ou la Corée du Nord.

M. Maguire était pressenti pour être confirmé à ce poste, mais un briefing au Congrès par ses services le 13 février a, selon les médias américains, déclenché la colère du président à son encontre.

Lors de cette réunion, une conseillère de M. Maguire aurait fait état devant des élus démocrates de nouvelles ingérences russes dans la campagne de 2020 destinées à favoriser la réélection de l’impétueux président.

Le 19 février, Donald Trump a annoncé qu’il remplaçait M. Maguire par Richard Grenell, l’actuel ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne.

Agé de 53 ans, ce fidèle soutien de Donald Trump avait fâché de nombreux responsables allemands par ses prises de position peu diplomatiques et son arrivée avait été perçue comme une reprise en main de la part des services de renseignement par la Maison Blanche.

– « Impartial » –

John Ratcliffe doit encore être confirmé par le Sénat, où les républicains sont majoritaires.

Le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer les a appelés à joindre leurs voix à celle de l’opposition pour rejeter sa candidature.

« A un moment où les Russes interviennent dans nos élections, nous avons besoin d’un leader impartial à la tête de la communauté du renseignement, qui voit le monde avec objectivité et dise la vérité au pouvoir. Malheureusement ni le directeur par intérim Grenell ni l’élu Ratcliffe ne s’en approchent », a-t-il écrit dans un communiqué.

Le chef républicain de la commission du renseignement de la chambre haute, Richard Burr est resté prudent. « Nous avons besoin d’un directeur national du renseignement permanent, et non intérimaire. J’attends de recevoir la nomination officielle de l’élu Ratcliffe pour l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat », a-t-il simplement commenté.

Deux décennies d’interventionnisme américain se referment avec l’accord avec les talibans

L’accord que les Etats-Unis s’apprêtent à signer samedi avec les talibans pour sortir de la plus longue guerre de leur histoire incarne un tournant diplomatique majeur: l’essoufflement de l’interventionnisme américain à travers le monde.

La « guerre contre le terrorisme » déclarée par Washington au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 n’a longtemps souffert d’aucune contestation dans un pays traumatisé à jamais par l’effondrement des tours jumelles de New York.

Mais avec le temps, les nombreuses vies perdues en Afghanistan et en Irak, ainsi que les milliards de dollars engloutis en dépenses militaires, ont doucement érodé les convictions. Et Donald Trump s’est installé à la Maison Blanche après avoir promis de mettre un terme aux « guerres sans fin ».

L’accord que les Etats-Unis doivent parapher samedi au Qatar avec les talibans préparera le terrain à un retrait des troupes américaines d’Afghanistan, dont le sort, après deux décennies de conflit, sera désormais pendu aux négociations incertaines entre les insurgés et le gouvernement de Kaboul.

Adam Wunische, spécialiste de l’Afghanistan à l’Institut Quincy pour une gouvernance responsable, un nouveau think-tank de Washington anti-interventionniste, confirme que les lignes sont en train de bouger, même sur la question afghane, qui a longtemps été taboue aux Etats-Unis.

« La classe politique est terrorisée à l’idée d’une attaque terroriste fomentée en Afghanistan, et de devoir ensuite s’en justifier auprès de l’électorat », explique-t-il, rappelant « la cicatrice » laissée par le 11-Septembre.

« L’élection de Trump n’a pas été un tournant en elle-même, mais une indication qu’il avait eu lieu », estime cependant l’expert, qui voit mal les Etats-Unis revenir en arrière sur la question.

Tous les candidats démocrates en lice pour affronter Donald Trump dans les urnes en novembre se sont prononcés en faveur, à différents degrés, d’un retrait des troupes américaines d’Afghanistan.

« L’idée selon laquelle les bombes pouvaient nous protéger du terrorisme s’est avérée fausse », avance l’élu de la Chambre des représentants Ro Khanna, soutien de Bernie Sanders, grand favori dans la course démocrate à la Maison Blanche.

« Il existait un très large consensus pour dire que les frappes initiales en Afghanistan étaient justifiées. Mais qu’en est-il 20 ans plus tard? », s’interroge-t-il. « Personne n’avait dit que nous voulions transformer la société afghane. »

– Coûts humains et financiers –

Malgré les promesses de Donald Trump sur les « guerres sans fin », plus de 200.000 soldats américains sont toujours déployés aujourd’hui à l’étranger, et des renforts ont encore été envoyés l’an passé au Moyen-Orient.

Tout en affirmant se concentrer dorénavant sur les menaces que représentent à ses yeux la Russie et la Chine, l’administration Trump a engagé un bras de fer acrimonieux avec l’Iran, allant même jusqu’à éliminer dans une attaque de drone l’un de ses puissants généraux.

« Trump n’est pas un isolationniste, mais quelqu’un qui préfère choisir où les Etats-Unis doivent être impliqués », juge un haut diplomate d’un pays allié des Etats-Unis. « Cela semble être une bonne chose jusqu’à ce que le vide laissé soit comblé par d’autres puissances, plus problématiques, comme la Russie ».

C’est le cas de la Syrie, où Moscou soutient militairement le régime de Bachar al-Assad.

La décision de Donald Trump de retirer les troupes américaines du nord du pays, ouvrant la voie à une offensive turque contre des forces kurdes alliées de Washington, lui a valu de nombreuses critiques, jusque dans son camp républicain. Mais peu au sein de ce dernier ont remis en cause un déploiement américain à long terme dans la région.

Depuis le 11-Septembre, les guerres menées par les Etats-Unis ont directement causé la mort de plus de 800.000 personnes et coûté à Washington quelque 6 mille milliards de dollars, selon une étude de l’université Brown.

De quoi faire reculer le soutien des Américains pour l’interventionnisme militaire: 43% d’entre eux pensaient en septembre, dans un sondage de l’institut Gallup, que la guerre en Afghanistan était une erreur dès le départ.

Mais l’usure du temps semble y jouer davantage que la colère: les manifestations d’ampleur sont rares dans le pays pour demander un retrait d’Afghanistan, où 22 soldats américains ont encore péri en 2019.

Le général à la retraite David Petraeus, qui a oeuvré à la fois en Irak et en Afghanistan, estime que les Etats-Unis peuvent se permettre des déploiement à long terme à l’étranger, à condition de minimiser « les coûts humains et financiers ».

Les deux dernières décennies ont montré selon lui que les « régions mal ou non gouvernées du monde musulman, notamment dans le grand Moyen-Orient », offraient un terreau fertile aux « extrémistes islamistes ».

« Il n’est pas possible d’attendre sans rien faire que le problème s’en aille », a-t-il insisté devant l’auditoire, sceptique, du think-tank anti-interventionniste Quincy Institute.

Roman Polanski, la gloire et l’opprobre

Roman Polanski, qui a reçu vendredi le César de la meilleure réalisation pour « J’accuse » , est un cinéaste multirécompensé à l’oeuvre anti-conformiste, devenu pour beaucoup un symbole des agressions sexuelles impunies alors qu’il est visé par plusieurs accusations de viol.

Réalisateur, acteur, scénariste et producteur, il a bâti en une vingtaine de longs métrages une oeuvre souvent dérangeante, tourmentée et pessimiste, marquée par des thématiques comme l’enfermement, la perversion et la persécution, et d’une grande maîtrise technique.

Une carrière jalonnée de films marquants, comme « Répulsion », « Rosemary’s Baby », « Tess », « Le Pianiste » ou « The Ghost Writer ».

Récompensé à travers le monde, il a obtenu le Grand prix du jury à Venise en 2019 pour « J’accuse », la Palme d’or à Cannes en 2002 et l’Oscar du meilleur réalisateur en 2003 pour « Le Pianiste », deux fois le César du meilleur film pour « Tess » et « Le Pianiste », et cinq fois celui du meilleur réalisateur.

Mais le cinéaste franco-polonais de 86 ans est aussi un homme visé par plusieurs accusations de viol – 12 selon les féministes – qu’il réfute.

Toujours poursuivi par la justice américaine pour des relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977, il est la cible depuis novembre d’une nouvelle accusation, de la part de la photographe française Valentine Monnier, qui dit avoir été frappée et violée par lui à Gstaadt (Suisse) en 1975, à l’âge de 18 ans.

Il est devenu pour les féministes et une partie de l’opinion publique un « cas exemplaire » d’abus sexuels impunis, selon l’expression de l’actrice française Adèle Haenel.

– « ligne de partage » –

Né le 18 août 1933 à Paris de parents juifs polonais qui retournent en Pologne alors qu’il n’a que trois ans, Roman Polanski est marqué par son enfance dans le ghetto de Cracovie.

Il évite de justesse la déportation, contrairement à ses parents et à sa demi-soeur. Sa mère, enceinte, ne reviendra pas d’Auschwitz. Il sera plus tard confié à une famille de paysans jusqu’à la fin de la guerre.

Il tirera de cette expérience son film le plus personnel, « Le Pianiste », où Adrien Brody campe un survivant du ghetto de Varsovie. « J’ai parfois l’impression, dira-t-il, que tout ce que j’ai fait avant était une espèce de répétition du +Pianiste+ ».

Diplômé de l’institut du cinéma de Lodz (Pologne) en 1959, le jeune Roman Polanski commence sa carrière en 1962 avec un thriller psychologique, « Le Couteau dans l’eau », mal vu dans son pays mais qui lui ouvre les portes de l’Occident.

Le succès en 1965 de « Répulsion », avec Catherine Deneuve en meurtrière démente, est son passeport pour Hollywood.

L’aventure américaine dure une décennie, parcourue de bonheurs – succès, mariage avec l’actrice Sharon Tate rencontrée sur le tournage du « Bal des Vampires » – et de cauchemars.

Le 9 août 1969, alors qu’il se trouve à Londres, son épouse, enceinte de huit mois, est retrouvée assassinée à Los Angeles avec quatre de ses amis par des satanistes disciples de Charles Manson.

Huit ans plus tard, à 43 ans, il est arrêté, accusé d’avoir drogué et violé la veille une adolescente de 13 ans, Samantha Geimer, lors d’une séance photo dans la villa de Jack Nicholson.

Le cinéaste, qui nie le viol mais plaide coupable de « rapports sexuels illégaux » avec une mineure, passe un mois et demi en prison. Une fois sorti, craignant une peine plus sévère, il s’enfuit des Etats-Unis début 1978 pour la France.

–  » fruits verts » –

Roman Polanski confiera plus tard à un journaliste français son attirance pour les « fruits verts »: « J’aime les très jeunes filles, d’abord parce qu’elles sont plus belles, c’est évident, mais surtout parce qu’elles satisfont mon désir de pureté et de romantisme ».

Sous le coup d’un mandat d’arrêt, il sera rattrapé par l’affaire Samantha Geimer à plusieurs reprises, notamment en 2009, quand il est arrêté en Suisse et assigné à résidence huit mois. La Suisse refuse finalement de l’extrader.

Naturalisé français depuis 1976, le cinéaste, marié depuis 1989 avec l’actrice Emmanuelle Seigner, avec qui il a deux enfants, y poursuit son parcours depuis la fin des années 70.

Il revient au premier plan au début des années 2000 avec « Le Pianiste », puis en 2010 avec le thriller « The Ghost Writer », récompensé par l’Ours d’argent à Berlin et le César du meilleur réalisateur. En 2014, il reçoit ce César pour « La Vénus à la fourrure ».

Mais en 2017, il doit renoncer à présider la cérémonie des César sous la pression des féministes, indignées aussi par une rétrospective qui lui est consacrée à la Cinémathèque.

« J’accuse », sur l’Affaire Dreyfus, remet le feu aux poudres. Le film connaît une sortie mouvementée en France en novembre, avant une nouvelle vague de protestation liée à l’annonce fin janvier de ses 12 nominations aux César.

Après des appels à boycotter le film, les féministes ont protesté vendredi devant la salle Pleyel, lieu de la cérémonie des César. Le cinéaste, lui, a renoncé à y assister.

Ethiopie: critiques envers les méthodes de l’armée contre les groupes armés

Desta Garuma, un conducteur de pousse-pousse de 27 ans, ne s’est jamais vraiment intéressé à la politique. Sa famille ne sait donc pas pourquoi l’armée éthiopienne en est arrivée à la conclusion qu’il était impliqué dans un mouvement rebelle actif en région Oromia.

Mais un jour de janvier, cinq camions remplis de soldats criant qu’ils avaient identifié un shifta, ou bandit, – un euphémisme pour rebelle -, l’ont suivi jusqu’à sa maison.

Pendant que sa mère et sa jeune sœur se cachaient à l’intérieur, Desta était abattu de trois balles dans le dos, selon des témoins.

« Quand j’ai entendu les coups de feu, j’ai crié: +Oh mon Dieu, ils ont tué mon fils », raconte à l’AFP sa mère Likitu Merdasa.

« Mon fils n’était pas quelqu’un qui causait des problèmes. Nous espérions qu’il pourrait améliorer sa vie et la mienne. Mais maintenant, on me l’a pris, et beaucoup trop tôt ».

Cette mort n’est qu’un exemple des nombreux abus que les habitants de Nekemte, les partis d’opposition et les défenseurs des droits de l’homme imputent aux soldats dans ou aux abords de cette ville d’Oromia (ouest).

Pour les leaders communautaires, c’est la population qui souffre le plus de la répression contre les rebelles. Celle-ci s’est intensifiée cette année et prend différentes formes, comme les arrestations de masse, les coupures internet et les restrictions pesant sur les activités politiques.

L’armée éthiopienne récuse les accusations selon lesquelles ses activités mettraient les civils en danger.

Mais pour les habitants de Nekemte, la présence des soldats rappelle les régimes autoritaires passés et ternit l’image du Premier ministre Abiy Ahmed, le prix Nobel de la Paix 2019, qui essaie de mener le pays vers des élections très attendues en août, mais fait face à des violences intercommunautaires qui mettent à l’épreuve son système de fédéralisme ethnique.

Ceci est particulièrement déconcertant pour des Oromo qui s’imaginaient bénéficier de l’arrivée au pouvoir en avril 2018 du réformateur Abiy, premier chef de gouvernement issu de cette ethnie, la plus importante du pays.

– « Éliminer la menace » –

« Quand les réformes sont arrivées, nous espérions tous que ce genre de chose n’arriverait pas aux Oromo », remarque Likitu. « Mais maintenant ils viennent aux portes de nos maisons et tuent nos enfants sous nos yeux ».

L’armée cible l’Armée de libération oromo (OLA), considérée comme responsable d’une série d’assassinats, d’attentats à la bombe, de vols à main armée et d’enlèvements en Oromia.

Auparavant bras armé du Front de libération oromo (OLF), l’OLA a coupé les liens avec ce parti d’opposition, qui avait passé des années en exil, quand l’OLF a été autorisé à rentrer en Ethiopie après la prise de fonction de M. Abiy. L’OLA compterait quelques milliers de membres.

Le gouvernement ne s’est pas épanché sur les opérations militaires à Nekemte et dans la région alentour, appelée Wollega.

Mais les efforts de contre-insurrection paraissent avoir redoublé d’intensité depuis janvier, observe William Davison, analyste spécialiste de l’Éthiopie pour l’International crisis group (ICG).

« Il semble que le gouvernement a décidé de faire un effort accru pour complètement éliminer la menace des groupes armés dans la zone », estime-t-il.

Le général Tilahun Ashenafi, chargé des relations extérieures pour l’armée nationale, a défendu l’action militaire en disant n’avoir pas entendu parler de civils tués.

Les soldats agissent « comme il se doit dans cette région pour faire disparaître les éléments opposés à la paix », a-t-il affirmé à l’AFP.

Mais pour nombre d’habitants de Nekemte, c’est bien l’armée et non la rébellion qui est source d’instabilité.

– « Colère contre le gouvernement » –

Asfaw Kebede, un responsable communautaire âgé de 60 ans, dit s’être alarmé l’an passé des arrestations sans chef d’accusation de jeunes gens dans le palais Kumsa Moroda, une ancienne attraction touristique transformée selon les habitants en prison improvisée.

Quand Asfaw a commencé à amener de la nourriture aux détenus, il a été à son tour emprisonné par les soldats dans une cellule obscure pendant six semaines, avec une centaine d’autres prisonniers.

Aucune véritable nourriture ni soin de santé n’était disponible, se remémore-t-il.

Le palais était rempli de serpents et de souris, qui rentraient dans les cellules. Les détenus, effarouchés, se bousculaient pour s’en éloigner et étaient battus à coups de bâton, ajoute-t-il.

Les partis d’opposition subissent aussi la présence militaire. Des dirigeants de l’OLF et du Congrès fédéraliste oromo (OFC) racontent que leurs bureaux ont été fermés à de multiples reprises et certains de leurs membres détenus.

De telles pratiques ont l’effet inverse de celui recherché et renforcent la popularité de l’OLA, estime Tamirat Biranu, chef d’une congrégation évangélique à Nekemte.

« Les jeunes sont très tristes de ce qui arrive et sont en colère contre le gouvernement », déclare-t-il. « A cause de ça, certains d’entre eux rejoignent les rebelles ».

Aussi alarmante soit la situation à Nekemte, elle pourrait être encore bien pire dans les zones rurales situées plus à l’ouest, où le réseau téléphonique est coupé depuis des mois, souligne Asebe Regassa, enseignant à l’université de Wollega.

« Il y a des meurtres quotidiennement dans les zones rurales », affirme-t-il, ajoutant que les paysans craignent de procéder aux récoltes, de peur que les soldats ne les accusent de chercher à nourrir les rebelles.

Les Slovaques votent aux législatives, avant tout contre la corruption

Les Slovaques ont commencé à voter samedi matin pour renouveler leur parlement dans l’espoir de réduire la corruption, imputée notamment aux populistes du gouvernement sortant, cet objectif étant devenu priorité nationale après le meurtre d’un journaliste d’investigation en 2018.

L’assassinat de Jan Kuciak et de sa fiancée Martina Kusnirova, dont un riche entrepreneur lié à des hommes politiques est accusé d’être commanditaire, a mobilisé l’opinion.

Aussi, la plupart des sondages indiquent-ils que le parti populiste de gauche Smer-SD, actuellement au pouvoir, durement touché, pourrait se retrouver à égalité avec OLaNO, un parti d’opposition de centre droit, dont le combat contre la corruption est le principal mot d’ordre.

Selon un sondage de l’institut AKO-Focus, publié cette semaine en République Tchèque voisine pour contourner le silence radio imposé en Slovaquie, OLaNO dépasserait même le Smer-SD de 3,5% des intentions de vote.

« Cet Etat mafieux doit se donner une nouvelle direction », a dit vendredi à l’AFP Dasa Hankova, une vendeuse de Bratislava d’âge moyen. Sa voix ira au chef d’OLaNO, Igor Matovic.

– « Aspiration à la décence » –

« Il s’efforcera de mettre fin à la corruption, c’est la question la plus importante aujourd’hui », a-t-elle ajouté.

Un analyste politique basé à Bratislava, Radoslav Stefancik exprime une opinion similaire : « Cette élection traduit avant tout l’aspiration à la décence en politique ».

« Au lieu de manifester dans les rues contre le parti au pouvoir Smer-SD, les gens le feront dans les bureaux de vote », a-t-il dit à l’AFP.

Le double assassinat avait déclenché en 2018 les plus importantes manifestations contre le gouvernement depuis l’époque communiste. Le Premier ministre d’alors Robert Fico avait été contraint de démissionner, laissant son poste à un proche, Peter Pellegrini.

Le mouvement d’opinion a également propulsé Zuzana Caputova, une avocate libérale et militante anti-corruption peu connue, à la présidence du pays.

Selon l’analyste politique Grigorij Maseznikov, le meurtre du journaliste « a reconfiguré toute la scène politique, avec l’émergence de nouveaux partis libéraux et démocratiques qui ont immédiatement obtenu du soutien ».

« Le scénario le plus probable est la création d’une coalition gouvernementale de centre droit pro-démocratie de six ou même sept partis », ajoute le politologue.

Jurant de partir en guerre contre la démoralisation dès son arrivée au pouvoir, le chef d’OLaNO Igor Matovic semble avoir galvanisé l’indignation du public contre le meurtre de Kuciak et la corruption à haut niveau révélée par l’enquête.

Devenu millionnaire par ses propres moyens, cet ancien patron de presse de 46 ans ayant fondé OLaNO (Gens ordinaires et personnalités indépendantes) il y a une dizaine d’années pourrait prendre la tête du gouvernement s’il parvient à unifier une opposition fragmentée.

– Montée de l’extrême droite –

M. Fico, qui est toujours patron du Smer-SD, a exclu de former une coalition avec le parti d’extrême droite Notre Slovaquie LSNS de Marian Kotleba. Mais il a fait cause commune avec lui il y a quelques jours au parlement pour voter une loi offrant un 13e mois aux retraités, aussitôt dénoncée comme électoraliste par ses adversaires.

« Je voterai pour Fico, c’est un vrai leader. L’opposition fait plein de promesses, mais, dites-moi, qui a fait quelque chose pour la Slovaquie ? » a déclaré à l’AFP Jaroslav, un retraité sexagénaire de Bratislava, préférant de ne pas donner son nom de famille.

De son côté, le LSNS, qui se présente comme un parti anti-élites et affiche son inimitié à l’égard de la minorité Rom, dénonçant les allocations qu’elle perçoit, pourrait porter de dix à vingt le nombre de ses sièges dans la chambre unique.

Son chef Marian Kotleba, 42 ans, ancien gouverneur de la région de Banska Bystrica, est actuellement poursuivi en justice pour incitation à la haine, mais de telles accusations contre lui n’ont jamais abouti dans le passé.

« Eux (les Roms) reçoivent tout gratuitement », a dit Jozef Mikus, un ancien ouvrier d’usine, lors d’un meeting récent du LSNS à Topolcany, une petite ville dans l’ouest de la Slovaquie.

Favorable à la Russie, hostile à l’UE, Kotleba voudrait que la Slovaquie quitte l’Otan.

Les bureaux de vote qui ont ouvert à 6H00 GMT, doivent fermer à 21H00 GMT. Des sondages sortie des urnes devraient indiquer peu après l’orientation de ce scrutin auquel participent 25 partis politiques. Une petite dizaine devraient entrer au parlement.

Bain de foule pour Carles Puigdemont aux portes de l’Espagne

L’indépendantiste catalan Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique après la tentative de sécession de 2017, va rassembler samedi des dizaines de milliers de partisans à Perpignan, dans le sud de la France près de la Catalogne où le contexte politique est sensible.

C’est la première fois que l’ancien président régional catalan se rend ainsi aux portes de l’Espagne depuis son départ à Bruxelles pour échapper aux poursuites de la justice espagnole qui a condamné en octobre à la prison pour sédition plusieurs anciens membres de son gouvernement régional.

Jusqu’à l’obtention récente, à la suite d’une longue bataille judiciaire de son immunité d’eurodéputé, M. Puigdemont ne s’était pas risqué à faire le voyage en France, pays dont la collaboration policière et judiciaire est étroite avec Madrid.

Maintenant qu’il ne risque plus l’extradition, les indépendantistes catalans vont lui offrir un bain de foule dans cette ville du sud de la France toute proche de la frontière et que les indépendantistes catalans considèrent comme la capitale de la « Catalogne nord ».

Les organisateurs ont réservé 600 bus et estiment qu’entre 70.000 et 100.000 militants séparatistes feront le déplacement d’Espagne pour ce meeting qui doit commencer à 12H00 (11H00 GMT) sur l’esplanade du parc des expositions de Perpignan.

– « A la maison » –

« Pour moi, c’est comme être à la maison », a confié mercredi M. Puigdemont au quotidien La dépêche du Midi.

La principale figure de la tentative de sécession de 2017 sera reçue samedi par le maire de Perpignan, Jean-Marc Pujol, et par la présidente du département des Pyrénées-Orientales, Hermeline Malherbe, après avoir assisté vendredi à un match de l’équipe de rugby locale, porte-drapeau de l’identité catalane.

Des réceptions dénoncées par l’ancien Premier ministre français Manuel Valls, candidat malheureux l’an dernier à la mairie de Barcelone, sa ville natale.

« Des élus de tous bords vont recevoir en grande pompe à Perpignan un dirigeant politique qui a fui l’Espagne et qui est poursuivi par la justice d’un Etat de droit. Cet indépendantiste qui n’a rien d’un progressiste affirme venir en « Catalogne-nord » et non pas en France », a-t-il dit sur Twitter en critiquant un « électoralisme à la petite semaine » et une « absence de respect du pays voisin ».

– Contexte sensible en Catalogne –

Ce meeting de Carles Puigdemont intervient dans un contexte politique sensible en Catalogne.

Son successeur à la tête du gouvernement régional, Quim Torra, a en effet annoncé fin janvier la tenue prochaine d’élections régionales anticipées en raison des tensions entre les deux partis séparatistes contrôlant la région: Ensemble pour la Catalogne (JxC) de M. Puigdemont et Gauche Républicaine de Catalogne de son ancien numéro deux Oriol Junqueras (ERC), condamné à 13 ans de prison pour la tentative de sécession.

Ces tensions découlent des divergences stratégiques entre ces deux formations, ERC étant favorable à un dialogue avec le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez tandis que JxC prône toujours la désobéissance.

Ce dialogue, fixé par ERC comme une condition à son appui à M. Sanchez au parlement, vient de commencer mercredi à Madrid entre le gouvernement central et le gouvernement catalan pour tenter de trouver une solution à ce conflit qui envenime depuis des années la politique en Espagne.

Mais il est vu d’un mauvais oeil par M. Puigdemont et ses partisans. « L’expérience nous conseille résolument de ne pas faire confiance », a affirmé récemment l’ancien président régional qui réclame toutefois d’être un interlocuteur de Madrid dans ces négociations.

« Conséquences graves » si le coronavirus entre en Corée du Nord, avertit Kim Jong Un

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a averti les principaux responsables du parti unique des « conséquences graves » qu’aurait l’entrée du coronavirus dans le pays, ont rapporté les médias officiels samedi.

Cet Etat pauvre et isolé diplomatiquement, dont le système de santé souffre de sous-équipement et d’obsolescence, a rigoureusement fermé ses frontières pour éviter toute contamination, alors qu’il est entouré par les deux pays les plus touchés au monde, la Chine et la Corée du Sud.

La lutte contre le virus est une « affaire cruciale pour la défense du peuple », qui exige une discipline sans faille, a estimé Kim Jong Un lors d’une réunion du Parti du travail de Corée, selon l’agence de presse KCNA.

« Au cas où la maladie infectieuse qui se répand hors de tout contrôle trouverait le moyen d’entrer dans le pays, cela aurait des conséquences graves », a-t-il souligné.

KCNA a fait état du limogeage de deux vice-présidents, Ri Man Gon and Pak Thae Dok, et de la dissolution d’une cellule du parti, en raison de soupçons de corruption qui auraient pu compromettre les mesures de prévention contre l’épidémie.

« Aucun traitement de faveur ne doit être permis », a insisté Kim Jong Un, qui a ordonné de « fermer hermétiquement tous les canaux et interstices par lesquels la maladie contagieuse pourrait s’infiltrer ».

Pyongyang publie un bilan de zéro cas de Covid-2019, maladie qui a tué plus de 2.800 personnes dans le monde.

La Corée du Nord a pris des mesures parmi les plus radicales au monde: interdiction des touristes étrangers, suspensions des arrivées de trains et vols internationaux, et mise en quarantaine de centaines d’étrangers présents dans le pays.

Avec des messages de promotion de l’hygiène répétés par hauts-parleurs, le confinement des ambassadeurs dans leurs complexes, et des médias d’Etat martelant la nécessité d’une « soumission stricte » aux ordres, ces mesures ont été décrites comme « sans précédent » par des diplomates.

Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est déclaré jeudi prêt à adopter des exemptions humanitaires à ses lourdes sanctions économiques contre la Corée du Nord afin d’aider ce pays à lutter contre l’épidémie de coronavirus, selon l’ambassadeur allemand à l’ONU, Christoph Heusgen. Mais « le problème actuellement est que la Corée du Nord a fermé ses frontières », disait cet ambassadeur.

L’opposition russe défile contre Poutine

L’opposition russe doit manifester samedi à Moscou contre les réformes constitutionnelles voulues par le président Vladimir Poutine et en mémoire de l’opposant Boris Nemtsov, assassiné il y a cinq ans aux pieds du Kremlin.

Il s’agira de la première manifestation d’ampleur depuis l’annonce de la vaste révision constitutionnelle voulue par le président russe et depuis le mouvement de protestation en faveur d’élections libres qui a secoué Moscou à l’été 2019 et qui avait été fermement réprimé par les autorités.

Elle commémorera également la mort de , l’une des principales voix anti-Poutine jusqu’à son assassinat en février 2015. Cinq exécutants ont été condamnés, mais le commanditaire est resté introuvable.

« Le Kremlin va regarder combien de gens participent à la marche pour Nemtsov. De cela dépendra avec quel niveau de cynisme ils continueront l’opération destinée à maintenir Poutine au pouvoir », écrivait mardi sur Twitter l’opposant numéro 1 au Kremlin, Alexeï Navalny, appelant ses partisans à rejoindre le défilé.

Autorisée par les autorités, la marche de samedi est la première manifestation d’importance depuis que Vladimir Poutine a annoncé une révision constitutionnelle qui renforcera plusieurs prérogatives du président et musclera le rôle du Conseil d’Etat, un organe jusqu’alors consultatif.

Pour beaucoup d’analystes, Vladimir Poutine organise avec cette réforme l’après 2024, en se laissant le maximum de portes ouvertes pour préserver son influence, pérenniser le système qu’il a bâti en 20 ans au pouvoir, alors qu’il doit quitter les fonctions présidentielles puisqu’il ne pourra pas se représenter.

« Je vais aller à la marche (…) car c’est l’une des seules possibilités de se réunir avec ceux qui vous sont idéologiquement proches et sentir que tout n’est pas sans espoir », a indiqué à l’AFP Viktoria Popova, artiste de 30 ans.

– « Rester pour toujours » –

Un des organisateurs de la marche, l’opposant Ilia Iachine, a indiqué qu’elle était une façon de rappeler au président Poutine qu’il ne peut pas rester au pouvoir éternellement.

« Il y a des moments où vous ne pouvez pas juste rester à la maison (…) Poutine ne peut pas rester au pouvoir pour toujours, il est temps de le lui rappeler », a-t-il déclaré.

Selon un récent sondage du centre indépendant Levada, seul 25% des Russes sont prêts à voter en faveur des changements constitutionnels voulus par Vladimir Poutine, tandis que 65% disent ne pas comprendre ce qu’ils signifient. Les sondés sont plus divisés que jamais sur l’avenir du président: 44% veulent le voir quitter le pouvoir après 2024, 45% veulent le voir rester.

L’assassinat par balles de Boris Nemtsov en février 2015 avait, lui, provoqué une onde de choc dans la société russe comme à l’étranger, les appels à retrouver les auteurs et les commanditaires se multipliant sur fond de soupçons d’implication des autorités russes.

L’opposant, qui incarnait la génération des jeunes réformateurs des années 1990, avait servi dans le gouvernement de Boris Eltsine avant de devenir un virulent critique du président Vladimir Poutine. Il préparait au moment de sa mort une enquête sur l’implication de l’armée russe dans la guerre dans l’est de l’Ukraine, qui a fait plus de 13.000 morts depuis son déclenchement en 2014.

En 2017, cinq hommes originaires des républiques russes de Tchétchénie et d’Ingouchie ont été condamnés pour son meurtre à des peines de 11 à 20 ans de prison.

L’enquête officielle estime que l’opposant a été assassiné pour ses critiques de l’Islam, mais elle est mise en doute par l’opposition, qui soupçonne une implication de l’autoritaire dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, déjà mis en cause dans d’autres assassinats d’opposants et de journalistes.

Le commanditaire présumé a été identifié par les enquêteurs comme un certain Rouslan Gueremeïev, commandant d’une unité militaire tchétchène. Jamais arrêté, il aurait fui à l’étranger.

L’Union européenne et Alexeï Navalny ont appelé les autorités russes à rouvrir l’enquête.

Roschdy Zem, un acteur brut devenu incontournable

C’est une figure discrète mais incontournable du 7e Art français. Récompensé vendredi par un César du meilleur acteur pour « Roubaix, une lumière », Roschdy Zem est un acteur brut à la force tranquille, dont le parcours a été jalonné de plus de 80 films, mêlant cinéma d’auteur et populaire.

Nommé trois fois aux César dans la catégorie meilleur second rôle (pour « Ma petite entreprise », « Le Petit lieutenant » et « La Fille de Monaco »), une fois pour le meilleur premier film (« Mauvaise foi ») et une fois pour la meilleure adaptation (« Omar m’a tuer »), il n’avait jamais été récompensé.

Dans le polar sombre d’Arnaud Desplechin « Roubaix, une lumière », l’acteur franco-marocain de 54 ans incarne un commissaire charismatique et sensible, plein d’humanité, à contre-pied des personnages classiques de policiers.

Un rôle qui lui avait déjà permis de décrocher en janvier le Prix Lumière du meilleur acteur, décerné par la presse internationale en France.

« C’était le rôle parfait pour lui », confiait à l’AFP en mai à Cannes Arnaud Desplechin, qui voit en lui « un seigneur » qu’il a « vu grandir de film en film », un homme « très pudique ».

« Lino Ventura a une pudeur qui me bouleverse. Je trouvais que Roschdy avait cette pudeur. Et en le filmant, je me suis dit que ce n’était pas du tout Ventura, c’était Trintignant, parce qu’il a une précision de jeu chirurgicale ».

– Des puces au grand écran –

L’acteur, qui s’est illustré l’an dernier aussi par son rôle de président de la République aux faux airs de Barack Obama, dans la série « Les Sauvages » de Rebecca Zlotowski, s’est imposé tout au long d’une carrière où il a joué des hommes virils, avec de nombreux rôles de flics dans des polars français, mais aussi des personnages complexes, d’hommes mutiques ou écorchés, révélant sa fragilité.

Rien ne le prédisposait pour autant au cinéma. Né le 28 septembre 1965 de parents d’origine marocaine vivant dans un bidonville, qui le placent en famille d’accueil en Belgique jusqu’à ses 5 ans avant de s’installer à Drancy, Roschdy Zem devient d’abord vendeur de chaussures aux puces de Clignancourt.

Il découvre le théâtre seulement à 20 ans, en accompagnant une amie à un cours. Il commence alors à faire des castings et débute au cinéma dans « Les Keufs » de Josiane Balasko, avant « J’embrasse pas » d’André Téchiné, avec qui il travaillera à nouveau dans « Ma saison préférée » et « Alice et Martin ».

Il multiplie ensuite les rôles dans le cinéma d’auteur, se faisant vraiment connaître en veilleur de nuit dans « En avoir ou pas » de Laetitia Masson et surtout en toxicomane dans « N’oublie pas que tu vas mourir » de Xavier Beauvois.

L’acteur à la stature imposante et au visage buriné joue ensuite chez Dominique Cabrera (« L’Autre côté de la mer »), Patrice Chéreau (« Ceux qui m’aiment prendront le train ») ou Pierre Jolivet (« Ma petite entreprise »).

– le prix d' »Indigènes » –

Devenu populaire, on le voit au début des années 2000 dans des films grand public (« Chouchou » de Merzak Allouache, « 36 Quai des Orfèvres » d’Olivier Marchal) ou plus pointus (« Va, vis et deviens » de Radu Mihaileanu, « Le Petit Lieutenant » de Xavier Beauvois), avec des rôles variés, traçant la voie pour d’autres acteurs issus de l’immigration.

L’année 2006 marque un tournant. Grâce à « Indigènes » de Rachid Bouchareb, sur les tirailleurs nord-africains pendant la Deuxième guerre mondiale, il remporte collectivement le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes avec les autres acteurs du film.

Il réalise également cette année-là son premier film comme cinéaste, « Mauvaise foi », sur l’histoire d’amour entre une femme juive et un homme musulman.

Suivront « Omar m’a tuer » (2011), sur l’affaire Omar Raddad, « Bodybuilder » (2014), dans l’univers du culturisme, « Chocolat » (2016), sur le premier clown noir de France, et enfin le polar sombre « Persona non grata » l’an dernier.

Il continue parallèlement sa carrière d’acteur, alliant cinéma d’auteur et populaire, de « La Fille de Monaco » (2008) d’Anne Fontaine au « Jeu » (2018) de Fred Cavayé.

Actuellement à l’affiche de « La Fille au bracelet » de Stéphane Demoustier, il joue en ce moment aussi au théâtre dans « Trahisons » d’Harold Pinter, mis en scène par Michel Fau.